Intercommunalité et Réforme des collectivités territoriales

La loi relative à la réforme territoriale du 16 décembre 2010 a modifié les règles relatives aux votes des transferts de compétences. La réponse ministérielle vient rappeler ces principes.

Antérieurement à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, l’accord des conseils municipaux des communes dont la population était supérieure au quart de la population regroupée, était nécessaire. Ainsi, dans certains cas, plusieurs communes, dès lors que leur population était supérieure à ce seuil, pouvaient détenir un droit de veto sur l’évolution des compétences.

Une disposition relative à la limitation du bénéfice du droit de veto figure dans la loi de réforme des collectivités territoriales. L’article 10 prévoit ainsi que, quelle que soit la catégorie d’EPCI à fiscalité propre, le droit de veto est détenu par la seule commune dont la population est la plus importante dès lors qu’elle représente plus du quart de la population totale intéressée. Le législateur n’a ainsi pas entendu supprimer toute possibilité de veto, “afin d’éviter que des transferts de compétence ne soient imposés à la ville-centre“, mais il a restreint le bénéfice de ce veto à une seule commune et à la condition expresse que le nombre de ses habitants soit suffisamment significatif par rapport à la population totale concernée.

Réponse ministérielle question Assemblée Nationale N°81524, réponse publiée au JO du 08/03/2011, page 2244.

Les Commissions Départementales de Coopération Intercommunale (CDCI) sont les organismes représentatifs des collectivités locales, et ont historiquement 2 rôles :

1/ Emettre un avis sur les projets de création ou de fusion d’EPCI, et

2/ Contribuer à l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), qui existaient avant la réforme des collectivités territoriales, mais dans une version moins contraignante.

Le projet de loi fixant le nombre de conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région a été rendu public. Ce texte reprend l’article 6 de la loi du 16 décembre 2010 pour les effectifs qui n’avaient pas fait l’objet de remarques de la part du Conseil constitutionnel, et adapte pour les autres les effectifs. En effet, ce dernier avait jugé non conforme les effectifs de conseillers territoriaux à l’habitant qui s’écartaient de manière trop disproportionnés de la moyenne régionale. Les départements trop faiblement peuplés ont un quota minimum de conseillers territoriaux fixé à 15. L’appréciation du respect de la moyenne régionale s’effectue hors ces départements.

Le nombre total de conseillers territoriaux passe de 3496 à 3493.

Les principaux changements concernent la Lorraine (4 conseillers en moins pour la Meuse et 2 conseillers en moins pour les Vosges, 2 conseillers en plus pour la Moselle), Rhône Alpes (1 conseiller en plus pour l’Ardèche et la Drôme, 1 conseiller en moins pour la Savoie), et la Guadeloupe qui gagne 2 conseillers. Pour les autres régions censurées, l’Auvergne, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et les Pays de la Loire, le respect de l’écart à la moyenne régionale conduit à augmentation ou la diminution d’1 conseiller.

 

Voir le tableau du nombre de conseillers territoriaux “avant et après”

Cliquez ici pour retrouver le projet de loi

Le transfert d’une compétence d’une commune vers son EPCI emporte le transfert automatique des moyens matériels et humains nécessaires à sa réalisation (article L.5211-4-1, CGCT). Les agents ainsi transférés peuvent alors choisir entre le maintien du régime indemnitaire et des avantages acquis en tant que personnel communal, ou opter pour le régime indemnitaire intercommunal et les avantages afférents, suivant la situation qui leur est la plus favorable.

Une des conséquences directes de ces dispositions a été une incitation au nivellement par le haut des régimes indemnitaires et des avantages sociaux, afin d’éviter une différenciation des rémunérations au sein d’un service communautaire. En effet, si le régime indemnitaire communal ou les avantages sociaux communaux sont plus intéressant que celui de l’EPCI, les agents communaux vont choisir le maintien de leur situation. Dès lors, lors de l’embauche de nouveaux agents, la communauté pourrait alors se retrouver avec des agents de même niveau et affectés à un même service, ayant par exemple des rémunérations différentes, ce qui serait source de tensions.

Un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (1) vient modifier sensiblement ce dispositif puisqu’il reconnaît dorénavant le droit pour le conseil communautaire de l’établissement public bénéficiaire du transfert, d’abroger le maintien des conditions indemnitaires passées et des avantages acquis. Ainsi, si l’agent peut librement choisir le maintien du régime indemnitaire et des avantages dont il bénéficiait en tant qu’agent communal, ce choix n’engage plus la Communauté de manière définitive et peut être abrogé par le Conseil Communautaire.

(1) arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (19 février 2009, syndicat Force ouvrière du personnel territorial de l’agglomération du Val-de-Seine, n° 07VE01097)

Article rédigé pour Le cercle des Echos : lien direct

La loi portant réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 porte l’objectif d’une refonte du paysage communal et intercommunal français.

Pour mémoire, la France compte plus de 36.000 communes, soit plus à elle seule que toutes les communes de l’Europe des 12 réunis (Europe de l’Ouest et la Grève hors les pays). Ces mêmes communes se sont regroupées en intercommunalités, en syndicats, en pays, etc… multipliant les structures. Que l’on ne s’y trompe pas : cela ne veut pas dire que ces structures sont inutiles ou fantômes, bien au contraire, mais qu’elles sont chacune « spécialisées » sur des domaines particuliers. Et qu’il pourrait être plus optimal de regrouper ses structures pour réaliser des économies d’échelles. Une même commune peut appartenir à 4 ou 5 structures : intercommunalité, syndicat de communes, pays.

 

L’objectif affiché par cette réforme est de réduire le nombre des groupements de communes de manière drastique, de compléter la couverture intégrale du territoire en intercommunalités à fiscalité propre (c’est-à-dire des communautés qui perçoivent des produits fiscaux, par opposition aux syndicats qui se financent par des contributions des communes membres), et de rationaliser le périmètre des EPCI(1) à fiscalité propre. Cela fait maintenant quelques années que le sujet de l’éparpillement intercommunal est lancé, mais cette fois, l’objectif est affiché, les moyens sont donnés. La méthode est drastique. En effet, ce sont les Préfets qui auront la haute main sur la redéfinition de la carte intercommunale département par département, dans un calendrier très serré. En outre, les élus regroupés en commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) ne pourront que difficilement s’opposer aux choix du Préfet : il faut pour cela qu’une majorité des 2/3 de la CDCI vote en ce sens ! Un vrai défi. Autant dire que la carte intercommunale sera sensiblement remaniée par le Préfet.

Petit rappel du calendrier :

Définition du schéma départemental de coopération intercommunale :

§  Janvier à Mars 2011 : Les Préfets ont pour mission de définir un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI), véritable carte présentant l’objectif à atteindre en matière de groupements de communes, construite afin de respecter les objectifs fixés par la loi : rationalisation des périmètres, réduction drastique du nombre de syndicats, achèvement de la couverture par intégration des communes isolées à un groupement.

§  Avril 2011 : le Préfet présentera de manière non officielle le schéma à la Commission départementale de coopération intercommunale, instance composée d’élus des communes et des EPCI (80% de l’instance), du département, de la région et des syndicats (20%).

§  D’ici l’été 2011 : Les communes et EPCI du département ont 3 mois à compter de la notification du schéma par le Préfet pour rendre leur avis. A défaut, il est considéré comme favorable. Leurs avis sont consultatifs.

§  Avant la fin 2011 : Une fois les avis des communes et EPCI recueillis, le Préfet transmettra officiellement le schéma accompagné des avis à la commission départementale. Celle-ci dispose de 4 mois pour rendre son avis. La CDCI a un pouvoir de révision, bien que réduit. En effet, elle peut modifier le projet de schéma présenté par le Préfet dès lors que 2/3 de ses membres se prononcent en ce sens.

§  Au plus tard le 31 décembre 2011, le schéma départemental de coopération intercommunale, après avis de la CDCI, devra être arrêté par le Préfet. Il aura alors force de loi.

Mise en application du schéma :

§  Janvier 2010 au 1er juin 2013 : A compter de la publication du schéma (SDCI), et au plus tard le 1er janvier 2012, le Préfet obtient des « super pouvoirs » pour une durée de 17 mois,  jusqu’au 1er juin 2013. Il pourra :

o   prendre l’initiative de mettre en œuvre les projets prévus par le SDCI. Il devra alors consulter les communes et groupements concernés, mais leur avis n’est que consultatif,

o   décider la mise en œuvre des projets prévus au schéma. Si une majorité des communes ou de groupements s’est opposé au projet du Préfet, alors la CDCI pourra à une majorité des 2/3 proposer un projet alternatif.

En clair, le Préfet aura tous pouvoirs (ou presque) pour faire aboutir le schéma intercommunal : fusion d’EPCI, dissolution de syndicats ou d’EPCI, intégration forcé ou non de communes, et création d’EPCI.

Ainsi, le Préfet a toutes les cartes en main pour redéfinir la carte intercommunale. Il est évidemment de son intérêt qu’un dialogue s’installe avec la CDCI afin d’obtenir un schéma accepté par le plus grand nombre. Il serait très inconfortable pour lui d’être désavoué par une majorité des 2/3 de la CDCI ! Mais tout de même, le Préfet a la haute main sur la définition de la carte intercommunale ! Il aura le pouvoir de faire et de défaire les intercommunalités.

 

Ce calendrier apparaît déjà assez serré, mais peut être le sera-t-il encore plus … En effet, élection présidentielle oblige, que se passera-t-il après mai 2012 ? S’il y a un changement à la tête de l’Etat, le schéma s’appliquera-t-il toujours ? Les paris sont ouverts : les Préfets vont user de leurs pouvoirs exceptionnels dès début 2012. Nul ne sait ce qui se passera ensuite.

Les élus ont intérêts à s’approprier rapidement cette problématique et à agir. On sent déjà poindre des regroupements et fusion d’EPCI avant le vote du schéma départemental de coopération intercommunal. Pour se regrouper et choisir ses partenaires plutôt que de se les faire imposer par le Préfet.

 

 


(1)     EPCI à fiscalité propre : Etablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il s’agit des communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, communautés d’agglomération nouvelles et de syndicats d’agglomérations nouvelles. Ils peuvent percevoir une partie de la fiscalité locale : taxe d’habitation, taxes foncières, fiscalité professionnelle.

Par opposition aux syndicats de communes et aux syndicats mixtes, dont les recettes reposent sur des contributions des communes et EPCI membres.