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Le principe de la taxe professionnelle unique (TPU) était la spécialisation fiscale (bien que l’on puisse s’en écarter avec la fiscalité mixte). Avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par un panel de nouveaux impôts (CFE, CVAE) ou de transferts d’autres impôts (IFER, TASCOM, part départementale de la taxe d’habitation,…), tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité professionnelle unique (FPU) ont de fait perdu cette spécialisation fiscale, notamment par le transfert de l’ex-part départementale de la taxe d’habitation.

Tous les EPCI à FPU votent donc des taux additionnels aux trois taxes ménages (avec la faculté de voter des taux nuls sur le foncier bâti si l’EPCI peut se le permettre et en fait le choix politique).Les attributions de compensation restent au coeur du système de la fiscalité professionnelle unique, et ont été actualisées afin de prendre en compte les nouvelles ressources de l’EPCI.

Toutefois, le législateur n’a pas encore pris la pleine mesure du changement intervenu pour les EPCI à FPU. Ceux-ci se tournent vers la mise en place d’une fiscalité additionnelle, faute de perspectives de croissances suffisantes sur les cotisations professionnelles (CFE, CVAE,…). Or si le principe de la neutralité budgétaire prévaut toujours avec le système de la fiscalité professionnelle unique, rien n’est prévu pour prendre en compte ces taux additionnels dans les attributions de compensation.

Ainsi, avec la réforme territoriale, les nombreux changements de périmètre font que des communes anciennement membres de communautés à fiscalité additionnelle ou de communauté à fiscalité professionnelle unique, mais ayant voté des taux additionnels aux taxes ménage (taxe d’habitation et taxes foncières) intègrent une communauté à fiscalité professionnelle unique.

La neutralité budgétaire des changements de périmètres est-elle assurée ?

Que se passe-t-il alors en matière de calcul des attributions de compensations ?

 

L’article 1609 nonies C du CGI ne prévoit pas l’intégration de la fiscalité additionnelle dans les attributions de compensation. Aussi, afin de maintenir la neutralité budgétaire du changement d’EPCI, la commune devrait reprendre les taux additionnels de son ancien EPCI, c’est à dire voter de nouveaux taux à due concurrence des anciens taux consolidés (communes + ancien EPCI). Mais, le nouvel EPCI à FPU a sa propre politique fiscale, et peut avoir voté des taux additionnels. Dans ce cas, la commune ne peut “récupérer” les anciens taux additionnels sans accroître la pression fiscale sur ses contribuables.

En outre, le nouvel EPCI enregistrerait un “gain” à l’intégration de nouvelles communes. Dans la rédaction actuelle de l’article 1609 nonies C du CGI, il doit reverser toutes les ressources fiscales professionnelles et l’ex-part TH du département, mais pas l’ancienne fiscalité additionnelle. Cette fiscalité additionnelle serait donc en l’état apporté par la commune entrante au bénéfice de tout l’ensemble intercommunal, et en premier lieu de l’EPCI. Ce n’est pas l’esprit de la fiscalité professionnelle unique qui est basée sur une évaluation précise du passé à la date de l’intégration, et une compensation “à l’euro près” des charges et recettes transférées. C’est la croissance future des charges et recettes qui est mutualisée, le “stock” reste à la charge des communes.

C’est pourquoi il est impératif que le nouvel EPCI reverse aux communes entrantes le produit de sa fiscalité additionnelle (hors l’ex-part TH du département qui est déjà prise en compte dans les attributions de compensations), afin d’assurer la neutralité budgétaire et fiscale du changement d’EPCI pour les contribuables, pour la commune et pour lui-même. La commune pourra alors “reprendre” le solde de l’ancienne fiscalité additionnelle.

Ceci passe par une fixation dérogatoire des attributions de compensations, et donc un vote à l’unanimité du conseil communautaire.

L’intégration d’une commune à un EPCI pratiquant une fiscalité additionnelle ou une fiscalité mixte (une fiscalité professionnelle unique, FPU, accompagnée de taux additionnels sur les taxes ménages), qui est maintenant le lot de tous les EPCI à FPU, soulevait une difficulté importante. Alors que le législateur avait prévu dès le début une harmonisation progressive du taux de la cotisation foncière des entreprises (et de l’ex-TP), afin de lisser dans le temps les variations de cotisations des contribuables, aucune mesure similaire n’était prévue pour les taux additionnels aux trois taxes ménages (la taxe d’habitation et les deux taxes foncières). La fusion devenait politiquement délicate si les écarts de taux additionnels étaient importants.

L’article 99 de la loi de finances pour 2012 a ouvert cette possibilité : en cas de fusion d’EPCI ou d’intégration d’une commune à un EPCI, ce dernier a la possibilité de mettre en place une harmonisation progressive des taux additionnels aux taxes ménages, à l’image de ce qui se fait pour la cotisation foncière des entreprises (CFE).

La procédure est différente suivant le cas de figure :

•    En cas de fusion d’EPCI quelques soient leurs régimes (article 1638-0 bis CGI) : pour pouvoir utiliser cette disposition, l’écart entre le taux additionnel le plus faible des EPCI préexistant et le taux le plus fort de chaque taxe doit être strictement supérieur à 20% (autrement dit le taux le plus faible doit représenter moins de 80% du taux le plus fort). D’autre part, les taux d’abattement à la taxe d’habitation doivent être homogénéisés avant la procédure d’harmonisation.
La durée est non modifiable et fixée à 12 années. Les écarts de taux sont réduits chaque année d’un treizième. Cette décision est soumise soit à délibérations concordantes des EPCI préexistants, soit à une délibération prise par le nouvel EPCI issu de la fusion.

•    En cas de rattachements de communes à un EPCI (article 1638 quater CGI) : cette réduction progressive des écarts de taux n’est possible que si le taux additionnel du nouvel EPCI représente strictement plus de 10% des taux communaux de l’année précédente.
L’EPCI et la commune doivent convenir par délibérations concordantes de la durée d’harmonisation de chaque taux. Celle-ci ne peut dépasser 12 années, elle peut donc être inférieure à 12 années. La réduction des écarts de taux est progressive par fractions égales sur la durée choisie.

Notons que l’harmonisation progressive devra être étudiée taxe par taxe. En effet, les conditions d’écart de taux d’imposition permettant d’appliquer cette nouvelle disposition portent sur chaque taux additionnel aux taxes ménages. Il sera donc possible d’appliquer une harmonisation progressive sur une seule taxe, quand bien même l’ensemble des taxes respectent le critère d’écart prévu par la loi.