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1) Préambule

Le service public des ordures ménagères (SPED), qui comprend la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés, peut être financé au moyen de trois modes de financement dit « historiques » :

  • Par le budget principal de la collectivité (BP)
  • Par les contribuables : la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM)
  • Par l’usager : la Redevance d’Enlèvement des Ordures Ménagères (REOM) et la redevance spéciale (RS)

Dans cet article, nous allons comparer les principaux avantages et inconvénients des trois principales sources de financement du SPED: la TEOM, la RS et la REOM (le financement des OM par le budget général est considéré comme venant en complément de la TEOM pour couvrir un éventuel déficit résiduel ; le financement intégral du SPED par le budget principal ne concerne en effet que très peu de collectivités).

Les nouvelles possibilités de tarification incitative introduites par les lois Grenelles 1 et 2 (TEOMI et REOMI) ne sont pas prises en compte dans cette analyse comparative : elles feront l’objet d’un prochain article.

2) Les grands principes des modes de financement du SPED (déchets concernés, équilibre, cumul)

Il existe deux catégories de déchets pouvant être pris en charge par le SPED :

  • Les déchets ménagers : ce sont les déchets produits par les ménages/particuliers.
  • Les déchets assimilés : ce sont les déchets produits par les commerçants, artisans, professionnels divers (activités de services, établissements hospitaliers, scolaires ou sportifs, administrations), et qui peuvent être collectés et traiter sans sujétions techniques particulières (la limite entre les déchets non ménagers collectés par le service public et hors service public est définie par la collectivité).

a) La REOM est un mode de financement exclusif : la totalité du coût net du SPED (déchets ménagers et assimilés) doit être financé et équilibré par la seule redevance.

b) Si la collectivité ne met pas en place de REOM, elle doit obligatoirement instaurée une redevance spéciale (RS), pour financer le coût net du SPED lié aux déchets assimilés (produits par les usagers professionnels). Là encore, le principe d’une redevance emporte obligation d’équilibrer le coût net de ce service spécifique par cette seule redevance.

c) En l’absence de REOM, la collecte et le traitement des déchets ménagers (produits par les particuliers) doivent être financés par la TEOM et/ou le budget principal. Dès lors, la RS se cumule avec la TEOM et/ou le budget principal. Le financement par la TEOM n’implique pas une obligation d’équilibre du service. L’éventuel déficit résiduel pourra donc être couvert par le budget principal.

Notons enfin que la loi autorise un financement du SPED par la TEOM pour les déchets assimilés, en complément de la RS. Mais il est également possible d’exonérer de TEOM les redevables de la RS (usagers professionnels), afin d’éviter une double imposition pour un même service (cf. ci-après).

TEOM, REOM, Redevance spéciale, déchets ménagers, déchets assimilés, OM

Articulation des modes de financements du SPED selon le type de déchets

 

3) Les redevables concernés et imposés

3.1 Les redevables imposés : Usagers / Contribuables

a) La REOM est acquittée par tous les usagers du SPED (particuliers et professionnels).

b) La RS obéit au même principe : elle est acquittée par les usagers du SPED  (mais seulement les professionnels).

c) En revanche, la TEOM va concerner les contribuables du foncier bâti, avec des exonérations spécifiques.

3.2 Les redevables exonérés

a) Aucune exonération n’est possible avec la REOM. Tous les producteurs de déchets ménagers et assimilés sont imposés, sans exception.

b) Avec la RS, il existe un seul type d’exonération (par délibération) : celle portant sur les usagers professionnels assujettis à la TEOM. Cette exonération (conseillée) permet d’éviter une double imposition des usagers professionnels (RS+TEOM).

c) Des exonérations spécifiques existent pour la TEOM : ainsi la base d’imposition ne concerne pas tous les contribuables au foncier bâti (FB). Sont ainsi exonérés de droit les locaux des administrations publiques (en propriété ou en location) et les entreprises industrielles (en effet les usines produisent des déchets industriels qui sont traitées par des prestataires privés et non pris en charge par le SPED de la collectivité). A l’opposé certaines exonérations de foncier bâti ne s’appliquent pas pour la TEOM : il s’agit principalement des logements temporairement exonérés de FB et des redevables exonérés de FB en fonction de leur situation (personnes âgées, invalidité, condition modeste) : ces locaux et redevables doivent acquitter une TEOM alors qu’ils n’acquittent pas de FB.

3.3 Les redevables imposés mais non concernés par le SPED

a) Financement du SPED par la REOM ou la RS : tous les redevables imposés sont censés être bénéficiaires du service.

b) Financement du SPED par la TEOM (sans RS) : certains contribuables imposés au foncier bâti s’acquittent d’une cotisation de TEOM alors qu’ils ne bénéficient pas du service. Il s’agit principalement des grandes et moyennes surfaces / centres commerciaux, pour lesquels la fréquence de collecte du SPED s’avère souvent insuffisante par rapport au volume de déchets produit : ces entreprises non industrielles (et donc imposées à la TEOM) utilisent les services de prestataires privés pour collecter et traiter leurs déchets. La mise en place d’une RS, modulée en fonction du service rendu, peut permettre de répondre à ce type de besoin et d’éviter ainsi une taxation injustifiée (TEOM).

3.4 Les redevables non imposés mais concernés par le SPED

a) Financement du SPED par la REOM ou la RS : tous les redevables imposés bénéficient en théorie du service.

b) Financement du SPED par la TEOM (sans RS) : l’application d’une TEOM sans avoir instauré en parallèle de RS, conduit à ne pas imposer les administrations publiques alors qu’elles  bénéficient pourtant du service. On peut également évoquer le cas des locaux bénéficiant d’une exonération permanente de foncier bâti, et qui, à ce titre, n’acquittent pas de TEOM.

4) Fixation de la recette et mode de recouvrement

4.1 Condition de fixation et de modulation du tarif

a) REOM : la fixation du tarif se fait en fonction du service rendu (plus l’usager utilise le service, plus le montant de sa redevance sera élevé). Le tarif est souvent composée de deux parts :

  • Une part fixe (facultative) qui correspond aux charges obligatoires, et n’excède pas les coûts non proportionnels (salaires, frais de gestion et de recouvrement) : cette part n’est pas obligatoire mais vivement conseillée pour éviter les déséquilibres budgétaires.
  • Une part variable (obligatoire) qui peut être fondée sur différents systèmes : prise en compte du nombre de personnes dans le foyer, prise en compte du volume du bac, prise en compte de la nature, de la fréquence et du mode de collecte, comptage ou mesure des présentations (nombre de levées ou de pesées). La part variable permet donc de prendre en compte un volume global et forfaitaire de déchets dans la tarification : le législateur n’impose pas que cette part variable soit strictement indexée à la quantité réelle de déchets produits.

b) RS : mêmes principes que la REOM (mais uniquement appliqués aux déchets assimilés produits par les usagers professionnels).

c) TEOM : la cotisation de TEOM acquittée est uniquement fonction du taux de TEOM voté par la collectivité et des bases d’imposition de TEOM (identiques à celles du FB). Il n’y a donc aucun rapport entre la cotisation acquittée et le volume de déchets produit ou la fréquence d’utilisation du ramassage. Tout au plus, un zonage du taux de TEOM peut-être pratiqué sur le territoire de la collectivité (taux de TEOM différents selon les zones), en fonction du service rendu, et pendant une période transitoire qui ne peut excéder 10 ans (le but étant d’atteindre une « harmonisation » des taux de TEOM).

N.B : Compte tenu des volumes produits par les professionnels, et du caractère fixe et forfaitaire de la TEOM qu’ils acquittent, instaurer une TEOM sans instaurer de RS en parallèle revient à faire payer une partie des déchets non ménagers par les ménages.

4.2 Le recouvrement de l’imposition

a) REOM et RS : Le recouvrement de la redevance est à la charge exclusive de la collectivité (moyennant un coût de gestion moyen compris entre 3% et 5% du produit de la redevance). Les factures sont généralement émises au semestre ou à l’année (pour limiter les frais de gestion).

b) TEOM : La DGFIP est en charge de la taxation et du recouvrement de cette taxe (moyennant une majoration du produit de la taxe de 8% pour les frais de recouvrement). Le versement de la taxe est mensuel.

 

5) SYNTHESE ET CONCLUSION

Si la REOM et la RS nécessitent un investissement de la collectivité pour assurer le recouvrement de la redevance et pour fixer les critères des tarifs (avec obligation d’assurer un équilibre du service), ces deux modes de financement présentent l’avantage d’inciter les usagers du service à produire moins de déchets, tout en intégrant une dimension d’équité et de cohérence dans ce système (tarif différencié selon le type d’usager et/ou le volume de déchets produit).

Si la TEOM présente l’avantage d’être un mode de financement simple à mettre en œuvre (seul un taux est à voter, recouvrement assuré par la DGFIP, pas d’obligation d’équilibrer le service), il présente deux inconvénients majeurs : il est inefficace pour réduire le volume des déchets et est source d’injustice : on peut produire beaucoup de déchets et payer peu de TEOM (et inversement), certains bénéficiaires du service ne paie aucune cotisation de TEOM (les administrations publiques) et certains contribuables sont imposés à la TEOM sans toutefois bénéficier du service (grandes et moyennes surfaces / centres commerciaux).

TEOM, REOM, Redevance spéciale, déchets ménagers, déchets assimilés, OM

Comparatif des modes de financement du SPED

 

Le code général des collectivités territoriales confie aux communes la gestion de la collecte et du traitement des ordures ménagères (article L.2224-13 du CGCT), avec la possibilité de transférer tout ou partie de cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou un syndicat mixte.

Pour financer ce service, les communes et leurs groupements ont le choix entre plusieurs modes de financement :

  • la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)
  • la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM)
  • le recours au budget principal.

 

La Taxe d’enlèvement des ordures ménagères :

Selon un rapport du 29 janvier 2014 du Sénat sur le bilan et les perspectives d’évolution des modes de financement du service des ordures ménagères, en 2012, la TEOM représentait le mode de financement le plus courant puisque 68% des collectivités ou de leurs groupements finançaient la gestion des déchets par la TEOM.

La TEOM est une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties régie par le code général des impôts. Cette taxe est établie à partir de la valeur locative cadastrale des biens concernés, qui ne font pas l’objet d’une exonération, sous déduction de 50% de son montant en considération des frais de gestion, d’assurances, d’amortissement, d’entretien et de réparation. Les collectivités ou leurs groupements ayant institué la TEOM votent son taux chaque année.

Il est prévu à l’article 1552 bis du code général des impôts la possibilité d’instaurer, en plus de la part fixe, une part incitative à la TEOM. Elle est déterminée « en multipliant la quantité de déchets produits pour chaque local imposable l’année précédant celle de l’imposition par un ou des tarifs par unité de quantité de déchets de produits. » Autrement dit, il est nécessaire que la collectivité ait déterminé la quantité de déchets produits par local au cours d’une année entière pour établir la part incitative.

Par ailleurs, tous les usagers ne sont pas soumis à la TEOM. En effet, afin d’éviter que les ménages aient à payer pour l’élimination des déchets des professionnels, ces derniers (artisans et commerçants) sont soumis au paiement d’une redevance spéciale (sauf cas d’une REOM).

 

La redevance d’enlèvement des ordures ménagères :

La REOM consitue le second mode de financement choisi par les collectivités et leurs groupements puisque 1/3 des communes ou EPCI y ont recouru en 2012 (Rapport sur « le bilan et les perspectives d’évolution de la REOM et de la TEOM » du 29 janvier 2014 du Sénat). La mise en place de la REOM est incompatible avec tout autre mode de financement. Elle suppose l’instauration d’un tarif par la collectivité.

Différentes tarifications sont possibles mais le tarif de la redevance doit être fixé dans le respect du principe de proportionnalité :

  • La REOM doit comporter une part proportionnelle au service rendu (par exemple en fonction du nombre de personnes vivant au foyer, du nombre ou du volume des sacs distribués, du poids des déchets embarqués s’ils sont pesés (CE 24 mai 2006, req. no 283070, Commune de Larnage).
  • Il est possible d’appliquer un tarif incitatif afin de réduire les déchets et donc diminuer le coût du service. Le montant varie alors en fonction de l’utilisation réelle du service par les usagers.
  • La REOM peut comporter une part fixe « qui n’excède pas les coûts non proportionnels » (par exemple, frais de gestion, mise à disposition des bacs, amortissement du véhicule de collecte, frais de personnel).

 

Quelles différences entre Taxe et Redevance d’enlèvement des ordures ménagères?

A l’inverse de la TEOM, le recouvrement de la REOM n’est pas à la charge du Trésor public. La collectivité ayant institué la REOM doit alors supporter les contraintes de gestion liées à la perception de la REOM : création d’un fichier des redevables, envoie des factures, recouvrement de la redevance et impayés à supporter.

Dans le cas d’une TEOM, la collectivité paie des frais de gestion équivalant à 8% du montant total de la taxe perçue par la Trésorerie au titre des frais de recouvrement et de contentieux. Selon un rapport du ministère de l’écologie et du développement durable « Causes et effets du passage de la TEOM à la REOM » de 2005, il serait toutefois plus avantageux dans la plupart des cas d’avoir à couvrir les frais d’impayés de la REOM que de payer les frais de gestion de la TEOM. Les coûts de gestion seraient moins importants pour les collectivités ayant opté pour la REOM.

Par ailleurs, la REOM confère au service un caractère industriel et commercial qui impose l’établissement d’un budget annexe équilibré en recettes et en dépenses. Conformément aux règles applicables à un service public à caractère industriel et commercial (SPIC), la REOM doit couvrir intégralement le coût de ce service et toute contribution du budget général est en principe exclue (article L.2224-1 du CGCT). En revanche, le produit de la TEOM n’a pas être obligatoirement la stricte contrepartie des dépenses liées à la collecte et au traitement des ordures ménagères. Lorsque le produit de TEOM perçu par la collectivité compétente est plus important que les charges réelles liées au service des ordures ménagères, il peut faire l’objet d’un reversement au budget principal de la collectivité.

 

Le choix d’un mode de financement par le budget principal :

En 2012, seules 3% des communes ou EPCI finançaient la compétence ordures ménagères via leur budget principal (Rapport sur « le bilan et les perspectives d’évolution de la REOM et de la TEOM » du 29 janvier 2014 du Sénat).

La commune ou l’EPCI ne peut faire appel au budget principal que dans certaines situations :

  • Il n’y a pas de volonté de créer un financement spécifique au service de collecte et de traitement des ordures ménagères ; ce dernier est donc financé comme les autres services communaux ou intercommunaux par le budget principal.
  • Le produit de la REOM ne suffit pas à couvrir les dépenses liées au service. Il est possible alors dans certaines conditions prévues à l’article L2224-2 du CGCT de financer en partie le service via le budget principal.
  • Lorsqu’une TEOM est mise en place, il est toujours possible de faire appel au budget principal. En effet, si la TEOM ne couvre qu’une partie du coût de la collecte, la taxe peut se cumuler avec le recours au financement par le budget principal.

A la différence de la TEOM et de la REOM, ce mode de financement n’a aucun effet incitatif.

La Ministre de l’écologie a confirmé lors des assises nationales des déchets du 15 septembre 2011, que la réforme de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) sera présentée en loi de finances pour 2012. L’objectif sera d’introduire une part incitative sur le modèle de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM). Il semblerait que cette part soit facultative, c’est à dire que le choix serait laissé aux communes et EPCI d’introduire une part incitative dans la TEOM ou non.

Cette annonce va donc moins loin que ne le préconisait le rapport final, établi à l’occasion du Grenelle Environnement, du comité opérationnel n°22 sur la thématique “Déchets”, (téléchargez le rapport ici) qui avait proposé d’introduire une tarification incitative obligatoire. Il préconisait “une tarification incitative obligatoire s’appuyant sur une REOM ou une TEOM avec une part fixe et une part variable. La détermination de la part variable (pesée embarquée, nombre de sacs, taille du container, etc..) serait laissée au libre choix des collectivités, ce qui permettrait de faire payer plus ceux qui produisent plus de déchets tout en préservant l’équité grâce à la part fixe.