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Cet article fait suite à celui sur la problématique des évaluations des transferts de charges et des déséquilibres budgétaires (lien).

En résumé, nous avons vu que :

  • Le coût de fonctionnement ne pose en général pas de difficultés particulières, en termes d’évaluation ou de neutralisation
  • Il n’en va pas de même pour le coût d’investissement. Son évaluation et surtout sa neutralisation pose souvent problème, nuisant ainsi au principe d’équité et de neutralité du transfert de compétence : les budgets des communes ou de l’EPCI peuvent s’en trouver déséquilibrés, après transfert.
  • L’évaluation du coût d’investissement d’une compétence revient donc à calculer le coût d’amortissement annuel de l’ensemble des biens rattachés à la compétence, c’est-à-dire le coût d’acquisition ou de réalisation du bien, divisée par sa durée probable de vie.
  • L’évaluation du coût d’investissement est donc celui de la charge d’amortissement. Et lorsqu’une commune transfère des biens non amortissables (parce qu’affecté à des services publics administratifs par exemple), le mécanisme de l’évaluation régi par l’article 1609 nonies C du CGI la pénalise : elle doit alors constater une retenue pour une charge qu’elle n’avais pas dans son budget (l’amortissement du bien non transféré). Le principe de neutralité budgétaire est rompu.

La problématique de la retenue pour les biens non amortissables

Il faut bien voir que ce n’est pas l’évaluation du coût d’investissement qui pose le plus de problème mais la neutralisation de ce coût dans les AC, notamment pour les biens non amortis comptablement par les communes.

En effet si une commune n’amortissait pas dans son budget le bien transféré (au compte 68), cela signifie qu’elle ne mobilisait pas de ressources budgétaires pour couvrir cette charge d’amortissement, au moment du transfert. Or, la retenue sur l’AC de la commune au titre du coût d’investissement revient à lui demander de transférer à l’EPCI des ressources, afin de couvrir la charge d’amortissement du bien. Si ce principe apparaît juste dans le temps (c’est l’EPCI qui devra renouveler le bien, il faut donc lui transférer les moyens budgétaires de le faire), cela peut poser des problèmes de déséquilibre budgétaire à la commune, au moment du transfert.

Certes, on pourra argumenter que la commune possède la capacité budgétaire de financer cette charge d’amortissement, du moins une charge équivalente :

  1. Si elle a financé la réalisation initiale du bien par autofinancement, c’est qu’elle a structurellement une capacité budgétaire qui lui permet de le faire, et de renouveler dans le temps le bien en mobilisant ses ressources propres (épargne brute annuelle importante ou abondement régulier de son fonds de roulement avec des excédents dégagés chaque année, afin de disposer des sommes nécessaires pour renouveler le bien par autofinancement, le moment venu).
  2. si elle a financé la réalisation initiale du bien par emprunt, la commune doit rembourser chaque année l’annuité de dette correspondante, ce qui correspond à un amortissement (financier et pas comptable, mais le principe est le même, la seule différence portant en général sur la durée d’amortissement[1]). Le transfert du bien emportera le transfert à l’EPCI de l’emprunt rattaché : la commune n’aura plus à supporter la charge d’annuité correspondante. Son budget pourra donc supporter en lieu et place de cette charge d’amortissement financier l’équivalent d’une charge d’amortissement comptable.

Mais il faut bien voir que les biens concernés, ceux non amortis,[2] ont en général une durée de vie relativement longue, équivalente ou supérieure à 20 ans. Une fois que ce type de bien est réalisé, la problématique de son renouvellement n’est pas anticipée dans les budgets votés ultérieurement. Même dans le cas d’un bien financé par emprunt, la durée de remboursement de la dette est en général de 15 ans. Si le bien a une durée de vie estimée à 30 ans, cela signifie qu’entre la 15ème année et la 30ème année, la commune n’a plus à supporter dans son budget le remboursement de l’annuité de dette. Dans ces cas de figure, les communes, surtout si elles se sont de petite taille ou disposant de marges budgétaires réduites, ne vont pas provisionner ou prévoir dans leur budget une charge d’amortissement liée au renouvellement futur du bien. Or, au moment du transfert d’une compétence, il va être demandé à la commune (via la retenue sur son AC liée au coût d’investissement transféré) une participation budgétaire couvrant la charge d’amortissement du bien, et ce dès la première année du transfert.

D’un principe en théorie juste et équitable (donner à l’EPCI les moyens de renouveler les bien réalisés et transférés par les communes), nait souvent un sentiment de forte incompréhension de la part de certaines communes, voire d’injustice, avec l’impression de payer deux fois pour le même bien.

Pour autant, ne pas retenir sur les AC des communes un montant équivalent au coût de renouvellement du bien pénalisera forcément l’EPCI à terme, et in fine les contribuables du territoire : l’EPCI n’aura pas les moyens budgétaires de renouveler des biens qu’il n’a pas réalisés, et cela se traduira inévitablement par une hausse de la pression fiscale sur le territoire. Les contribuables paieront plus chers demain un stock d’équipement inchangé dans le temps (quantitativement ou qualitativement) : ce n’est bien entendu ni juste ni acceptable.

Un vrai dilemme d’équité et d’équilibre budgétaire se pose ainsi entre les communes et l’EPCI dans le cadre des transferts d’équipements. Comment le résoudre ?

A notre avis il existe deux principales mesures pouvant être mises en œuvre :

  1. Prendre en compte une durée de vie du bien concerné correspondant à la réalité du contexte local, plutôt qu’une durée théorique. Si l’on reprend l’exemple de la voirie, on peut tout à fait imaginer d’imputer une durée de 40 ans à une voirie (contre une durée usuelle de 20 à 25 ans), si elle est peu fréquentée et ne nécessite que des petits travaux d’entretien et de remise en état pendant toute cette durée de vie. Et si l’on reprend l’exemple du bâtiment, il faut envisager le cas où des travaux d’entretien lourd et de remise en conformité peuvent prolonger la durée d’utilisation du bâtiment de façon importante, pour un coût beaucoup moins élevé qu’un renouvellement à neuf du bâtiment. On aurait alors un calcul du coût de renouvellement du bien égal à son coût de réalisation initiale divisée par sa durée de vie totale après travaux, auquel on ajoute le coût d’amortissement des travaux.
  2. Appliquer un coût d’amortissement progressif plutôt que linéaire : au lieu de calculer un coût d’amortissement linéaire (coût annuel fixe dans le temps), on pourrait envisager une montée en charge progressive de ce coût, amenant à retenir sur les AC de la commune un montant relativement faible les premières années de transfert, puis qui augmenterait ensuite jusqu’à la fin de durée de vie estimée du bien (le montant total retenu sur toute la durée de vie serait équivalent à celui retenu dans le cadre de l’amortissement linéaire). Ce dispositif dérogatoire nécessitera de mettre en place des « AC « libres » (V 1°bis du de l’article 1609 nonies C du CGI), après accord des communes intéressées et de l’EPCI.

En conclusion, le transfert des équipements soumis à des cycles d’investissement long nécessitent de mettre en œuvre des méthodes d’évaluation et de neutralisation des coûts adaptés aux contexte local et aux contraintes budgétaires des collectivités concernés. Des solutions existent pour préserver la capacité d’investissement des communes sur les compétences non transférées, sans pour autant pénaliser l’EPCI, et in fine les contribuables du territoire : elles demandent cependant un travail d’analyse poussé et surtout beaucoup de pédagogie sur les enjeux et conséquences des choix qui seront arrêtés.



[1] La durée d’amortissement comptable d’un équipement lourd (de type bâtiment ou réseau) peut être supérieure à 25 ans, alors que l’amortissement financier de l’emprunt ayant servi à le financer s’étale habituellement sur une durée de 15 ans.

[2] Les principaux types de biens qui ne sont pas obligatoirement à amortir sont les bâtiments et équipements non productifs de revenus, ainsi que les réseaux de voirie et d’éclairage public.

L’Agence de Développement Economique du Loiret (ADEL) organise le 12 juin une réunion technique sur le thème : « Préparer le transfert des charges lors de la transmission de la compétence sur la gestion des zones d’activités« , animée par Pierre-Olivier HOFER.

Le transfert de compétences entre une commune et son intercommunalité doit donner lieu à une évaluation suivant une méthodologie décrite, pour les communautés à fiscalité professionnelle unique, à l’article 1609 nonies C du CGI. Néanmoins, dans le cas des zones d’activités, cette méthode n’est pas applicable, compte tenu du statut particulier de ces zones qui ont vocation à être aménagées puis cédées.

Cette intervention permettra de présenter le cadre juridique général et spécifique aux zones d’activités et de détailler les 3 méthodes d’évaluation des zones d’activités sur la base d’exemple de cas pratiques.

Cette réunion sera profitable aux intercommunalités ayant déjà transféré les charges sur les zones d’activités communales ainsi qu’à celles qui sont en train de réaliser une étude de faisabilité d’un tel transfert.

Plus de renseignements et contact ici

Lors de la fusion d’EPCI, la question de l’évaluation des compétences et des charges transférées se pose régulièrement. Les périmètres de compétences étant rarement similaires, pourquoi n’évaluerait-on une compétence que sur 1 EPCI ? Si un EPCI avait la compétence scolaire et l’autre non, doit-on évaluer les charges transférées pour cette compétence pour tout le territoire ou seulement les communes membres de l’EPCI qui n’était pas compétent ?

Les attributions de compensation, au coeur de la fiscalité professionnelle unique (FPU), sont un flux financier EPCI – communes membres qui permet de neutraliser budgétairement le transfert de charges et de recettes des communes membres vers l’EPCI. Elle sont les garantes de cette neutralité budgétaire du passage en fiscalité professionnelle unique ou des transferts de charges, au moment du transfert.

Les évaluations des transferts de charges ne peuvent donc porter que sur les charges transférées des budgets communaux vers le budget communautaire. En particulier, elles ne peuvent porter sur des charges qui étaient intercommunales (avant la fusion ou avant le passage en FPU) et qui le sont toujours. L’article 1609 nonies C du CGI stipule que l’évaluation doit se faire d’après leur coût réel « dans les budgets communaux ».

[citation alignement= »left »]Les évaluations de charges ne peuvent porter sur des charges qui étaient intercommunales[/citation]Si les charges intercommunales étaient retenues sur les attributions de compensations des communes, alors que ces dernières n’avaient pas ces dépenses dans leur budget, le principe de neutralité budgétaire des transferts serait rompu.

Historiquement, l’évaluation des charges intercommunales était réalisé jusqu’à la suppression de la taxe professionnelle. En effet, à cette époque, lors du passage en fiscalité professionnelle unique, les taux additionnels ménages étaient restitués aux communes. En contrepartie, on leur prélevait sur leurs attributions de compensation les dépenses de l’EPCI à fiscalité additionnelle. Avec la suppression de la taxe professionnelle, le passage en FPU ne s’accompagne plus de la restitution de la fiscalité additionnelle ménages. Dès lors, les charges intercommunales ne sont plus prises en compte puisque les communes n’ont pas les ressources pour les financer. Le législateur a donc revu l’article 1609 nonies C du CGI afin de supprimer le transfert des taxes additionnelles aux communes, et l’évaluation des charges intercommunales.

 

Ainsi, le 5° du V de l’article 1609 nonies C du CGI précise :

« L’attribution de compensation versée chaque année aux communes membres qui étaient antérieurement membres d’un établissement public de coopération intercommunale ne faisant pas application des dispositions du présent article est calculée conformément au 2°. Lorsque la fusion s’accompagne d’un transfert ou d’une restitution de compétences, cette attribution de compensation est respectivement diminuée ou majorée du montant net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV. »

Il faut donc que la fusion s’accompagne d’un transfert de compétence pour que l’attribution de compensation soit diminuée des charges transférées. En termes de méthode d’évaluation, le IV de l’article 1609 nonies C du code général des impôts précise :

« […]
Les dépenses de fonctionnement, non liées à un équipement, sont évaluées d’après leur coût réel dans les budgets communaux lors de l’exercice précédant le transfert de compétences ou d’après leur coût réel dans les comptes administratifs des exercices précédant ce transfert. Dans ce dernier cas, la période de référence est déterminée par la commission.
Le coût des dépenses liées à des équipements concernant les compétences transférées est calculé sur la base d’un coût moyen annualisé. Ce coût intègre le coût de réalisation ou d’acquisition de l’équipement ou, en tant que de besoin, son coût de renouvellement. Il intègre également les charges financières et les dépenses d’entretien. L’ensemble de ces dépenses est pris en compte pour une durée normale d’utilisation et ramené à une seule année. Le coût des dépenses transférées est réduit, le cas échéant, des ressources afférentes à ces charges. […] ».

 

Les dépenses de fonctionnement sont évaluées « d’après leur coût réel dans les budgets communaux lors de l’exercice précédant le transfert de compétences ou d’après leur coût réel dans les comptes administratifs des exercices précédant ce transfert. Dans ce dernier cas, la période de référence est déterminée par la commission».

Pour les investissements, l’article se réfère à un coût moyen annualisé.

 

Une certaine latitude semble donc laissée à la commission locale d’évaluation sur le plan méthodologique. Ainsi :

  • Le coût des dépenses de fonctionnement est « évalué », il ne s’agit donc pas d’un simple calcul « automatique »,
  • Le coût est évalué « d’après » leur coût réel, la commission doit donc proposer une méthode d’évaluation, tenant compte des coûts passés, mais pouvant intégrer d’autres paramètres.
  • La loi dit « dans les budgets communaux » et non « dans chaque budget communal ». La commission peut donc proposer de retenir des coûts moyens et les appliquer à chacun.

 

Au final, le rôle de la commission locale est double :

  1. Élaborer une méthode d’évaluation des transferts de charges qui dépasse l’exercice concerné (méthode permanente) et transmettre ses conclusions aux conseils municipaux qui ont seuls le pouvoir délibérant.
  2. Être un observatoire permanent de l’évaluation des charges transférées pouvant proposer une actualisation des transferts initiaux, notamment par réduction volontaire des attributions de compensation à l’unanimité des conseils municipaux.

L’évaluation des transferts de charges s’inscrit dans la logique fondamentale du régime de la fiscalité professionnelle unique. De l’évaluation dépend en effet la détermination de l’attribution de compensation versée aux communes. Le respect des principes de neutralisation financière des transferts dépend donc également de la procédure d’évaluation mise en œuvre.

A la création d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) faisant application de la fiscalité professionnelle unique, les communes ont transféré à la communauté une partie de leurs ressources fiscales, ainsi que certaines dépenses. En contrepartie, la communauté reverse à ces communes une attribution de compensation égale au solde recettes – dépenses transférées.

Attribution de compensation  =  Produits fiscaux transférés – Coût net des charges transférées

Les communes continuent donc de financer indirectement les charges qu’elles ont transférées, mais à leurs valeurs « historiques ». L’augmentation du produit de fiscalité professionnelle après la date du transfert doit ainsi permettre de financer l’accroissement des charges transférées et les charges nouvelles.

L’enjeu financier de l’évaluation des transferts de charges est de donner les moyens au groupement d’assumer les compétences qui sont les siennes au regard des conditions dans lesquelles elles étaient antérieurement assumées dans les communes. D’une évaluation « juste » dépendent les équilibres financiers futurs de la communauté et des communes membres.

Le principal risque réside dans le danger de la sous-évaluation des transferts de charges. En cas de sous-évaluation, la communauté ne dispose pas des moyens de financer intégralement les charges qui lui sont transférées via la réduction de l’attribution de compensation. Cette réduction est en effet trop faible et les attributions de compensation versées aux communes sont trop élevées. Dans ce cas, la communauté devra trouver un moyen d’équilibrer son budget.

Ce rééquilibrage peut s’opérer de deux manières :

  • Par la réduction des charges : c’est alors la dotation de solidarité communautaire (DSC) ou les fonds de concours, ou toute autre variable qui joue le rôle de variable d’ajustement ;
  • Par l’augmentation des ressources : dans le respect des règles de liaison des taux, la communauté devra augmenter le taux de CFE et/ou instituer une fiscalité mixte. Dans ce cas, la DSC n’est pas réduite et la sous-évaluation des transferts permet aux budgets communaux de financer de nouvelles charges. Sur le plan de la pression fiscale, la situation est donc « inflationniste ».

A l’inverse, en cas de surévaluation, les budgets communaux sont déséquilibrés : le montant de la retenue sur attributions de compensation (perte de recette pour les AC positives, dépense plus forte pour les AC négatives) ne sont pas compensées par des dépenses qui ne sont plus à financer (puisque transférées à l’intercommunalité).