La commission d’évaluation des charges transférées ‘CLECT) est au coeur de l’intercommunalité et des relations communes-communauté. Quel rôle, quelles missions et quelles méthodes ?
Une vidéo de Pierre-Olivier HOFER, directeur associé EXFILO
La commission d’évaluation des charges transférées ‘CLECT) est au coeur de l’intercommunalité et des relations communes-communauté. Quel rôle, quelles missions et quelles méthodes ?
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Le transfert d’une compétence à un EPCI à fiscalité professionnelle unique, doit donner lieu à évaluation de la charge transférée par la Commission Locale d’Evaluation des Charges Transférée (CLECT), selon un cadre défini à l’article 1609 nonies C du CGI.
L’évaluation doit porter tant sur les dépenses réalisées, au cours du ou des exercices précédents, que des dépenses engagées, c’est à dire les restes à réaliser, comme le rappelle une réponse ministérielle du 08/01/2019 publiée au JO de l’Assemblée Nationale page 86 (lien).
Ces dépenses engagées mais non mandatées fondées sur des engagements juridiques doivent être inclues dans les évaluations des charges transférées, au contraire des actions futures prévues par les communes mais pour lesquelles aucun engagement juridique n’a été pris.
La réponse ministérielle en question, va même plus loin, en faisant la distinction sur l’existence d’un engagement juridique (marché public) : elle considère que les dépenses engagées mais non mandatées correspondant à des actions sur lesquelles les communes ont pris des engagements “sans pour autant avoir conclu de marchés publics” ou avoir engagé juridiquement de dépenses, n’ont pas à être intégrées dans le calcul des charges transférées. Or la question est posée à propos d’engagement pris par les conseils municipaux dans le cadre d’un plan d’action et de prévention des inondations, “nécessitant des engagements financiers sur un calendrier strict”. Sauf à penser que l’EPCI devenu compétent pourrait se dédire des engagements pris par les conseils municipaux, il serait contraire à l’esprit de l’article 1609 nonies C et du législateur, de ne pas prendre en compte dans l’évaluation, les engagements des communes. Cela étant dit, s’agissant de GEMAPI, le financement pourra être assuré en tout ou partie par la taxe, qui sera elle aussi à prendre en compte dans le calcul de la charge transférée, bien qu’inexistante au moment du transfert.
I. LA NEUTRALITE BUDGETAIRE
Le principe sous-jacent à la fiscalité professionnelle unique (ex-taxe professionnelle unique) est celui de la neutralité budgétaire du changement de régime fiscal la première année d’application. Ceci signifie qu’une commune ou son EPCI ne doit être ni perdant ni gagnant la première année d’application.
L’attribution de compensation, qui est au cœur de ce système, permet de garantir :
Par la suite, à l’occasion de chaque modification du périmètre des compétences exercées par l’EPCI, le même souci de neutralité budgétaire doit prévaloir, afin que les communes aient les mêmes ressources qu’auparavant pour financer les compétences qu’elles ont conservées.
2. L’ARTICLE 1609 NONIES C ET LE DEVENIR DES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION EN CAS DE CHANGEMENT D’EPCI
Les modalités de calcul des attributions de compensation ainsi que du coût net des compétences transférées sont décrites respectivement au V et au IV de l’article 1609 nonies C du code général des impôts.
[citation alignement=”left”] La fiscalité dans les attributions de compensation est garantie, elle n’est pas réévaluée[/citation]
L’attribution de compensation (AC) est égale à la différence entre les produits fiscaux transférées et les charges (des compétences, nettes des recettes propres à ces compétences) transférées. Pour des raisons pratiques, nous distinguerons les « attributions de compensations fiscales », qui correspondent à la contrepartie des ressources transférées, des « attributions de compensation charges » qui correspondent à l’évaluation du coût net des compétences transférées.
AC = AC fiscales – AC Charges
Jusqu’à la loi de finances rectificative pour 2012, le législateur n’avait pas déterminé de manière explicite le devenir des attributions de compensation en cas de changement d’EPCI. Mais la rédaction et les conditions de révision prévues à l’article 1609 nonies C nous permettent de déduire le champ des possibles.
2.1. LES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATIONS « FISCALES »
CGI, Article 1609 nonies C, V-2° :
« L’attribution de compensation est égale à la somme des produits mentionnés aux I et I bis et du produit de la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, perçus par la commune l’année précédant celle de la première application du présent article, diminuée du coût net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV. »
Il est clairement précisé que les produits fiscaux évalués dans les attributions de compensation sont égaux à ceux perçus par la commune l’année précédant celle de la première application du présent article, autrement dit du passage en fiscalité professionnelle unique de chacune des 4 communes concernées.
Dès lors, à l’occasion de l’adhésion de communes qui étaient antérieurement membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique, il n’est pas possible d’actualiser les ressources fiscales qui sont apportées par les communes entrantes l’année précédant celle de leur adhésion. Les AC fiscales sont donc indépendantes de l’EPCI d’appartenance des communes et leur sont « garanties », quand bien même l’EPCI auquel elles appartiennent aurait changé.
En réponse à une question posée par M. Auban, Sénateur, le Ministère de l’Intérieur est venu préciser la doctrine administrative sur ce sujet. Le sénateur a posé la question de savoir sur quelle base calculer les attributions de compensation.
Réponse du Ministère de l’Intérieur
« Aux termes de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) soumis au régime fiscal de la taxe professionnelle unique versent à leurs communes membres une attribution de compensation. Celle-ci a pour objet d’assurer la neutralité budgétaire pour les communes membres la première année d’application de ce régime fiscal afin qu’elles puissent continuer à assumer la charge des compétences qu’elles conservent. Elle est calculée par référence au produit de taxe professionnelle perçu par chaque commune l’année précédant l’institution du taux de taxe professionnelle communautaire sur son territoire. La circonstance que l’EPCI auquel appartiennent les communes a changé est indifférente de ce point de vue. En effet, l’attribution de compensation que les communes ont reçue jusqu’à l’adhésion au nouvel EPCI a d’ores et déjà permis à ces communes de financer les charges qu’elles conservaient. Le montant de l’attribution de compensation que doit verser l’EPCI dont les communes sont désormais membres doit donc être déterminé par rapport au dernier montant d’attribution de compensation reçu de l’ancien EPCI. Ce montant est ensuite corrigé le cas échéant selon les compétences respectives exercées par les deux EPCI. […]»
Cette doctrine prévoit que lorsqu’une commune quitte un EPCI à fiscalité professionnelle unique pour rejoindre un autre EPCI ayant le même régime fiscal, l’EPCI d’accueil lui verse le même montant d’attributions de compensation, corrigé le cas échéant selon les compétences respectives exercées par les deux EPCI.
2.2. LES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION « CHARGES » : LA REDACTION AVANT LA LFR 2012
L’attribution de compensation doit être « diminuée du coût net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV ».
Le dernier alinéa du 2° du V de l’article 1609 nonies C du CGI précise en outre que « l’attribution de compensation est recalculée, dans les conditions prévues au IV, lors de chaque transfert de charge. ». Il ressort de cet alinéa qu’à chaque transfert de charges, c’est-à-dire à chaque extension du périmètre des compétences exercées par l’EPCI , l’attribution de compensation doit être recalculée.
La question qui se pose alors est la suivante : Le retrait d’une commune d’un EPCI pour adhérer à un autre EPCI est-il constitutif d’un transfert de compétences ?
Si la rédaction au 31 décembre 2012 de l’article 1609 nonies du code général des impôts laisse place à l’interprétation, la pratique et la doctrine administrative conduisent à répondre par la négative.
En effet, dans sa réponse à une question parlementaire de 2003 précitée, le Ministère de l’Intérieur indique que « le montant de l’attribution de compensation que doit verser l’EPCI dont les communes sont désormais membres doit donc être déterminé par rapport au dernier montant d’attribution de compensation reçu de l’ancien EPCI. Ce montant est ensuite corrigé le cas échéant selon les compétences respectives exercées par les deux EPCI. ».
[citation alignement=”right”]Il faut recalculer la partie Transferts de charges des attributions de compensation si les compétences sont différentes[/citation]
Cette réponse implique que si les compétences de deux EPCI sont strictement identiques, alors il n’y a pas lieu à corriger le montant des attributions de compensation. Par conséquent, lorsque les compétences de l’EPCI d’origine et de l’EPCI de destination sont identiques, la commune continuera à recevoir le même montant d’attributions de compensation. Les évaluations des transferts de charges menées par l’EPCI d’origine sont alors reprises par l’EPCI de destination.
Par un arrêt du 7 juillet 2011 , la cour administrative d’appel de Marseille a jugé, à cet égard, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à un recalcul complet des attributions de compensation lorsqu’une commune membre d’un EPCI à FPU se retire pour rejoindre un autre EPCI à FPU, dès lors que les charges transférées et les échanges de fiscalité ont été exactement calculés lors du passage au régime de fiscalité professionnelle unique.
3. L’INTERET COMMUNAUTAIRE
Ainsi, à compétences équivalentes, les attributions de compensation versées par l’EPCI d’origine doivent être maintenues par l’EPCI de destination.
La loi laisse une grande liberté quant à la définition des compétences transférées. Ainsi, l’article L.5214-16 se borne à énumérer des groupes de compétences (pour les communautés de communes), dont le contenu est librement déterminé par les communes.
Ainsi, même si deux communautés exercent les mêmes compétences ou groupes de compétences, la définition de l’intérêt communautaire, qui précise la frontière entre actions communales et actions intercommunales au sein d’une compétence, n’est pas forcément identique. Dès lors, l’exercice de la compétence est différent, et l’évaluation des compétences transférées qui a été menée par chacune des deux communautés ne couvre pas dans notre exemple le même périmètre, quand bien même les deux communautés exerceraient la même compétence.
A titre d’exemple, prenons le cas de la compétence Voirie. Prenons l’hypothèse que la communauté A est compétente sur l’intégralité de la voirie communale, et que la communauté B est compétente uniquement pour les voies communales hors centre-bourg. Dès lors, l’évaluation des charges transférées qui aura été menée par leur CLECT respectives ne couvre pas le même périmètre. Si des communes de la communauté B rejoignaient la communauté A, il conviendrait de procéder à une nouvelle évaluation de la compétence Voirie, car il y aurait bien un nouveau transfert de compétence : les voies communales du centre bourg devraient être transférées à la Communauté A alors qu’elles étaient de compétences communales. Par contre, il ne s’agirait pas de procéder à l’évaluation de la totalité de la compétence Voirie, mais seulement de la partie de la compétence Voirie qui était resté de compétence communale (ici les voies centre-bourg).
Ainsi, pour savoir s’il y a lieu de procéder à des évaluations, il faut nécessairement comparer les intérêts communautaires des compétences intercommunales dans les 2 EPCI (celui d’origine et celui de destination des communes). Les différences doivent donner lieu à restitution de compétences ou à un nouveau transfert, et dans ces deux cas, à de nouvelles évaluation.
Il ressort donc que l’équation de calcul des retenues sur attributions de compensation au titre de charges transférées est, pour chacune des 4 communes concernées, la suivante :
AC Charges Nouvel EPCI = AC Charges Ancien EPCI
– Evaluation du coût net transféré des compétences exercées par l’ancien EPCI mais non exercées par le nouvel EPCI (et donc restituées aux communes)
+ Evaluation du coût net transférés des compétences non exercées par l’ancien EPCI mais exercées par le nouvel EPCI (il s’agit alors d’un nouveau transfert)
L’exercice de chaque compétence dépend de la définition de l’intérêt communautaire.
4. LES COMPLEMENTS AU V DE L’ARTICLE 1609 NONIES APPORTES PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2012
La réforme territoriale et les nombreuses fusions, transformations d’EPCI, ainsi que retrait ou adhésion de communes, ont mis en exergue l’absence de clarté de l’article 1609 nonies C du CGI. La loi de finances rectificative pour 2012 est venue pallier à ce manque (article 40), dans le cas des fusions d’EPCI, ainsi que dans le cas des adhésions de communes à un EPCI à fiscalité professionnelle unique.
Nouvelle rédaction de l’article 1609 nonies C du CGI, V-5°-B :
« Lorsque, dans le cadre d’une modification de périmètre, de l’adhésion individuelle d’une commune ou d’une transformation dans les conditions prévues aux articles L. 5211‑41‑1 et L. 5214‑26 du même code, un établissement public de coopération intercommunale est soumis au régime prévu au présent article et qu’il est fait application des dispositions de l’article 1638 quater du présent code [Modalités d’harmonisation des taux en cas de rattachement d’une commune à un EPCI à FPU], l’attribution de compensation versée ou perçue à compter de l’année où les opérations précitées ont produit pour la première fois leurs effets au plan fiscal est égale à :
a. pour les communes qui étaient antérieurement membres d’un établissement public de coopération intercommunale soumis au présent article : à l’attribution de compensation que versait ou percevait cet établissement public de coopération intercommunale l’année précédant celle où les opérations précitées ont produit pour la première fois leurs effets au plan fiscal, sous réserve des dispositions de l’avant-dernier alinéa du 2° du présent V. Il peut être dérogé aux dispositions du présent a., uniquement la première année d’existence du nouvel établissement public de coopération intercommunale, en cas de révision librement décidée par délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée prévue au premier alinéa du II de l’article L. 5211‑5 du code général des collectivités territoriales. Cette révision ne peut pas avoir pour effet de minorer ou de majorer l’attribution de compensation de plus de 5 % de son montant.
b. pour les communes qui étaient antérieurement membres d’un établissement public de coopération intercommunale ne faisant pas application des dispositions du présent article : au montant calculé conformément au 2°.
Lorsque l’adhésion d’une commune s’accompagne d’un transfert ou d’une restitution de compétences, cette attribution de compensation est respectivement diminuée ou majorée du montant net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV. »
Cette nouvelle rédaction en vigueur au 1er janvier 2013, transpose dans la loi l’ancienne doctrine administrative.
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