Intercommunalité et Réforme des collectivités territoriales

Depuis 2017, le 2° du V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts prévoit la présentation par le président d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique d’un rapport sur l’évolution du montant des attributions de compensation, au regard des dépenses liées à l’exercice des compétences transférées. 2021 constitue donc le premier cycle de cinq ans, et sera donc l’année de production de ce rapport.

Ce rapport fait l’objet d’un débat et d’une délibération spécifique de l’EPCI, avant d’être transmis aux communes membres de l’EPCI pour information.

Quel est son contenu ?

Tout d’abord, le code général des impôts n’impose pas de cadre. Son contenu est libre. Il vise à faire le bilan des transferts sur la période écoulée, et la cohérence des retenues au regard des charges de l’intercommunalité.

L’objet du rapport est donc de présenter :

  • L’évolution des attributions de compensation sur la période 2016-2020, en détaillant les variations et donc les retenues opérées au titre des compétences transférées, ou au titre de la révision libre des attributions de compensation,
  • L’évolution des charges nettes (des recettes) des compétences transférées.

Le rapport, et le débat qui l’accompagne, peuvent donc être l’occasion d’identifier des situations problématiques quant au niveau de retenue et au niveau de dépenses des compétence ; pour autant, comme le confirme une réponse ministérielle à une question parlementaire en octobre 2018 (lien), la production du rapport et son adoption ne revêtent aucunement une obligation de révision des attributions de compensation.

Ainsi, le rapport quinquennal sur les attributions de compensation doit permettre aux élus d’apprécier la pertinence de l’évaluation menée (et de la méthodologie employée), au regard du coût net effectivement supporté par l’intercommunalité suite aux transferts de compétences.

Il nous semble donc que ce rapport ne devrait pas se contenter de détailler les montants de retenues sur attributions de compensation opérée pendant cette période de cinq ans, mais qu’elle doit aussi les mettre en comparaison avec les charges effectivement supportées par l’intercommunalité.

Enfin, ce rapport relève du Président de l’EPCI mais peut être produit avec l’aide de la Commission Locale d’Evaluation des Charges Transférées (CLETC).

Les dispositions de l’article 5 du projet de Loi « Engagement & Proximité », actuellement en cours d’examen au Sénat, puis en novembre à l’Assemblée nationale, traitent de l’exercice des compétences « eau potable » et « assainissement ».

L’objectif du Gouvernement est de proposer plus de souplesse quant aux modalités de transfert et d’exercice des compétences au sein du bloc communal.

A ce titre, un dispositif de « gestion déléguée » par une Commune pour le compte de l’Etablissement Public Coopération Intercommunale (E.P.C.I.) compétent a été introduit dans le projet de Loi, tel que présenté au Conseil des Ministres le 17 juillet dernier.

Un amendement au texte initial proposé par le Gouvernement à l’occasion de l’examen du projet de texte par les Sénateurs le 7 octobre dernier apporte des précisions quant aux modalités de cette gestion déléguée.

Cet amendement prévoit également, et c’est une nouveauté, la possibilité pour un E.P.C.I. de déléguer la compétence à un syndicat intercommunal d’eau ou d’assainissement « existant au 1er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes (…) ou d’une Communauté d’Agglomération ».

Ces dispositions remettent ainsi en selle des Syndicats qui avaient vocation à être dissous.

Avec la Loi NOTRe (2015), un syndicat devait couvrir des Communes de trois E.P.C.I. pour se maintenir.

Avec la Loi « Ferrand-Fesneau » (2018), le seuil avait été abaissé à deux E.P.C.I.

Avec la Loi « Engagement & Proximité », en cours de discussion, le syndicat pourrait se voir déléguer la gestion par un seul E.P.C.I.

Dans ce cas, comme pour la délégation aux Communes, une Convention, adoptée par Délibération, et précisant les objectifs en termes de qualité de service rendu et de pérennité des infrastructures, le plan pluriannuel d’investissement, les moyens humains et financiers consentis et les indicateurs de suivi, devra être adoptée.

Dans le cas contraire, il serait procédé à la dissolution ou à la réduction des missions du syndicat.

Les dispositions de l’article 5 du projet de Loi « Engagement & Proximité », prévoient qu’un E.P.C.I. (Communauté de Communes ou d’Agglomération) puisse déléguer tout ou partie des compétences « eau » et/ou « assainissement » aux Communes.

Vous pouvez retrouver les premiers articles d’EXFILO sur le projet de Loi : compétences eau et assainissement, pacte de gouvernance, et ici pour la présentation générique.

Le projet de Loi va désormais être soumis aux Sénateurs en première lecture cet automne, puis aux Députés, pour une adoption attendue avant la fin de l’année 2019.

La première version du texte prévoit que l’E.P.C.I. délégant demeurerait pleinement responsable de la bonne exécution de la politique. La délégation interviendrait dans un cadre conventionnel, qui fixerait la durée et le cahier des charges de l’exercice de la compétence. L’étude d’impact portant sur l’article 5 du projet de Loi cite à ce titre (page 46) « un plan d’investissement » que la Commune s’engagerait à réaliser.

Mais de quels moyens disposera la Commune pour gérer la compétence et réaliser les investissements conventionnés ?

Les dispositions de l’étude d’impact législative ne répondent qu’en partie à cette question (p47), en s’attachant à déterminer l’impact économique et financier de la délégation de compétence sur le calcul du C.I.F. (Coefficient d’Intégration Fiscale).
Ainsi, il est indiqué que : « dans le cas d’une délégation décidée, quand une communauté d’agglomération confiera la gestion de la compétence à une Commune, en accompagnant la gestion d’une part de la redevance assainissement… ». Il semblerait dès lors, que la Commune devra bien être en mesure de retracer les dépenses et recettes relatives au S.P.I.C., dans le cadre d’un budget annexe, puisqu’elle assumerait la maîtrise d’ouvrage de l’exploitation et des investissements.

Par contre, plusieurs schémas peuvent être imaginés en ce qui concerne la fixation des tarifs et la perception des redevances :

  •  une fixation des tarifs et une perception des redevances par la Commune, au plus près des besoins du service et dans le respect des dispositions du conventionnelles passées avec l’E.P.C.I., pour le compte de l’intercommunalité ;
  • une fixation des tarifs et une perception des redevances par l’intercommunalité, dans une logique d’harmonisation des tarifs et des modes de gestion, une part étant ensuite reversée par l’E.P.C.I. à la Commune, selon les dispositions conventionnées ;
  • une fixation des tarifs et une perception des redevances par l’intercommunalité et l’instauration d’une « surtaxe » communale, destinée plus précisément à la prise en charge de la réalisation des investissements nécessaires avant transfert à l’E.P.C.I.

Les travaux parlementaires de cet automne devraient permettre d’apporter les éclairages sur ces questions, éclairages indispensables pour un dispositif qui se voudrait opérationnel dès le 1er janvier 2020.

Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est parue sur Légifrance (lien). Nous vous en présentons les principaux points en plusieurs articles sur notre blog.

Vous pouvez retrouver le premier billet sur ce lien et le deuxième en cliquant ici.

Retrait de communes de Communautés d’Agglomération dérogatoire

Le retrait de communes de manière dérogatoire, c’est à dire sans obtenir l’accord du conseil communautaire de son EPCI d’origine, est réservé aux communautés de communes (L.5214-26 CGCT). L’article 9 du projet de loi vise à étendre ce dispositif aux communes membres de Communautés d’Agglomération. Il faut pour cela que la commune ait recueilli l’accord de l’organe délibérant de l’EPCI qui l’accueillera, recueillir l’avis de la CDCI. Le Préfet peut ensuite autoriser le retrait, mais n’est pas lié.

Modification du périmètre des EPCI

L’article 10 met en oeuvre le dispositif novateur de création d’EPCI par scission d’un EPCI. En effet, aux termes de cet article, des EPCI peuvent être créé par partage d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération.

Les conditions de majorité devront être réunies dans chacun des périmètres des EPCI envisagés. Ainsi, si un EPCI se partage en 3 entités, il faudra recueillir dans chacun des 3 périmètres, les conditions de majorité de la création d’un EPCI, à savoir : 50% des conseils municipaux représentant les 2/3 au moins de la population ou les 2/3 des conseils municipaux représentant au moins 50% de la population. Cette majorité doit en outre comprendre le conseil municipal de la commune dont la population dépasse le quart de la population du nouvel ensemble.

Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est parue sur Légifrance (lien). Nous vous en présentons les principaux points en plusieurs articles sur notre blog.

Vous pouvez retrouver le premier billet sur ce lien et le troisième en cliquant ici.

Pacte des compétences

L’article 5 du projet de loi autorise le report des prises de compétence Eau potable et Assainissement au 1er janvier 2026 pour les communautés de communes qui n’exercaient pas ou qui exercaient partiellement, à la date de publication de la loi du 03 août 2018 (le 05/08/2018), par délibérations concordantes des conseils municipaux représentant au moins 1/4 des conseils municipaux et 1/5 de la population, délibérations prises avant le 1er janvier 2020 (un report puisque la date limite était jusqu’à présent fixée au 1er juillet 2019).

Pour mémoire, même si le report était acté dans les conditions du paragraphe précédant, le conseil communautaire pourra, après le 1er janvier 2020, délibérer à tout moment, pour prendre l’exercice des compétences Eau potable et Assainissement (chacune ou les deux). Les conseils municipaux pourront alors à nouveau s’y opposer selon les mêmes règles de majorité (1/4 des conseils municipaux pour 1/5 de la population).

Toutes les délibérations prises avant le 1er janvier 2020 et visant à s’opposer à l’exercice des compétences Eau potable et Assainissement ont pour effet de reporter au 1er janvier 2026 ces prises de compétences.

Délégation de compétences Eau potable, Assainissement et Tourisme

Un EPCI (communauté de communes ou communauté d’agglomération) pourra déléguer par convention avec une ou plusieurs de ses communes membres tout ou partie des compétences Eau potable et Assainissement à condition que le conseil municipal en question ait délibéré sur un plan d’investissements (« qu’elle entend réaliser ») et s’engage à respecter un cahier des charges annexé à la convention, dans un objectif de qualité du service rendu et de pérennité des infrastructures.

La communauté de communes ou la communauté d’agglomération restent responsables du bon exercice de la ou des compétences.

De même, pour les offices de tourisme en communauté de communes et communauté d’agglomération, les communes classées en station de tourisme peuvent par délibération retrouver la compétence sur les offices de tourisme, mais en cas de perte du classement station classée de tourisme, la compétence revient de droit à l’intercommunalité.

Avis des conseils municipaux sur le PLUI

L’article 7 du projet de loi impose de solliciter l’avis du conseil municipal concerné sur un plan de sectur, avant l’approbation du plan local d’urbanisme par l’EPCI. Lorsque le PLUI est modifié pour tenir compte de l’avis d’une commune, et que ladite commune émet un avis favorable sur la modification (ou ne se prononce pas dans un délai de deux mois), alors le conseil communautaire pourra valider la modification à la majorité absolue (contre la majorité des 2/3 actuellement).

Par contre, en cas d’avis défavorable d’un conseil municipal sur une opération d’aménagement, le conseil communautaire devra toujours re-délibérer mais simplement à la majorité simple (contre une majorité des 2/3 précédemment).

Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est parue sur Légifrance (lien). Nous vous en présentons les principaux points en plusieurs articles sur notre blog.

Voici le premier billet.

Le pacte de gouvernance

Dans les 6 mois suivant les élections municipales, le conseil communautaire devra se prononcer sur l’opportunité, et le cas échéant adopter, un pacte de gouvernance.
Le contenu de ce pacte de gouvernance est assez ouvert, puisque le projet de loi ne fait que citer de possibles contenus. L’intérêt est par contre qu’il définit les rôles de différentes instances :

  • Conseil des maires : son rôle est de débattre de tous sujets d’intérêt communautaire et lié à l’harmonisation de l’action des communes et de l’intercommunalité. A défaut d’être prévu par le pacte, ce conseil est obligatoirement créé si au moins 30% des Maires des communes membres de la Communauté de Communes, d’Agglomération ou Urbaine en font la demande par courrier écrit.
  • Conférences territoriales des maires : ces conférences, liées aux compétences exercées par l’EPCI, ont pour vocation d’être consultées lors de l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques intercommunales,

Le pacte peut aussi prévoir des délégations d’engagement de dépenses pour l’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires. Il peut aussi prévoir la possibilité par des conventions de mises à disposition, de placer sur une commune et sous l’autorité du Maire, des services communautaires, pour les compétences Voirie et Création/entretien d’équipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire, ainsi que pour les communautés de communes d’équipement scolaires élémentaires et préélémentaires.

Les dispositions obligeant le Président d’un EPCI à consulter les communes membres si le conseil communautaire ou un tiers des maires des communes membres le souhaite est abrogé.

L’information des conseillers municipaux

Plusieurs dispositions visent à améliorer l’information des conseillers municipaux sur les affaires du conseil communautaire. Ainsi, l’article 4 prévoit que les conseillers municipaux sont destinataires des convocations adressées aux conseillers communautaires, et du compte-rendu de séance du conseil communautaire. Ces transmissions peuvent être réalisée par chacune des communes.

Enfin, lorsqu’une commission d’un EPCI est formée avec des conseillers municipaux, ceux-ci peuvent en cas d’absence, être remplacé pour une réunion par un autre conseiller municipal désigné par le Maire.

La DGCL a actualisé son guide des attributions de compensation (à télécharger ici), suite à une première version publiée en 2017. Outre la prise en compte des nouvelles dispositions, notamment vis-à-vis des modalités d’évaluation des charges transférées par le Préfet en l’absence d’évaluation par la CLECT ou de rapport de CLECT validés par les conseils municipaux dans les délais impartis, ce guide se veut une grille de lecture de la DGCL sur les attributions de compensation, mais contient des interprétations sujettes à caution à notre avis, voire juridiquement risquées.

Le guide DGCL des AC présentent les interprétations de la DGCL mais tout n’est pas à prendre au pied de la lettre

Ainsi, page 45 du guide 2019 (partie « Peut-on fixer le montant de l’attribution de compensation sur plusieurs années »), la DGCL considère que l’on ne peut mentionner dans une délibération qu’un seul montant d’attributions de compensation par commune, c’est à dire que l’on ne peut fixer dans une délibération des montants d’attributions de compensation pluriannuels (par exemple, un montant pour cette année, un autre pour l’année suivante). Or cette interprétation est inutilement restrictive et non fondée. L’article 1609 nonies C du CGI prohibe en effet l’interdiction de l’indexation des attributions de compensation, mais n’évoque pas l’impossibilité de prévoir à l’avance une variation des attributions de compensation.

Il ne s’agit pas de prévoir une hausse qui vienne remplacer une indexation, mais, notamment dans le cadre des pactes financiers et fiscaux, de s’entendre entre les communes membres et leurs EPCI sur leurs relations financières. Ce peut être le cas d’une modification dérogatoire (ou libre) des AC qui prévoit l’intégration progressive de la DSC dans les AC.

Ce peut aussi être le cas du transfert de la compétence Gemapi : pour une taxe GEMAPI dont la mise en place est prévue l’année suivante, le rapport de la CLECT peut prévoir une retenue pour l’année en cours (et donc le conseil communautaire peut valider des attributions de compensation en cohérence) et prévoir aussi que l’année suivante, compte tenu de la décision politique de mise en place de la taxe GEMAPI, les retenues seront annulées, ce qui donne un nouveau montant d’attributions de compensations (validé par le conseil communautaire).

La question de la procédure de révision libre des AC n’est pas clarifiée

Par ailleurs, le guide passe un peu rapidement sur la question de la révision libre des attributions de compensation. Ainsi, pages 50 et 51 du guide 2019, la DGCL indique que pour pouvoir être mise en oeuvre, la révision libre des AC suppose 3 conditions cumulatives :

  • une délibération à la majorité des 2/3 du conseil communautaire,
  • que chaque commune intéressée délibère à la majorité simple,
  • que cette délibération vise le dernier rapport de la CLECT.

Or la question de la révision libre (ou dérogatoire) des AC est particulièrement épineuse, comme nous l’évoquions déjà dans un article précédent. L’absence de définition de la commune intéressée (une commune non concernée par la modification n’est-elle pas intéressée aux affaires de son EPCI puisque la modification des AC modifie le budget et l’équilibre financier de l’EPCI?) qui conduit à la DGCL, conformément à la rédaction de l’article 1609 nonies C CGI, à indiquer que seule la commune intéressée doit se prononcer, et plus encore, l’absence de délibérations des autres communes, est source de fragilité à notre sens. En effet, pour une révision libre, il faut un rapport de CLECT, or le rapport de CLECT doit impérativement être adopté par la majorité qualifiée des conseils municipaux, donc tous les conseils municipaux doivent se prononcer.

La DGCL indique dans son analyse qu’il faut que la délibération modifiant les attributions de compensation fasse référence au dernier rapport de CLECT, ce qui conduirait à penser qu’il ne s’agit pas d’un rapport spécifique sur la révision libre et que la CLETC n’a pas à se prononcer sur la répartition dérogatoire ? Peut-on dans une délibération de révision libre des AC se référer au dernier rapport de CLECT qui traitait d’autre chose, comme le transfert des eaux pluviales ?

Ce sont deux points dans le guide des attributions de compensation qui nous semblent devoir être pris « avec des pincettes ».

La réforme de la dotation d’intercommunalité (lire les articles explicatifs ici et ) modifie le principe de majoration de dotations en fonction de l’intégration des intercommunalités. Ce principe conduisait à majorer la dotation d’intercommunalité selon les catégories d’EPCI, de communautés de communes à fiscalité additionnelle à communauté urbaine.

La réforme de la dotation d’intercommunalité supprime les distinctions de dotations liées aux catégorie : Ainsi, il n’existe plus de gains de DGF lié au changement de catégorie, qui pouvait motiver ou encourager à changer de catégorie.

Mais la question est posée : reste-il un intérêt pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle à passer en fiscalité professionnelle unique ?

Le fait n’est tout de même pas complètement nouveau : cela faisait deux ans, que les gains de DGF liés aux passage en fiscalité professionnelle unique des communautés de communes avaient été sérieusement réduits.

Si l’on regarde la dotation d’intercommunalité, il n’y en a plus, hormis la comparaison de ses critères (potentiel fiscal et revenu) à la moyenne des communautés de sa catégorie.

En réalité, l’intérêt de la fiscalité professionnelle unique est double :

  • Favoriser le développement de l’intercommunalité et de services sur le territoire, en affectant à l’échelon intercommunal la croissance future des ressources fiscales sur les professionnels ;
  • Faciliter les transferts de compétences.

Le second point est particulièrement vrai pour des compétences « lourdes », c’est à dire dont les charges transférées sont importantes. En effet, en fiscalité additionnelle, chaque commune qui transfère une compétence et des charges, se défait purement et simplement des dépenses correspondantes, et les économise. La Communauté de Communes à fiscalité additionnelle devra les financer par la fiscalité, c’est à dire par l’augmentation de ses taux d’imposition, sur l’ensemble du territoire. Ceci peut poser assez rapidement des difficultés politiques et fiscales : si ce système est finalement abouti en matière de mutualisation fiscale, il conduit à une inflation fiscale, car d’une part les taux augmentent y compris sur les communes qui n’ont rien transféré (et qui ne pourront donc pas diminuer leurs taux en compensation), et d’autre part, les diminutions de taux des communes qui transfèrent sont rarement effectués à due concurrence.

La fiscalité professionnelle unique, en opérant des retenues sur les budgets des communes à hauteur de la charge transférée, évite cette problématique : l’EPCI, en récupérant une compétence, aura les ressources nécessaires pour financer la compétence à service équivalent sans avoir besoin d’augmenter les taux d’imposition, les contribuables auront une cotisation inchangée, et aucune commune ne fait d’ « économies » du seul fait du transfert.

Le rapport de la Cour des Comptes sur les perspectives d’évolution des finances publiques locales et de leur gouvernance (lien) traite de la question des objectifs d’évolution des dépenses publiques locales dans le cadre et hors du cadre de la contractualisation.

Comme elle le souligne dans son rapport, page 99, l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, fixée à un taux de 1,2% pouvant être adapté aux situations locales, ne prend pas suffisamment en compte le développement de l’intercommunalité. En effet, les transferts de compétences, et les transferts de charges et de recettes qui s’en suivent, ont un effet immédiat. Or parmi les collectivités contractantes figurent des communes et des EPCI dont l’EPCI ou les communes ne sont pas parties prenantes. Dès lors, le transfert de compétences pourrait être vu comme un moyen d’alléger la pression.

Une commune contractante membre d’un EPCI non-contractant pourrait, par un transfert de compétences et donc de charges, mécaniquement réduire ses charges prises en compte pour le respect de l’objectif d’évolution. La retenue est opérée sur les attributions de compensation qui est généralement une recette, et quand bien même elle serait négative et figurerait dans les dépenses de fonctionnement, le chapitre 014 atténuations de produits n’est pas pris en compte.

La Cour des Comptes pointe dès lors le risque que les transferts de compétences soient notamment déterminés en fonction des marges de manœuvre procurées pour respecter l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, et non plus uniquement le souhait du développement du territoire. La Cour des Comptes cite ainsi dans son rapport l’exemple de la commune de La Roche-sur-Yon qui a subi une croissance de ses charges de fonctionnement de +7,9% en 2017 notamment du fait de la mise en place d’un schéma de mutualisation impliquant un nouveau système de calcul des refacturations.

Le pacte financier entre l’intercommunalité et ses communes membres pourrait utilement prendre en compte les objectifs d’évolution de la dépense locale de l’EPCI ou de la ville centre. Comme l’écrit la cour des comptes, « cette disposition serait de nature à mettre en cohérence les trajectoires financières des collectivités constitutives de l’ensemble intercommunal« .

Cet article fait suite à celui sur la problématique des évaluations des transferts de charges et des déséquilibres budgétaires (lien).

En résumé, nous avons vu que :

  • Le coût de fonctionnement ne pose en général pas de difficultés particulières, en termes d’évaluation ou de neutralisation
  • Il n’en va pas de même pour le coût d’investissement. Son évaluation et surtout sa neutralisation pose souvent problème, nuisant ainsi au principe d’équité et de neutralité du transfert de compétence : les budgets des communes ou de l’EPCI peuvent s’en trouver déséquilibrés, après transfert.
  • L’évaluation du coût d’investissement d’une compétence revient donc à calculer le coût d’amortissement annuel de l’ensemble des biens rattachés à la compétence, c’est-à-dire le coût d’acquisition ou de réalisation du bien, divisée par sa durée probable de vie.
  • L’évaluation du coût d’investissement est donc celui de la charge d’amortissement. Et lorsqu’une commune transfère des biens non amortissables (parce qu’affecté à des services publics administratifs par exemple), le mécanisme de l’évaluation régi par l’article 1609 nonies C du CGI la pénalise : elle doit alors constater une retenue pour une charge qu’elle n’avais pas dans son budget (l’amortissement du bien non transféré). Le principe de neutralité budgétaire est rompu.

La problématique de la retenue pour les biens non amortissables

Il faut bien voir que ce n’est pas l’évaluation du coût d’investissement qui pose le plus de problème mais la neutralisation de ce coût dans les AC, notamment pour les biens non amortis comptablement par les communes.

En effet si une commune n’amortissait pas dans son budget le bien transféré (au compte 68), cela signifie qu’elle ne mobilisait pas de ressources budgétaires pour couvrir cette charge d’amortissement, au moment du transfert. Or, la retenue sur l’AC de la commune au titre du coût d’investissement revient à lui demander de transférer à l’EPCI des ressources, afin de couvrir la charge d’amortissement du bien. Si ce principe apparaît juste dans le temps (c’est l’EPCI qui devra renouveler le bien, il faut donc lui transférer les moyens budgétaires de le faire), cela peut poser des problèmes de déséquilibre budgétaire à la commune, au moment du transfert.

Certes, on pourra argumenter que la commune possède la capacité budgétaire de financer cette charge d’amortissement, du moins une charge équivalente :

  1. Si elle a financé la réalisation initiale du bien par autofinancement, c’est qu’elle a structurellement une capacité budgétaire qui lui permet de le faire, et de renouveler dans le temps le bien en mobilisant ses ressources propres (épargne brute annuelle importante ou abondement régulier de son fonds de roulement avec des excédents dégagés chaque année, afin de disposer des sommes nécessaires pour renouveler le bien par autofinancement, le moment venu).
  2. si elle a financé la réalisation initiale du bien par emprunt, la commune doit rembourser chaque année l’annuité de dette correspondante, ce qui correspond à un amortissement (financier et pas comptable, mais le principe est le même, la seule différence portant en général sur la durée d’amortissement[1]). Le transfert du bien emportera le transfert à l’EPCI de l’emprunt rattaché : la commune n’aura plus à supporter la charge d’annuité correspondante. Son budget pourra donc supporter en lieu et place de cette charge d’amortissement financier l’équivalent d’une charge d’amortissement comptable.

Mais il faut bien voir que les biens concernés, ceux non amortis,[2] ont en général une durée de vie relativement longue, équivalente ou supérieure à 20 ans. Une fois que ce type de bien est réalisé, la problématique de son renouvellement n’est pas anticipée dans les budgets votés ultérieurement. Même dans le cas d’un bien financé par emprunt, la durée de remboursement de la dette est en général de 15 ans. Si le bien a une durée de vie estimée à 30 ans, cela signifie qu’entre la 15ème année et la 30ème année, la commune n’a plus à supporter dans son budget le remboursement de l’annuité de dette. Dans ces cas de figure, les communes, surtout si elles se sont de petite taille ou disposant de marges budgétaires réduites, ne vont pas provisionner ou prévoir dans leur budget une charge d’amortissement liée au renouvellement futur du bien. Or, au moment du transfert d’une compétence, il va être demandé à la commune (via la retenue sur son AC liée au coût d’investissement transféré) une participation budgétaire couvrant la charge d’amortissement du bien, et ce dès la première année du transfert.

D’un principe en théorie juste et équitable (donner à l’EPCI les moyens de renouveler les bien réalisés et transférés par les communes), nait souvent un sentiment de forte incompréhension de la part de certaines communes, voire d’injustice, avec l’impression de payer deux fois pour le même bien.

Pour autant, ne pas retenir sur les AC des communes un montant équivalent au coût de renouvellement du bien pénalisera forcément l’EPCI à terme, et in fine les contribuables du territoire : l’EPCI n’aura pas les moyens budgétaires de renouveler des biens qu’il n’a pas réalisés, et cela se traduira inévitablement par une hausse de la pression fiscale sur le territoire. Les contribuables paieront plus chers demain un stock d’équipement inchangé dans le temps (quantitativement ou qualitativement) : ce n’est bien entendu ni juste ni acceptable.

Un vrai dilemme d’équité et d’équilibre budgétaire se pose ainsi entre les communes et l’EPCI dans le cadre des transferts d’équipements. Comment le résoudre ?

A notre avis il existe deux principales mesures pouvant être mises en œuvre :

  1. Prendre en compte une durée de vie du bien concerné correspondant à la réalité du contexte local, plutôt qu’une durée théorique. Si l’on reprend l’exemple de la voirie, on peut tout à fait imaginer d’imputer une durée de 40 ans à une voirie (contre une durée usuelle de 20 à 25 ans), si elle est peu fréquentée et ne nécessite que des petits travaux d’entretien et de remise en état pendant toute cette durée de vie. Et si l’on reprend l’exemple du bâtiment, il faut envisager le cas où des travaux d’entretien lourd et de remise en conformité peuvent prolonger la durée d’utilisation du bâtiment de façon importante, pour un coût beaucoup moins élevé qu’un renouvellement à neuf du bâtiment. On aurait alors un calcul du coût de renouvellement du bien égal à son coût de réalisation initiale divisée par sa durée de vie totale après travaux, auquel on ajoute le coût d’amortissement des travaux.
  2. Appliquer un coût d’amortissement progressif plutôt que linéaire : au lieu de calculer un coût d’amortissement linéaire (coût annuel fixe dans le temps), on pourrait envisager une montée en charge progressive de ce coût, amenant à retenir sur les AC de la commune un montant relativement faible les premières années de transfert, puis qui augmenterait ensuite jusqu’à la fin de durée de vie estimée du bien (le montant total retenu sur toute la durée de vie serait équivalent à celui retenu dans le cadre de l’amortissement linéaire). Ce dispositif dérogatoire nécessitera de mettre en place des « AC « libres » (V 1°bis du de l’article 1609 nonies C du CGI), après accord des communes intéressées et de l’EPCI.

En conclusion, le transfert des équipements soumis à des cycles d’investissement long nécessitent de mettre en œuvre des méthodes d’évaluation et de neutralisation des coûts adaptés aux contexte local et aux contraintes budgétaires des collectivités concernés. Des solutions existent pour préserver la capacité d’investissement des communes sur les compétences non transférées, sans pour autant pénaliser l’EPCI, et in fine les contribuables du territoire : elles demandent cependant un travail d’analyse poussé et surtout beaucoup de pédagogie sur les enjeux et conséquences des choix qui seront arrêtés.



[1] La durée d’amortissement comptable d’un équipement lourd (de type bâtiment ou réseau) peut être supérieure à 25 ans, alors que l’amortissement financier de l’emprunt ayant servi à le financer s’étale habituellement sur une durée de 15 ans.

[2] Les principaux types de biens qui ne sont pas obligatoirement à amortir sont les bâtiments et équipements non productifs de revenus, ainsi que les réseaux de voirie et d’éclairage public.