Intercommunalité et Réforme des collectivités territoriales

Lors d’un transfert de compétences communales en direction d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique (FPU), se pose la problématique de l’évaluation et de la neutralisation des charges transférées. Le IV de l’article 1609 nonies du CGI détaille la méthode d’évaluation de droit commun sur laquelle doit s’appuyer la CLECT pour mener son travail d’évaluation. Ce cadre de travail assez contraint permet d’éviter des inégalités de traitement d’un territoire à l’autre, que ce soit pour les communes ou les EPCI.

Un transfert de compétence ne doit pas déséquilibrer les budgets des collectivités concernées.

Le respect de cette règle impose de mener une évaluation du coût de la compétence transférée la plus juste possible pour les communes et l’EPCI, puis de retenir sur les attributions de compensation (AC) des communes le coût évalué. Ainsi, la charge qui est transférée à l’EPCI sera budgétairement neutralisée par une diminution à due proportion de l’AC versée à la commune. Le transfert de charges communales s’accompagne donc en parallèle d’un transfert équivalent de ressources communales, garantissant en théorie un financement équilibré de la compétence après transfert et une neutralité budgétaire pour les deux parties – communes et EPCI[1].

Le coût de fonctionnement ne pose en général pas de difficultés particulières, en termes d’évaluation ou de neutralisation.

En effet c’est un cout relativement facile à évaluer, par consultation des derniers comptes administratifs des communes, ou par recoupement de certaines données connues : dépenses de personnel, fournitures de fluides (eau, énergie, carburant), contrats de prestation de service (entretien des locaux, maintenance des véhicules), etc. Par ailleurs, la neutralisation dans les AC versées aux communes de ce coût annuel et récurrent ne fait jamais débat : si la commune dépensait chaque année 100 pour le fonctionnement d’un service ou d’un équipement, tout le monde comprend qu’il est normal de retenir 100 sur l’AC versée chaque année à la commune, après transfert du service ou de l’équipement à l’EPCI :  la neutralité budgétaire du transfert se vérifie instantanément, pour la commune ou l’EPCI.

Il n’en va pas de même pour le coût d’investissement.

Son évaluation et surtout sa neutralisation pose souvent problème, nuisant ainsi au principe d’équité et de neutralité du transfert de compétence : les budgets des communes ou de l’EPCI peuvent s’en trouver déséquilibrés, après transfert.

L’évaluation du coût d’investissement d’une compétence revient donc à calculer le coût d’amortissement annuel de l’ensemble des biens rattachés à la compétence, c’est-à-dire le coût d’acquisition ou de réalisation du bien, divisée par sa durée probable de vie.

Cette évaluation du coût peut poser des problèmes d’équité si des communes transfèrent le même type de bien, mais réalisés à des périodes très éloignées dans le temps. Prenons l’exemple de bâtiments ayant les mêmes superficies et les mêmes caractéristiques. L’inflation des prix de construction, les nouvelles normes de sécurité, d’hygiène ou d’accessibilité renchérissent dans le temps le coût de construction d’un bâtiment donné. Retenir le coût de réalisation historique d’un bâtiment réalisé il y a 25 ans, sans procéder à un redressement ou une actualisation de ce coût, revient à avantager la commune transférant ce type de bien ancien : on lui retiendra dans son AC un coût annuel qui n’est pas représentatif de son coût actuel. Une commune qui transfère exactement le même type de bien mais réalisé très récemment, se verra retenir dans son AC un coût plus élevé. Cette situation déséquilibrée impactera l’EPCI quand il devra renouveler ce bâtiment ancien : il devra prendre à sa charge le différentiel entre le coût historique retenu dans l’AC de la commune et le coût actuel de réalisation, plus élevé. La définition de la durée de vie estimée ou prévisible du bien (qui détermine son coût annuel d’amortissement) mérite aussi une attention particulière : pour un même type de bien, il faut s’assurer que la durée probable de vie soit cohérente avec certaines caractéristiques intrinsèques, qui peuvent influer dessus. Si l’on prend l’exemple de la voirie, il apparaît logique de ne pas retenir la même durée de vie pour une voirie avec un revêtement renforcée et/ou faiblement fréquentée et pour une voirie au revêtement léger et/ou fortement fréquentée (notamment par des poids lourds).

L’évaluation de l’investissement finance le renouvellement du bien

Tout d’abord, il faut préciser que le coût d’investissement représente le coût de renouvellement d’un bien dans le temps. Quel que soit l’état de vétusté d’un bien au moment de son transfert, il faudra tôt ou tard le renouveler, sa durée de vie étant temporellement limitée. Ce principe vaut pour tous les biens (mobilier, véhicule, bâtiment, réseau), exception faite des terrains nus.

L’article 1609 nonies du CGI impose ainsi d’évaluer ce coût d’amortissement des biens : « Le coût des dépenses liées à des équipements concernant les compétences transférées est calculé sur la base d’un coût moyen annualisé. Ce coût intègre le coût de réalisation ou d’acquisition de l’équipement ou, en tant que de besoin, son coût de renouvellement. Il intègre également les charges financières et les dépenses d’entretien. L’ensemble de ces dépenses est pris en compte pour une durée normale d’utilisation et ramené à une seule année ».

Cependant, il faut bien voir que ce n’est pas l’évaluation du cout d’investissement qui pose le plus de problème mais la neutralisation de ce coût dans les AC, notamment pour les biens non amortis comptablement par les communes.L’évaluation du coût d’investissement d’une compétence revient donc à calculer le coût d’amortissement annuel de l’ensemble des biens rattachés à la compétence, c’est-à-dire le coût d’acquisition ou de réalisation du bien, divisée par sa durée probable de vie.

Cette évaluation du coût peut poser des problèmes d’équité si des communes transfèrent le même type de bien, mais réalisés à des périodes très éloignées dans le temps. Prenons l’exemple de bâtiments ayant les mêmes superficies et les mêmes caractéristiques. L’inflation des prix de construction, les nouvelles normes de sécurité, d’hygiène ou d’accessibilité renchérissent dans le temps le coût de construction d’un bâtiment donné. Retenir le coût de réalisation historique d’un bâtiment réalisé il y a 25 ans, sans procéder à un redressement ou une actualisation de ce coût, revient à avantager la commune transférant ce type de bien ancien : on lui retiendra dans son AC un coût annuel qui n’est pas représentatif de son coût actuel. Une commune qui transfère exactement le même type de bien mais réalisé très récemment, se verra retenir dans son AC un coût plus élevé. Cette situation déséquilibrée impactera l’EPCI quand il devra renouveler ce bâtiment ancien : il devra prendre à sa charge le différentiel entre le coût historique retenu dans l’AC de la commune et le coût actuel de réalisation, plus élevé. La définition de la durée de vie estimée ou prévisible du bien (qui détermine son coût annuel d’amortissement) mérite aussi une attention particulière : pour un même type de bien, il faut s’assurer que la durée probable de vie soit cohérente avec certaines caractéristiques intrinsèques, qui peuvent influer dessus. Si l’on prend l’exemple de la voirie, il apparaît logique de ne pas retenir la même durée de vie pour une voirie avec un revêtement renforcée et/ou faiblement fréquentée et pour une voirie au revêtement léger et/ou fortement fréquentée (notamment par des poids lourds).

Le problème de l’évaluation de biens non amortissables

Cependant, il faut bien voir que ce n’est pas l’évaluation du cout d’investissement qui pose le plus de problème mais la neutralisation de ce coût dans les AC, notamment pour les biens non amortis comptablement par les communes.

En effet si une commune n’amortissait pas dans son budget le bien transféré (au compte 68), cela signifie qu’elle ne mobilisait pas de ressources budgétaires pour couvrir cette charge d’amortissement, au moment du transfert. Or, la retenue sur l’AC de la commune au titre du coût d’investissement revient à lui demander de transférer à l’EPCI des ressources, afin de couvrir la charge d’amortissement du bien. Si ce principe apparaît juste dans le temps (c’est l’EPCI qui devra renouveler le bien, il faut donc lui transférer les moyens budgétaires de le faire), cela peut poser des problèmes de déséquilibre budgétaire à la commune, au moment du transfert.

Dans l’article suivant (lien), nous verrons les moyens d’atténuer ces difficultés.


[1] (dans l’hypothèse d’un exercice identique de la compétence après transfert, que ce soit quantitativement ou qualitativement)

La question du transfert des résultats budgétaire à l’occasion d’un transfert de compétence, en particulier pour les compétences Eau potable et Assainissement, à un EPCI par une commune, relève d’une possibilité et non d’une obligation. Une réponse ministérielle à question parlementaire, en date du 10/01/2019 vient le rappeler : que le résultat soit déficitaire ou excédentaire, le cadre juridique actuel n’impose pas le transfert des résultats budgétaires, hors le cas des résultats “nécessaires à leur exercice”.

C’est ainsi que les provisions passées pour la réalisation d’investissement futurs, les délibérations témoignant de réserves constituées en vue d’un investissement à court ou moyen terme, ou l’emprunt contracté pour la réalisation d’un équipement transféré, donnent obligatoirement lieu à transfert à l’intercommunalité.

“Le résultat budgétaire d’un SPIC n’est pas un bien nécessaire à l’exercice de ce service”

CE n° 386623 – La Motte-Ternant – 25 mars 2016)

le Conseil d’Etat a ainsi jugé que ” le solde du compte administratif du budget annexe d’un service public à caractère industriel et commercial ne constitue pas un bien qui serait nécessaire à l’exercice de ce service public, ni un ensemble de droits et obligations qui lui seraient attachés » (CE n° 386623 – La Motte-Ternant – 25 mars 2016).

Dans le cas d’un résultat déficitaire, si le transfert était obligatoire, il conduirait à “faire supporter à l’EPCI nouvellement compétent des contraintes qui ne lui incombent pas et pourrait conduire à l’augmentation du prix de la redevance supportée par les usagers de l’EPCI et non plus sur les usagers de al commune transférant sa compétence.

Source : Réponse ministérielles du 10/01/2019, JO Sénat page 119, Question écrite n°01291 du 21/09/2017 (lien)

Le transfert d’une compétence à un EPCI à fiscalité professionnelle unique, doit donner lieu à évaluation de la charge transférée par la Commission Locale d’Evaluation des Charges Transférée (CLECT), selon un cadre défini à l’article 1609 nonies C du CGI.

L’évaluation doit porter tant sur les dépenses réalisées, au cours du ou des exercices précédents, que des dépenses engagées, c’est à dire les restes à réaliser, comme le rappelle une réponse ministérielle du 08/01/2019 publiée au JO de l’Assemblée Nationale page 86 (lien).

Ces dépenses engagées mais non mandatées fondées sur des engagements juridiques doivent être inclues dans les évaluations des charges transférées, au contraire des actions futures prévues par les communes mais pour lesquelles aucun engagement juridique n’a été pris.

La réponse ministérielle en question, va même plus loin, en faisant la distinction sur l’existence d’un engagement juridique (marché public) : elle considère que les dépenses engagées mais non mandatées correspondant à des actions sur lesquelles les communes ont pris des engagements “sans pour autant avoir conclu de marchés publics” ou avoir engagé juridiquement de dépenses, n’ont pas à être intégrées dans le calcul des charges transférées. Or la question est posée à propos d’engagement pris par les conseils municipaux dans le cadre d’un plan d’action et de prévention des inondations, “nécessitant des engagements financiers sur un calendrier strict”. Sauf à penser que l’EPCI devenu compétent pourrait se dédire des engagements pris par les conseils municipaux, il serait contraire à l’esprit de l’article 1609 nonies C et du législateur, de ne pas prendre en compte dans l’évaluation, les engagements des communes. Cela étant dit, s’agissant de GEMAPI, le financement pourra être assuré en tout ou partie par la taxe, qui sera elle aussi à prendre en compte dans le calcul de la charge transférée, bien qu’inexistante au moment du transfert.

Les attributions de compensation entre un EPCI à fiscalité professionnelle unique et ses communes membres est codifié à l’article 1609 nonies C du CGI. Les modalités de calcul, qui s’imposent à la CLECT pour la procédure de droit commun, y sont décrites.

Le Conseil Communautaire et les conseils municipaux peuvent aussi décider d’une révision “libre” des attributions de compensation. Cette révision libre, qui s’entendait jadis (!) comme permettant de modifier librement les attributions de compensation, n’est plus aussi souple qu’auparavant. En effet, il faut pour pouvoir l’actionner, des délibérations concordantes du conseil communautaire et des conseils municipaux des communes intéressées, prises en tenant compte du rapport de la commission locale d’évaluation des charges transférées.

Et les difficultés commencent :

  • Qu’est-ce qu’une commune intéressée ? Quelle commune n’est pas intéressée aux affaires de son EPCI ? A priori, dans l’esprit du législateur, seules les communes concernées par le transfert sont “intéressées”, mais un jugement pourra rapidement établir que toute commune est intéressée aux affaires de son intercommunalité, puisque la modification des attributions de compensation modifie le budget et les équilibres financiers de l’EPCI.
  • sur la base du rapport de la CLECT. Il faut comprendre que la volonté du législateur avec cette rédaction a été d’apporter de la souplesse au mode de calcul des charges transférées, en permettant de s’écarter du mode de calcul de droit commun, si tout le monde est d’accord. Mais quid si conseil communautaire et conseils municipaux se sont entendus pour parvenir à une fixation libre dès le départ (par exemple aucune retenue malgré le transfert de compétence). Puisque les délibérations doivent être prises sur la base du rapport de la CLECT, et que le mode d’évaluation des charges par la CLECT est a minima de droit commun, il faut que la CLECT procède tout d’abord à une évaluation de droit commun, et dans une ou plusieurs variantes, propose une évaluation alternative (puisque le conseil communautaire ne peut décider de lui-même d’une évaluation qui n’ait pas été étudiée par la CLECT, c’est en tous cas la position du Ministère et de la DGCL rappelée dans des réponses parlementaires).
  • Problématique supplémentaire : le rapport de la CLECT avec l’évaluation de droit commun doit être soumis à l’ensemble des conseils municipaux, et doit être adopté à la majorité qualifiée des conseils municipaux (2/3 des conseils représentant 50% au moins de la population ou l’inverse).

Donc lorsque l’on procède à un transfert de compétence, et que l’on veut aboutir à une fixation libre des attributions de compensation, peut-on faire directement délibérer les communes intéressées sur la base du rapport de la CLECT contenant évaluation de droit commun et variantes ? Ou faut-il passer par tous les conseils municipaux puisque ceux-ci doivent se prononcer sur l’évaluation de droit commun ? (ce que poussent à faire des préfectures et DGFIP, ce qui aboutit à faire prononcer les conseils municipaux sur l’évaluation de droit commun, puis les seuls conseils municipaux intéressés sur l’évaluation dérogatoire!).

Par mesure de prudence, il semble qu’il faille transmettre le rapport de la CLECT à tous les conseils municipaux et les faire délibérer selon la procédure de droit commun.

Si l’on souhaite modifier les attributions de compensation en dehors de tout transfert de compétence, c’est presque plus simple puisqu’il faudra l’accord de tous les conseils municipaux et du conseil communautaire, mais il faudra toujours un rapport de la CLECT.

Bref, comment ne pas s’arracher les cheveux ? La révision “libre” des attributions de compensation est-elle encore libre ?

Le 3 août 2018 a été promulguée la Loi n°2018-702 relative au transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, clôturant le long parcours de la proposition de Loi Ferrand-Fesneau, initié à la fin de l’année 2017.

L’instruction INTB1822718J du 28 août 2018 du Ministre de l’Intérieur et de la Ministre Déléguée est adressée aux Préfets de région et de département pour préciser les modalités d’application de la Loi.

Sans revenir ici sur l’ensemble des dispositions, et notamment les modalités de mise en œuvre du report du transfert de la compétence au-delà du 1er janvier 2020 pour les Communautés de Communes, la lecture des points relatifs à la compétence « eaux pluviales urbaines » (point 2. de l’Instruction) et à la création d’une régie unique pour l’exploitation des services (point 4. de l’Instruction) méritent qu’on s’y attarde.

Ainsi, l’instruction indique clairement que la gestion des eaux pluviales urbaines, si elle est rattachée à la compétence « assainissement » pour les Métropoles et Communautés Urbaines, constitue une nouvelle compétence à part entière pour les Communautés d’Agglomération et pour les Communautés de Communes. Les Communautés d’Agglomération devront exercer cette compétence obligatoirement à compter du 1er janvier 2020, comme cela est déjà le cas pour les compétences « eau potable » et « assainissement ». Pour les Communautés de Communes, cette nouvelle compétence demeurera facultative : les territoires pourront ainsi déterminer librement le niveau de gestion : communal ou intercommunal.

A propos du financement de la gestion des eaux pluviales urbaines, la Loi de finances pour 2015 a supprimé la possibilité pour les Collectivités d’instaurer une taxe spécifique. L’Instruction rappelle néanmoins que s’agissant d’un service public administratif, il demeure à la charge du budget principal des collectivités. Le service ne peut donc pas être financé par les redevances perçues au titre de l’assainissement collectif.

Paradoxalement, cette distinction entre service public administratif (gestion des eaux pluviales urbaines) et service public industriel et commercial (assainissement collectif et non collectif) réintroduit une capacité pour les E.P.C.I. de financement du budget annexe « assainissement » par le budget général.

En effet, l’Instruction du 28 août 2018 se réfère à une circulaire du 12 décembre 1978 pour la détermination d’une participation forfaitaire des dépenses de fonctionnement et d’investissement du budget « assainissement » par le budget principal au titre de la « gestion des eaux pluviales urbaines ». Cette participation varie en toute logique en fonction du caractère unitaire ou séparatif des réseaux de collecte des eaux usées/pluviales : la circulaire du 12 décembre 1978 propose ainsi des taux variant entre 10% pour les seules charges d’entretien lorsque les réseaux sont entièrement séparés et jusqu’à 30% pour les charges d’entretien et 50% pour les amortissements techniques et les intérêts des emprunts lorsque les réseaux sont unitaires.

A l’heure où les territoires travaillent sur l’harmonisation des tarifs aux usagers qui accompagne en général le transfert de la compétence « assainissement collectif », cette disposition, si sa portée reste mesurée, constitue un mécanisme à intégrer aux réflexions en cours.

Le 3 août 2018 a été promulguée la Loi n°2018-702 relative au transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, clôturant le long parcours de la proposition de Loi Ferrand-Fesneau, initié à la fin de l’année 2017.

L’instruction INTB1822718J du 28 août 2018 du Ministre de l’Intérieur et de la Ministre Déléguée est adressée aux Préfets de région et de département pour préciser les modalités d’application de la Loi.

Sans revenir ici sur l’ensemble des dispositions, et notamment les modalités de mise en œuvre du report du transfert de la compétence au-delà du 1er janvier 2020 pour les Communautés de Communes, la lecture des points relatifs à la compétence « eaux pluviales urbaines » (point 2. de l’Instruction) et à la création d’une régie unique pour l’exploitation des services (point 4. de l’Instruction) méritent qu’on s’y attarde.

 

Ainsi, l’instruction indique clairement que la gestion des eaux pluviales urbaines, si elle est rattachée à la compétence « assainissement » pour les Métropoles et Communautés Urbaines, constitue une nouvelle compétence à part entière pour les Communautés d’Agglomération et pour les Communautés de Communes. Les Communautés d’Agglomération devront exercer cette compétence obligatoirement à compter du 1er janvier 2020, comme cela est déjà le cas pour les compétences « eau potable » et « assainissement ». Pour les Communautés de Communes, cette nouvelle compétence demeurera facultative : les territoires pourront ainsi déterminer librement le niveau de gestion : communal ou intercommunal.

En conséquence, l’Instruction invite les Préfets à interroger les E.P.C.I. qui exercent aujourd’hui une compétence « assainissement » pour que ceux-ci indiquent si cette compétence intègre la « gestion des eaux pluviales urbaines ». Le cas échéant, un transfert formalisé de cette nouvelle compétence sera nécessaire.

Pour les E.P.C.I. en fiscalité professionnelle unique, cela implique ainsi une évaluation des moyens mobilisés en fonctionnement et en investissement pour la gestion des eaux pluviales urbaines, une validation par la Commission Locale d’Evaluation des Charges Transférées puis par les Communes et enfin des retenues sur les attributions de compensation versées par l’E.P.C.I. aux Communes.

Le 3 août 2018 a été promulguée la Loi n°2018-702 relative au transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, clôturant le long parcours de la proposition de Loi Ferrand-Fesneau, initié à la fin de l’année 2017.

L’instruction INTB1822718J du 28 août 2018 du Ministre de l’Intérieur et de la Ministre Déléguée est adressée aux Préfets de région et de département pour préciser les modalités d’application de la Loi.

Sans revenir ici sur l’ensemble des dispositions, et notamment les modalités de mise en œuvre du report du transfert de la compétence au-delà du 1er janvier 2020 pour les Communautés de Communes, la lecture des points relatifs à la compétence « eaux pluviales urbaines » (point 2. de l’Instruction) et à la création d’une régie unique pour l’exploitation des services (point 4. de l’Instruction) méritent qu’on s’y attarde.

 

L’instruction apporte ainsi des précisions quant aux modalités de création de Régies uniques pour l’exploitation des trois services au niveau intercommunal : « eau potable », « assainissement », « eaux pluviales urbaines ».

  • Il faut tout d’abord noter que la Loi limite cette faculté aux seuls territoires ayant transféré les trois compétences à l’Etablissement Public de Coopération Intercommunale.
  • Ensuite, seule la création de Régie dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière est envisagée. Ces Régies sont instituées sur la base des dispositions des articles L2221-10 et suivants du C.G.C.T. : création par le Conseil municipal, nomination du Directeur par le Maire, gestion par un Conseil d’Administration,…

Dans le domaine de la gestion de l’eau et de l’assainissement, les études précédentes menées par le Cabinet EXFILO ont permis de souligner que ce mode de gestion était assez peu représenté à l’échelle nationale à ce jour : une vingtaine de Régies dotées de la personnalité morale tout au plus géraient ces services publics industriels et commerciaux de l’eau et/ou de l’assainissement.

  • Enfin, la gestion par une Régie unique ne signifie pas unification budgétaire. Ainsi, l’Instruction indique que trois budgets distincts devront être maintenus pour chacune des compétences.

Les opérations relatives aux services publics industriels et commerciaux (eau et assainissement) doivent être suivies dans le cadre de budgets séparés et conformes à la nomenclature M49, les opérations relatives au Service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines dans le cadre de budgets conformes à la nomenclature M14.

Chaque budget sera dès lors alimenté par des recettes distinctes :

  • Les redevances A.E.P. (parts fixes, parts variables) pour le budget de l’eau potable ;
  • Les redevances « assainissement collectif », les prestations « assainissement non collectif », les participations aux frais de branchement,…pour le budget « assainissement » ;
  • Une participation forfaitaire du budget principal de la collectivité de rattachement au titre de la gestion des eaux pluviales urbaines, sur la base des dispositions de la Circulaire du 12 décembre 1978.

L’intérêt de la démarche de création d’une Régie unique réside dès lors dans la capacité à mutualiser les dépenses de fonctionnement, en affectant un prorata à chacun des budgets pour la prise en charge des missions d’ingénierie et des fonctions « support » communes aux trois services : accueil des usagers, finances et comptabilité, ressources humaines, informatique, S.I.G., …

L’examen ce jeudi 5 juillet 2018 en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale de la proposition de Loi sur le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités a donné lieu à deux évolutions notables par rapport au texte initial déposé en début d’année.

Les Députés avaient rétabli la version première du texte en Commission au mois de Juin, prenant acte de l’échec de la Commission Mixte Paritaire du mois de Mai. Ainsi, contrairement au vœu des Sénateurs d’un maintien des compétences « eau » et « assainissement » parmi les compétences optionnelles, leur caractère obligatoire, à compter de 2020, voire de 2026 avait été acté.

A l’occasion de l’examen du texte en séance du jeudi 5 juillet, plusieurs éléments des débats précédents sont revenus sur la table. Toutefois, les Députés de la majorité ont maintenu le cap en ce qui concerne, d’une part, le transfert au titre des compétences obligatoires à moyen terme des services publics de l’eau et de l’assainissement et, d’autre part, l’exclusion des Communautés d’Agglomération du dispositif dit « Ferrand-Fesneau ». Ce dispositif permet aux seules communautés de communes qui n’exercent pas les compétences à la promulgation de la Loi, de reporter le transfert au-delà de 2020 et jusqu’en 2026 au maximum, dès lors qu’une minorité de blocage, portée par 25% des Communes représentant 20% des habitants, s’oppose par délibération au transfert.

Deux amendements notables ont toutefois été adoptés par les Députés, dans le droit fil de la déclaration liminaire de Madame la Ministre.

Le premier amendement répond à une attente des territoires qui exerçaient à titre optionnel et partiellement la compétence « assainissement » : près de la moitié des communautés de communes concernées par l’application éventuelle du dispositif « minorité de blocage » assurent d’ores et déjà la mission de l’assainissement non collectif (S.P.A.N.C.). Une interprétation littérale de l’article 1 de la proposition de Loi (« une Communautés de communes qui n’exerce pas, à la date de la promulgation de la présente loi, à titre optionnel ou facultatif, les compétences… ») pouvait laisser penser qu’elles seraient de fait exclues du bénéfice du dispositif.
Les Députés ont précisé le principe du report sous condition jusqu’en 2026 était ouvert aux Communautés qui exercent uniquement les missions relatives au service public d’assainissement non collectif.

Le second amendement revient sur le caractère « non sécable » de la compétence assainissement. Si un arrêt du Conseil d’Etat avait dès 2013 inclus la gestion des eaux pluviales dans la compétence assainissement, les Députés ont précisé que le caractère insécable valait uniquement pour les Métropoles, Communautés urbaines et Communautés d’agglomération.
Ainsi, pour les Communautés de communes, les Députés proposent que la mission traitement des eaux pluviales puisse demeurer communale. Si toutefois, elle est exercée au niveau intercommunal, il s’agira d’une compétence facultative.

Le long parcours de la proposition de Loi dite « Ferrand-Fesneau », engagé à la fin de l’année 2017, suite aux interventions du Premier Ministre et du Président de la République devant le Congrès des Maires à la fin du mois de novembre, est ainsi sur le point d’aboutir. Après la deuxième lecture au Sénat, il reviendra aux Députés d’adopter la version définitive du texte, vraisemblablement avant la fin du mois de juillet. La promulgation de la Loi pourrait dès lors intervenir mi-août.

1) Rappel du cadre juridique de la mise à disposition

La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 a posé comme principe que le transfert de compétences entraîne le transfert à l’EPCI des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice ainsi que de l’ensemble des droits et obligations qui y sont attachés.

La mise à disposition constitue le régime de droit commun obligatoire applicable aux transferts des biens meubles et immeubles utilisés à la date du transfert, pour l’exercice des compétences concernées (articles L. 5211-17 et L.1321-1 et L. du CGCT).

La mise à disposition des biens n’emporte pas le transfert en pleine propriété, mais simplement la transmission des droits et obligations du propriétaire, qui sont un démembrement du droit de propriété. La commune continuera donc d’être propriétaire du bien qu’elle met à disposition de l’EPCI.  Il en sera de même pour les travaux et adjonctions réalisés par l’EPCI sur ce bien après sa mise à disposition : ils ne seront pas propriété de l’EPCI.

Le fait que l’EPCI ne soit pas propriétaire du bien mis à disposition et des travaux réalisés dessus pose la question des règles applicables en matière d’amortissement et de FCTVA.

 

2) L’obligation d’amortir (en lieu et place des communes)

Le principe est le suivant : si un amortissement était pratiqué par la commune sur le bien mis à disposition, l’EPCI doit poursuivre ce plan d’amortissement (en lieu et place de la commune). A contrario, si le bien n’était pas amorti par la commune, l’EPCI n’a aucune obligation d’amortir le bien à compter de sa mise à disposition.

S’agissant des travaux et adjonctions réalisés par l’EPCI sur le bien (après sa mise à disposition), les règles d’amortissement de ces travaux seront identiques à celles s’appliquant pour le bien concerné : si ce dernier n’était pas amorti par la commune, les travaux ne seront pas à amortir par l’EPCI, et inversement.

Seule exception : certains types de biens sont obligatoirement à amortir (catégorie listée à l’article R.2321-1 du CGCT, comme les biens mobiliers ou les immeubles productifs de revenus). Mais les communes de moins de 3500 habitant sont exonérées de l’obligation d’amortir les biens, quel que soit leur nature (article L.2321-2 du CGCT). Ainsi, on pourrait se trouver dans le cas de figure où une commune de moins de 3500 habitant qui n’amortit aucun de ses biens, mette à disposition de l’EPCI un bien rentrant dans la catégorie « amortissement obligatoire » (article R.2321-1 du CGT)  : l’EPCI devra alors amortir ce bien, si sa population est supérieure à 3500 hab. (ce qui est forcément le cas depuis les derniers SDCI). Cet amortissement sera à effectuer seulement à compter de la date de mise à disposition et sur la durée de vie résiduelle du bien  (pas de prise en charge rétroactive de la charge d’amortissement depuis la mise en service du bien).

 

3) Le droit de percevoir le FCTVA (en lieu et place des communes)

En contrepartie des obligations transférées à l’EPCI suite à la mise à disposition du bien (prise en charge des dépenses d’entretien courant et des réparations nécessaires à la préservation du bien, poursuite du plan d’amortissement), l’EPCI possède tous pouvoirs de gestion sur le bien remis, et en perçoit la totalité des fruits et produits. Ce principe vaut pour le FCTVA : si l’EPCI réalise des dépenses d’investissement sur le bien (travaux de réparation, rénovation, adjonction, etc.), il récupérera d’office le FCTVA à percevoir sur ces dépenses, en lieu et place de la commune.

Extrait du « Guide de la TVA à l’usage des collectivités locales » (DGCL, version du 22/07/2016), P.23:

« … à compter de la date du transfert de compétence et en application de l’article L. 1615-2 du CGCT, l’EPCI bénéficie du FCTVA, en lieu et place de la commune, au titre des dépenses d’investissement qu’il sera, le cas échéant, amené à effectuer sur les immobilisations mises à sa disposition. Pour que l’EPCI bénéficie des attributions de FCTVA au titre de ces dépenses, il est indispensable que la mise à disposition, juridiquement automatique, soit constatée comptablement. En effet, le FCTVA est attribué sur la base des dépenses éligibles comptabilisées aux comptes 217 “Immobilisations reçues au titre d’une mise à disposition” et 2317, sous réserve de remplir les autres conditions précitées ».

Suite de l’article paru le 9 Mai 2018 sur le blog EXFILO

La Commission Mixte Paritaire (C.M.P.) réunie le 17 Mai 2018 a pris acte du caractère inconciliable de la position des deux Assemblées à propos du transfert des compétences “eau” et “assainissement”.

Composée, comme son nom l’indique, à parité de Députés et de Sénateurs, la Commission chargée de trouver un consensus, n’a pas été « conclusive ». A l’occasion de la réunion, les représentants des deux Chambres ont campé sur leurs positions respectives… et très éloignées.

Les représentants de l’Assemblée Nationale ont rappelé le compromis proposé aux Communes (la possibilité de décaler le transfert de compétences jusqu’en 2026) en insistant sur la pertinence de la gestion au niveau intercommunal pour faire face au déficit chronique d’investissement.

Les Sénateurs ont maintenu leur vision d’un exercice optionnel par les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale, y compris les Communautés d’Agglomération.

L’échec de la C.M.P. était prévisible.

On pourra cependant regretter que l’absence de réelles discussions n’ai pas permis d’examiner les amendements « techniques » proposés par les Sénateurs, plus spécifiquement à destination des territoires ruraux :

  • Exonération d’établir des budgets annexes distincts pour les S.P.I.C. « eau » et « assainissement » (Article 1 ter)
  • Relèvement du plafond de 3 000 à 5 000 habitants en deçà duquel une Collectivité peut financer les budgets annexes par une subvention du budget général (Article 1 quater) ;

Quant à l’extension du dispositif FERRAND-FESNEAU aux Communautés d’Agglomération, il semble que la fin de non-recevoir opposée par les Députés, qui auront, in fine, le dernier mot, soit définitive.

Affaire à suivre…