Le rapport annuel de l’OCDE sur les prélèvements obligatoires dans les pays membres de l’OCDE, publié en décembre 2018 (à lire ici), est fortement commenté, puisqu’il contient cette accroche tapageuse : la France serait championne du monde des impositions (juste derrière la Corée du Nord ajoutent certains dont on ne sait d’où ils tiennent l’information). Le sujet, en cette période d’esprits troublés, interpelle, et mérite tout d’abord de lire le rapport de l’OCDE, puis de l’analyser.

Champion du monde, mais de quels impôts ?

Le rapport de l’OCDE agrège sous le vocable « recettes fiscales » tous les prélèvements obligatoires. Selon la définition de l’OCDE, les prélèvements obligatoires sont définis au regard de 3 critères : il s’agit des versements effectifs (critère 1), opérés par tous les agents économiques au secteur des administrations publiques (critère 2), sous réserve d’une part que ceux-ci résultent non d’une décision de l’agent économique qui les acquitte mais d’un processus collectif de décision (critère 3), et d’autre part qu’ils ne comportent pas de contrepartie directe.

Cette définition conduit donc à inclure les prélèvements sociaux du secteur public. Et c’est là que se pose un biais important : dans les pays où les prestations sociales publiques ne sont pas suffisantes (comme les Etats-Unis) pour couvrir les besoins des agents économiques, des prestations sociales facultatives notamment privées sont proposées par les entreprises à leurs salariés. Or la prévoyance collective facultative n’est pas incluse dans la liste des prélèvements obligatoires, même si elle constitue une charge pour les entreprises dont il est difficile de se passer pour attirer de la main d’oeuvre. En outre, ces régimes de prévoyance facultative sont souscrits par une grand part des employés.

Or, comme le souligne depuis longtemps le Conseil des Prélèvements Obligatoires (notamment rapport « Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économique globalisée », d’octobre 2009), « alors que l’OCDE chiffre les cotisations employeurs à 9,7% du coût du travail au Royaume-Uni, elles en représentent en réalité pour l’Office national des statistiques (britanniques) 15% en incluant les cotisations facultatives à des fonds de pension et à des assurances privées. Selon l’OCDE, les dépenses patronale au titre de l’assurance maladie privée au Etats-Unis, qui couvre 52% des salariés de l’industrie, s’élèveraient à 18,8% du salaire brut moyen« .

Ainsi, pour être très clair, on compare des situations différentes, en essayant d’interpréter les résultats sur de l’excès d’imposition des contribuables, ce qui conduit à penser qu’il y a de larges économies à réaliser ou du gaspillage d’argent public, alors même qu’en l’absence de cotisation de sécurité sociale publiques, ces mêmes contribuables devraient souscrire à de la prévoyance, mutuelle et assurance privée.

La France est pénalisée dans les classements internationaux par le choix d’une sécurité sociale largement publique

Ainsi, dans le rapport de l’OCDE de décembre 2018, des tableaux présentent la décomposition des prélèvements obligatoires entre pays de l’OCDE. En voici un extrait pour 6 pays (lien vers le tableau complet).

Où se font les écarts entre la France et le reste du monde en 2017 ?

  • Pas sur les prélèvements sur les revenus et les bénéfices, la France affiche un taux de 10,9% du PIB, contre une moyenne OCDE de 11,3%, et un taux de 12,4% aux Etats-Unis,
  • Cotisations de sécurité sociale : les contributions représentent en France 16,8% du PIB contre 9,2% en moyenne dans l’OCDE et 6,3% aux E-U,
  • Les prélèvements sur les salaires hors sécu sont élevés en France et réprésentent 1,6% du PIB contre 0,4% en moyenne dans l’OCDE,
  • Impôts sur le patrimoine : ils sont aussi plus élevés en France et représentaient 4,4% du PIB contre 1,9% en moyenne. A noter toutefois qu’au Royaume-Uni et aux E-U, le taux des prélèvements sur le patrimoine est sensiblement égal à celui constaté en France,
  • Biens et services, dont la TVA est la principale composante : 11,3% du PIB en France, contre une moyenne de 11,0% et un niveau aux E-U de 4,3%

Les niveaux d’impositions en France sont plus élevés qu’en moyenne dans l’OCDE à l’exception de l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, mais pas dans des proportions telles que justifiant le bonnet d’âne.

On le voit les principaux écarts sont sur les impôts sur le patrimoine (ce qui a conduit à la suppression partielle de l’ISF), sur les salaires hors sécurité sociale, et surtout sur les cotisations sociales.

Bref, si la France faisait basculer son régime de sécurité sociale massivement vers le privé, le classement de la France s’améliorerait significativement ; pour autant, quelles économies auraient été dégagées pour les agents économiques, puisque ceux-ci devraient alors souscrire à de la prévoyance et des assurance privées ?

La réforme de la dotation d’intercommunalité (lire les articles explicatifs ici et ) modifie le principe de majoration de dotations en fonction de l’intégration des intercommunalités. Ce principe conduisait à majorer la dotation d’intercommunalité selon les catégories d’EPCI, de communautés de communes à fiscalité additionnelle à communauté urbaine.

La réforme de la dotation d’intercommunalité supprime les distinctions de dotations liées aux catégorie : Ainsi, il n’existe plus de gains de DGF lié au changement de catégorie, qui pouvait motiver ou encourager à changer de catégorie.

Mais la question est posée : reste-il un intérêt pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle à passer en fiscalité professionnelle unique ?

Le fait n’est tout de même pas complètement nouveau : cela faisait deux ans, que les gains de DGF liés aux passage en fiscalité professionnelle unique des communautés de communes avaient été sérieusement réduits.

Si l’on regarde la dotation d’intercommunalité, il n’y en a plus, hormis la comparaison de ses critères (potentiel fiscal et revenu) à la moyenne des communautés de sa catégorie.

En réalité, l’intérêt de la fiscalité professionnelle unique est double :

  • Favoriser le développement de l’intercommunalité et de services sur le territoire, en affectant à l’échelon intercommunal la croissance future des ressources fiscales sur les professionnels ;
  • Faciliter les transferts de compétences.

Le second point est particulièrement vrai pour des compétences « lourdes », c’est à dire dont les charges transférées sont importantes. En effet, en fiscalité additionnelle, chaque commune qui transfère une compétence et des charges, se défait purement et simplement des dépenses correspondantes, et les économise. La Communauté de Communes à fiscalité additionnelle devra les financer par la fiscalité, c’est à dire par l’augmentation de ses taux d’imposition, sur l’ensemble du territoire. Ceci peut poser assez rapidement des difficultés politiques et fiscales : si ce système est finalement abouti en matière de mutualisation fiscale, il conduit à une inflation fiscale, car d’une part les taux augmentent y compris sur les communes qui n’ont rien transféré (et qui ne pourront donc pas diminuer leurs taux en compensation), et d’autre part, les diminutions de taux des communes qui transfèrent sont rarement effectués à due concurrence.

La fiscalité professionnelle unique, en opérant des retenues sur les budgets des communes à hauteur de la charge transférée, évite cette problématique : l’EPCI, en récupérant une compétence, aura les ressources nécessaires pour financer la compétence à service équivalent sans avoir besoin d’augmenter les taux d’imposition, les contribuables auront une cotisation inchangée, et aucune commune ne fait d’ « économies » du seul fait du transfert.

Le rapport de la Cour des Comptes sur les perspectives d’évolution des finances publiques locales et de leur gouvernance (lien) traite de la question des objectifs d’évolution des dépenses publiques locales dans le cadre et hors du cadre de la contractualisation.

Comme elle le souligne dans son rapport, page 99, l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, fixée à un taux de 1,2% pouvant être adapté aux situations locales, ne prend pas suffisamment en compte le développement de l’intercommunalité. En effet, les transferts de compétences, et les transferts de charges et de recettes qui s’en suivent, ont un effet immédiat. Or parmi les collectivités contractantes figurent des communes et des EPCI dont l’EPCI ou les communes ne sont pas parties prenantes. Dès lors, le transfert de compétences pourrait être vu comme un moyen d’alléger la pression.

Une commune contractante membre d’un EPCI non-contractant pourrait, par un transfert de compétences et donc de charges, mécaniquement réduire ses charges prises en compte pour le respect de l’objectif d’évolution. La retenue est opérée sur les attributions de compensation qui est généralement une recette, et quand bien même elle serait négative et figurerait dans les dépenses de fonctionnement, le chapitre 014 atténuations de produits n’est pas pris en compte.

La Cour des Comptes pointe dès lors le risque que les transferts de compétences soient notamment déterminés en fonction des marges de manœuvre procurées pour respecter l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, et non plus uniquement le souhait du développement du territoire. La Cour des Comptes cite ainsi dans son rapport l’exemple de la commune de La Roche-sur-Yon qui a subi une croissance de ses charges de fonctionnement de +7,9% en 2017 notamment du fait de la mise en place d’un schéma de mutualisation impliquant un nouveau système de calcul des refacturations.

Le pacte financier entre l’intercommunalité et ses communes membres pourrait utilement prendre en compte les objectifs d’évolution de la dépense locale de l’EPCI ou de la ville centre. Comme l’écrit la cour des comptes, « cette disposition serait de nature à mettre en cohérence les trajectoires financières des collectivités constitutives de l’ensemble intercommunal« .