L’harmonisation des tarifs et des modes de gestion suite aux fusions d’EPCI ou à l’extension des compétences communautaires

Expertise des finances locales

Avec les nombreuses fusions d’EPCI qui ont vu le jour au 1er janvier 2017, beaucoup de Communautés nous ont posé la question d’une éventuelle obligation d’harmoniser les tarifs et modes de gestion des différents services, sur l’ensemble du territoire fusionné. Mais en fait cette problématique se pose pour toutes les compétences exercées par un EPCI, que celui-ci soit issu d’une fusion ou pas.

Cette question est donc très importante pour toutes les Communautés (celles nouvellement créées mais également celles qui prennent de nouvelles compétences dans leurs statuts). Mais étrangement, elle ne trouve pas réponse dans un texte juridique officiel (article du CGCT, circulaire, décret).

C’est en fait la jurisprudence, complétée par une réponse ministérielle détaillée et circonstanciée, qui permet d’y voir plus clair sur le sujet.

 

Les tarifs et les modes de gestion doivent être harmonisés et unifiés au sein d’un EPCI…

Un des fondements de l’intercommunalité réside dans sa capacité à pouvoir apporter aux différents habitants de son territoire une gestion unique et unifié des services publics relevant de ses compétences.

Là où auparavant coexistait sur les différentes communes membres une multiplicité de pratiques et de situations, la Communauté va apporter une rationalisation et une homogénéisation de l’intervention publique, suite au transfert de compétences. Cela implique forcément une harmonisation des politiques tarifaires et des modes de gestion des services publics concernés, sur l’ensemble du territoire communautaire.

De plus, il existe un principe fort d’égalité de traitement des usagers devant le service public (égalité au sein de la collectivité organisatrice du service).

En conséquence, sur un territoire intercommunal donné, que celui-ci soit redimensionné suite à une fusion, ou inchangé quant à son périmètre, l’exercice des compétences communautaires doit être uniforme quant à la politique tarifaire appliquée ou au mode de gestion privilégié (régie ou DSP).

 

…mais progressivement et sans contrainte de délais

Une jurisprudence du Conseil d’Etat de mai 1974 (Denoyez et Chorques) est venu rappelé ce principe d’égalité de traitement des usagers devant le service public. Mais il a également acté le fait que des exceptions à ce principe d’égalité étaient autorisées, sur la base des trois critères suivants :

  • que la différenciation résulte d’une loi,
  • qu’il existe entre les usagers des différences de situation appréciables,
  • que la différenciation résulte d’une nécessité d’intérêt général, en rapport avec les conditions d’exploitation du service public.

Une réponse du Ministre de l’intérieur (Rép. min. n° 16484 : JO Sénat, 10 mars 2005, p. 653) est venue apporter des précisions importantes sur la question générique de l’harmonisation des tarifs et des modes de gestion au sein d’un EPCI. Dans cette réponse, il est d’abord rappelé le principe évoqué précédemment : « Le principe selon lequel la constitution d’une communauté de communes doit se traduire par une harmonisation progressive des conditions de gestion, des tarifs et redevances des services publics doit être affirmé au sein du nouvel espace communautaire ». La jurisprudence du conseil d’état « Denoyez et Chorques » est ensuite rappelé, avant d’en déduire une position très claire sur cette question du principe d’égalité au sein d’une intercommunalité :

« Le principe d’égalité devant le service public s’analyse ici dans le cadre de l’intercommunalité. La recherche d’une gestion unifiée et d’un prix éventuellement unique, ne peut donc qu’être progressive dans le temps, car des obstacles techniques et juridiques existent le plus souvent. La multiplicité des conditions initiales d’exécution entraîne nécessairement une disparité des prix sur le territoire communautaire dans un premier temps. Ainsi, le transfert de compétence à un EPCI entraîne la mise à disposition d’équipements variés, qui conduit nécessairement à la réalisation préalable de travaux de rationalisation ou d’amélioration. En conséquence, si la cohérence spatiale et économique, ainsi que la solidarité financière et sociale inhérente à la mise en place d’une communauté de communes impliquent à terme l’unification des tarifs, cette recherche n’est pas soumise à échéance stricte. 

Le principe est donc le suivant : l’harmonisation des tarifs et modes de gestion au sein d’un EPCI est un objectif incontournable, qu’il se doit d’atteindre, mais progressivement, et sans contrainte de délais, compte tenu des difficultés techniques et des disparités initiales de situation.

Le cas des fusions d’EPCI n’est pas évoqué dans cette réponse, mais cette opération de recomposition de l’espace intercommunal, associée très souvent à une redéfinition des compétences exercées, est forcément source « d’obstacles techniques et juridiques », et d’une « multiplicité des conditions initiales d’exécution ». Dès lors, le nouvel EPCI issu de la fusion pourra, à l’appui de cette réponse ministérielle, justifier d’une application différenciée de tarifs et modes de gestion sur son territoire recomposé, le temps pour lui de procéder à l’harmonisation et à l’unification des services concernés.