Entré en vigueur le 1er janvier 2023, le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) a profondément modifié les règles encadrant les fautes commises dans la gestion des deniers publics. Ce dispositif, mis en place par l’ordonnance du 23 mars 2022, confie à une chambre du contentieux de la Cour des comptes la mission de juger les agents publics – qu’ils soient ordonnateurs ou comptables – lorsqu’une faute grave ayant entraîné un préjudice financier significatif est constatée.

L’objectif affiché de cette réforme était de mieux cibler les fautes réellement graves, en écartant les sanctions automatiques pour des erreurs purement formelles. Toutefois, après plus d’un an d’application, les retours du terrain sont préoccupants et ce dispositif suscite de vives critiques. Plusieurs organisations professionnelles, dont le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT), alertent sur une tendance à l’automatisation des sanctions, même en l’absence de volonté frauduleuse ou en cas de contraintes opérationnelles fortes. Selon elles, 60 % des contrôles effectués jusqu’à présent ont concerné les collectivités territoriales.

Autre sujet de mécontentement : l’exclusion de la protection fonctionnelle pour les agents mis en cause. Cette garantie, qui permet habituellement à un agent de bénéficier du soutien juridique de son employeur, notamment pour les frais d’avocat, n’est pas applicable dans ce cadre, comme l’a confirmé le Conseil d’État. En réponse, une circulaire gouvernementale d’avril 2024 prévoit un accompagnement alternatif, reposant sur un appui technique et juridique, l’accès aux archives, et la création de centres de ressources.

Mais pour les syndicats, ces mesures restent insuffisantes. Ils demandent avec insistance la mise en place de véritables garanties pour les agents : retour de la protection fonctionnelle, définition de critères d’exonération ou de modulation des sanctions, et renforcement de la présomption d’innocence. Un manifeste pour une responsabilité publique juste et assumée, publié par le SNDGCT, a déjà recueilli près de 1 800 signatures.

Les inquiétudes sont d’autant plus vives que des condamnations récentes sont venues illustrer la sévérité du nouveau régime : des cadres territoriaux ont été condamnés à des amendes allant jusqu’à 2 500 euros pour des manquements administratifs, sans intention frauduleuse avérée. L’amende maximale peut atteindre jusqu’à six mois de rémunération annuelle.

Ce climat de tension pourrait avoir des conséquences concrètes sur le fonctionnement des services publics. Une enquête de l’Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) révèle que 81 % des cadres interrogés se sentent menacés par ce nouveau régime. Une majorité craint qu’il n’entraîne une forme d’inaction, par peur de prendre des décisions susceptibles d’être sanctionnées.

Face à ces signaux d’alerte, les organisations professionnelles appellent le gouvernement à réajuster le dispositif, afin de concilier efficacité de la lutte contre les fautes de gestion et préservation de la sérénité et de l’engagement des agents publics.

Lors de la Conférence financière des territoires, tenue le 6 mai, le gouvernement a annoncé la mise en place de quatre groupes de travail pour réfléchir aux évolutions des finances locales. Ces travaux visent à réduire le déficit public en impliquant les collectivités locales, malgré les désaccords entre le gouvernement et les associations d’élus. Le gouvernement accuse les collectivités de « trop dépenser », tandis que les élus estiment que l’État est responsable de la situation en recentralisant progressivement les finances locales et en imposant des dépenses supplémentaires.

Les quatre groupes de travail

Les groupes de travail seront organisés autour de quatre thématiques principales :

  1. Prévisibilité des recettes et investissements
  2. Effectifs et masse salariale des collectivités locales
  3. Modalités des relations entre l’État et les collectivités
  4. Situation financière des départements

Ces groupes se réuniront à deux reprises : une première séance aura lieu les 26 et 27 mai, et la seconde les 18 et 19 juin. Chaque association disposera de deux sièges par groupe (un élu et un membre des services). Les résultats de ces travaux seront présentés en juillet lors d’une nouvelle conférence financière des territoires et intégrés dans la préparation du projet de loi de finances pour 2026.

Les enjeux des groupes de travail

  1. Prévisibilité des recettes et investissements :
    Ce groupe se concentrera sur la mesure de l’impact des recettes issues de la loi de finances pour 2026, en particulier la « pilotabilité des recettes des différentes strates » (le pouvoir de taux des élus). Il sera aussi question de rendre plus lisible le calcul de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) et d’explorer les financements externes (comme les fonds européens). L’objectif est de réintroduire la contractualisation entre l’État et les collectivités, où l’État offrirait une meilleure prévisibilité des dotations en échange de l’engagement des collectivités à maîtriser leurs dépenses. Une question clé pourrait être celle de l’« année blanche », dont le sens exact reste flou.
  2. Fonction publique territoriale (FTP) :
    Ce groupe se penchera sur la hausse des dépenses liées aux effectifs des collectivités, notamment la gestion des départs en retraite à venir et les moyens de maîtriser ces dépenses. Le groupe débattra également de l’attractivité des métiers de la FTP, des questions statutaires et de l’impact des cotisations sociales (CNRACL).
  3. Relations financières entre l’État et les collectivités :
    Ce groupe s’intéressera aux transferts financiers entre l’État et les collectivités (plus de 100 milliards d’euros par an). L’objectif est d’évaluer l’efficacité des dispositifs financiers et d’examiner la gestion des normes qui ont un impact financier sur les finances locales. Le gouvernement propose même un « moratoire sur les normes » dès 2025. Un autre sujet de discussion sera la péréquation horizontale, qui concerne les mécanismes de solidarité entre les différentes strates de collectivités, sujet qui ne fait pas l’unanimité parmi les élus.

Conclusion

Les travaux de ces groupes de travail seront cruciaux pour la définition de la politique financière à venir, avec l’objectif de réduire le déficit tout en maintenant un équilibre entre les besoins des collectivités et les exigences de l’État.