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1) Rappel du cadre juridique de la mise à disposition

La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 a posé comme principe que le transfert de compétences entraîne le transfert à l’EPCI des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice ainsi que de l’ensemble des droits et obligations qui y sont attachés.

La mise à disposition constitue le régime de droit commun obligatoire applicable aux transferts des biens meubles et immeubles utilisés à la date du transfert, pour l’exercice des compétences concernées (articles L. 5211-17 et L.1321-1 et L. du CGCT).

La mise à disposition des biens n’emporte pas le transfert en pleine propriété, mais simplement la transmission des droits et obligations du propriétaire, qui sont un démembrement du droit de propriété. La commune continuera donc d’être propriétaire du bien qu’elle met à disposition de l’EPCI.  Il en sera de même pour les travaux et adjonctions réalisés par l’EPCI sur ce bien après sa mise à disposition : ils ne seront pas propriété de l’EPCI.

Le fait que l’EPCI ne soit pas propriétaire du bien mis à disposition et des travaux réalisés dessus pose la question des règles applicables en matière d’amortissement et de FCTVA.

 

2) L’obligation d’amortir (en lieu et place des communes)

Le principe est le suivant : si un amortissement était pratiqué par la commune sur le bien mis à disposition, l’EPCI doit poursuivre ce plan d’amortissement (en lieu et place de la commune). A contrario, si le bien n’était pas amorti par la commune, l’EPCI n’a aucune obligation d’amortir le bien à compter de sa mise à disposition.

S’agissant des travaux et adjonctions réalisés par l’EPCI sur le bien (après sa mise à disposition), les règles d’amortissement de ces travaux seront identiques à celles s’appliquant pour le bien concerné : si ce dernier n’était pas amorti par la commune, les travaux ne seront pas à amortir par l’EPCI, et inversement.

Seule exception : certains types de biens sont obligatoirement à amortir (catégorie listée à l’article R.2321-1 du CGCT, comme les biens mobiliers ou les immeubles productifs de revenus). Mais les communes de moins de 3500 habitant sont exonérées de l’obligation d’amortir les biens, quel que soit leur nature (article L.2321-2 du CGCT). Ainsi, on pourrait se trouver dans le cas de figure où une commune de moins de 3500 habitant qui n’amortit aucun de ses biens, mette à disposition de l’EPCI un bien rentrant dans la catégorie « amortissement obligatoire » (article R.2321-1 du CGT)  : l’EPCI devra alors amortir ce bien, si sa population est supérieure à 3500 hab. (ce qui est forcément le cas depuis les derniers SDCI). Cet amortissement sera à effectuer seulement à compter de la date de mise à disposition et sur la durée de vie résiduelle du bien  (pas de prise en charge rétroactive de la charge d’amortissement depuis la mise en service du bien).

 

3) Le droit de percevoir le FCTVA (en lieu et place des communes)

En contrepartie des obligations transférées à l’EPCI suite à la mise à disposition du bien (prise en charge des dépenses d’entretien courant et des réparations nécessaires à la préservation du bien, poursuite du plan d’amortissement), l’EPCI possède tous pouvoirs de gestion sur le bien remis, et en perçoit la totalité des fruits et produits. Ce principe vaut pour le FCTVA : si l’EPCI réalise des dépenses d’investissement sur le bien (travaux de réparation, rénovation, adjonction, etc.), il récupérera d’office le FCTVA à percevoir sur ces dépenses, en lieu et place de la commune.

Extrait du « Guide de la TVA à l’usage des collectivités locales » (DGCL, version du 22/07/2016), P.23:

« … à compter de la date du transfert de compétence et en application de l’article L. 1615-2 du CGCT, l’EPCI bénéficie du FCTVA, en lieu et place de la commune, au titre des dépenses d’investissement qu’il sera, le cas échéant, amené à effectuer sur les immobilisations mises à sa disposition. Pour que l’EPCI bénéficie des attributions de FCTVA au titre de ces dépenses, il est indispensable que la mise à disposition, juridiquement automatique, soit constatée comptablement. En effet, le FCTVA est attribué sur la base des dépenses éligibles comptabilisées aux comptes 217 “Immobilisations reçues au titre d’une mise à disposition” et 2317, sous réserve de remplir les autres conditions précitées ».

Dans le cadre du transfert de compétence d’une commune à son intercommunalité, le transfert de compétences s’accompagne du transfert des biens nécessaires à leur exercice, mais aussi des droits et obligations s’y afférant.

Le législateur prévoit que le transfert de compétence « entraine de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence » (article L.1321-1 du CGCT).

Cette mise à disposition se caractérise de la manière suivante (article L.1321-1 et suivants du CGCT):

  • Elle donne lieu à un procès-verbal de mise à disposition,
  • La remise des biens a lieu à titre gratuit,
  • La communauté de communes assume l’ensemble des obligations de la commune propriétaire.
  • La communauté de communes possède tous pouvoirs de gestion.
  • La communauté de communes assure le renouvellement des biens mobiliers,
  • La communauté de communes peut autoriser l’occupation des biens remis,
  • La communauté de communes en perçoit les fruits et produits,
  • La communauté de communes agit en lieu et place de la commune propriétaire,
  • La communauté de communes peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation ou d’addition de constructions propres à assurer le maintien de l’affectation des biens,
  • La communauté de communes est substituée à la collectivité propriétaire dans ses droits et obligations découlant des contrats portant notamment sur des emprunts affectés, et des marchés que cette dernière a pu conclure pour l’aménagement, l’entretien et la conservation des biens remis ainsi que pour le fonctionnement des services. La commune propriétaire constate la substitution et la notifie à ses cocontractants.

Ainsi, les biens nécessaires à l’exercice de chaque compétence transférée, seront mis à disposition à titre gratuit au bénéfice de la communauté (de communes, d’agglomération, urbaine, métropole) qui assumera l’ensemble des droits et obligations liées à ces biens (par exemple, la gestion, l’entretien et la rénovation des équipements). La commune qui a transféré du patrimoine reste néanmoins propriétaire des biens transférés mais n’en assure plus les dépenses liées.

Seul le changement d’affection des équipements transférés pourraient alors entraîner la reprise des droits et obligations sur les biens par la commune propriétaire (par exemple, si une commune avait transféré un bâtiment servant de bibliothèque, et que la Communauté n’en a plus l’utilité parce qu’elle a construit une médiathèque sur son territoire). La communauté de communes a toutefois la possibilité de demander le transfert de propriété des biens lorsque ceux-ci ont été désaffectés et qu’ils ne font pas partis du domaine public (article L.1321-3 du CGCT). C’est le cas des terrains sur les zones d’activités économiques.

 

En cas de transfert de compétences à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un syndicat, les résultats budgétaires de l’exercice précédant le transfert de compétence (résultat cumulé de la section de fonctionnement et solde d’exécution cumulé de la section d’investissement), y compris la trésorerie restante, sont maintenus dans la comptabilité de la commune, car ils sont la résultante de l’activité exercée par celle-ci lorsqu’elle était compétente.

Néanmoins, il convient de distinguer la nature du service qui fait l’objet du transfert à l’EPCI ou au syndicat. L’article L.2221-1 du CGCT distingue les services publics à caractère administratif des services publics à caractère industriel ou commercial (SPIC) : “sont considérées comme industrielles ou commerciales les exploitations susceptibles d’être gérées par des entreprises privées en ce qui concerne l’exploitation des services publics communaux“. Un SPIC se caractérise par l’objet de son service (activité susceptibles d’être exercée par une entreprise privée) et par les modalités de financement du service (financement par une redevance s’apparentant à un prix¹).

En effet, dans le cadre d’un transfert d’une compétence constituant un service public industriel ou commercial (SPIC), le transfert à l’EPCI présente des spécificités dans la mesure où les résultats budgétaires sont identifiables dans un budget annexe spécifiquement dédié. Ainsi, lorsque leur finalité était de provisionner de futurs travaux d’investissement, les résultats budgétaires doivent faire l’objet d’un transfert au même titre que la compétence à l’EPCI ou au syndicat. Le juge administratif a confirmé cette position dans un arrêt du Tribunal Administratif de Versailles le 7 mai 2009, en considérant en l’espèce que le résultat budgétaire constituait une surtaxe de la redevance d’assainissement pour financer l’amortissement technique de son réseau d’assainissement et que la commune “devait transférer les sommes au syndicat dès lors qu’elle lui avait transféré l’intégralité de ses compétences en la matière“.

¹ CE 16 novembre 1956 Union syndicale des industries Aéronautiques

Le transfert d’une compétence d’une commune vers son EPCI emporte le transfert automatique des moyens matériels et humains nécessaires à sa réalisation (article L.5211-4-1, CGCT). Les agents ainsi transférés peuvent alors choisir entre le maintien du régime indemnitaire et des avantages acquis en tant que personnel communal, ou opter pour le régime indemnitaire intercommunal et les avantages afférents, suivant la situation qui leur est la plus favorable.

Une des conséquences directes de ces dispositions a été une incitation au nivellement par le haut des régimes indemnitaires et des avantages sociaux, afin d’éviter une différenciation des rémunérations au sein d’un service communautaire. En effet, si le régime indemnitaire communal ou les avantages sociaux communaux sont plus intéressant que celui de l’EPCI, les agents communaux vont choisir le maintien de leur situation. Dès lors, lors de l’embauche de nouveaux agents, la communauté pourrait alors se retrouver avec des agents de même niveau et affectés à un même service, ayant par exemple des rémunérations différentes, ce qui serait source de tensions.

Un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (1) vient modifier sensiblement ce dispositif puisqu’il reconnaît dorénavant le droit pour le conseil communautaire de l’établissement public bénéficiaire du transfert, d’abroger le maintien des conditions indemnitaires passées et des avantages acquis. Ainsi, si l’agent peut librement choisir le maintien du régime indemnitaire et des avantages dont il bénéficiait en tant qu’agent communal, ce choix n’engage plus la Communauté de manière définitive et peut être abrogé par le Conseil Communautaire.

(1) arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (19 février 2009, syndicat Force ouvrière du personnel territorial de l’agglomération du Val-de-Seine, n° 07VE01097)