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La suppression de la taxe d’habitation va conduire inexorablement à réduire l’autonomie fiscale des intercommunalités et des départements, qui recevront en compensation une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée. Les communes, a contrario, ne seront pas impactées puisqu’elles bénéficieront de l’ex foncier bâti départemental, et donc d’un pouvoir de taux conservé.

Pour autant, l’autonomie fiscale n’est pas un principe constitutionnel, et les interventions du Président et des ministres, le rappellent bien. Au contraire, comme le soulignait le rapport de la mission flash sur l’autonomie financière de septembre 2018(1), la réforme constitutionnelle de 2003 qui a entériné le principe d’autonomie financière “avait clairement exclu, en rejetant les amendements présentés en ce sens, de reconnaître aux collectivités une autonomie fiscale : lorsqu’elles ont la faculté de fixer le taux ou ll’assiette d’un impôt, ce n’est que parce que le législateur a bien voulu la leur déléguer explicitement, mais pas parce qu’elles disposeraient d’une autonomie fiscale, comme l’a par la suite jugé le conseil constitutionnel” (2).

L’autonomie financière repose sur une définition imprécise et assez large des ressources propres des collectivités territoriales :

  1. Les ressources dont le pouvoir local bénéficie et dont la loi les autorise à fixer le taux et l’assiette. Il s’agit des produits fiscaux, mais aussi des redevances (dont les redevances de service public).
  2. Le produit des impositions de toute nature dont la loi détermine par collectivité le taux ou une part locale d’assiette : la fraction de TVA en fait partie, tout comme les compensations fiscales.

L’autonomie fiscale n’est pas un principe constitutionnel

La notion d’autonomie financière est donc assez relative de l’autonomie financière (budgétaire) des collectivités territoriales. Quelle est l’autonomie lorsque les collectivités reçoivent un produit dont elles ne décident ni du taux ni de l’assiette ? Elles ne peuvent alors qu’en constater le produit.

Par ailleurs, le ratio d’autonomie financière est assez sensible aux évolutions des autres recettes : ainsi, lorsque la DGF diminue, comme récemment avec la contribution au redressement des finances publiques, le dénominateur diminue et le ratio augmente ! Pour autant, on ne peut considérer que l’autonomie financière des collectivités a bénéficié de la réduction de la DGF…

Le Président Macron à l’AMF, le Ministre Dussopt à l’Adcf ont rappelé leur opposition à l’autonomie fiscale et l’absence de principe constitutionnel. Les communes conservent une autonomie fiscale du fait de leur clause de compétence générale. Pour les autres échelons, c’est la ressource transférée qui doit être suffisamment évolutive pour financer la compétence.

Les intercommunalités à fiscalité professionnelle unique, qui exercent des compétences financées avec des retenues sur attributions de compensation figée apprécieront.

(1) Rapport de septembre 2018 de la Mission flash sur la réforme des institutions, intitulé “Expérimentation et différenciation territoriale : Autonomie financières des collectivités territoriales”

(2) Décision 2009-599 DC du 29/12/2009

En application de la loi du 29/07/2004, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport sur l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Pour mémoire, le ratio d’autonomie financière est égal au rapport entre :

1- Les ressources propres, qui sont constituées par :

  • Le produit des impositions de toutes natures dont la loi autorise les collectivités territoriales à fixer, le taux, le tarif ou l’assiette, ou dont elle détermine par niveau de collectivités, le taux ou une part locale d’assiette,
  • Les redevances pour services rendus,
  • Les produits du domaine,
  • Les participations d’urbanisme,
  • Les produits financiers et
  • Les  dons et legs.

2- L’ensemble des ressources : elles sont constituées des ressources propres augmentées des dotations (DGF, DGE, FCTVA,…), des participations, des compensations, et des opérations réalisées pour le compte de tiers (travaux, opérations sous mandat). Les emprunts sont exclus de l’ensemble des ressources dans la mesure où ils font l’objet d’un remboursement à terme, et ne constituent donc pas des ressources durables.

 

Le rapport présente l’évolution du ratio pour l’ensemble des collectivités entre 2003 et 2010. Le ratio augmente sensiblement en 2010 pour les communes et EPCI et les départements ce qui semble étonnant, puisque l’année 2010 est aussi celle de la suppression de la taxe professionnelle.

Pour les régions, le ratio retrouve son niveau de 2008.

 

[moitie]Ratio d

Ratio d’autonomie financière des collectivités 2003 2009

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Ratio d

Ratio d’autonomie financière des collectivités 2010

[/moitie_fin]

Pour les communes et EPCI, cette forte évolution du ratio est due à la croissance de 5,1% des impositions de toutes natures, de 5,7% des produits domaniaux, ainsi qu’au dénominateur, à la baisse des autres ressources, principalement causée par la baisse du FCTVA (le FCTVA 2009 correspondait au versement de 2 années au titre du plan de relance).

Pour les départements, la forte croissance des droits de mutation à titre onéreux (DMTO, +35,4%, +1,9 milliard d’euros), et la diminution du FCTVA sont les principaux facteurs expliquant la hausse du ratio.

 

Ainsi, la forte progression du ratio en 2010 est à la fois expliqué par la forte croissance des ressources propres des collectivités, et la diminution du FCTVA. Pour cette dernière, il s’agit d’un effet ponctuel lié à la politique de relance du Gouvernement en 2009. Le versement en 2009 d’un “double” FCTVA dans le cadre du plan de relance, a mécaniquement augmenté les “autres ressources” prises en compte au dénominateur. Dès lors, ce double FCTVA a pesé de manière négative sur le ratio d’autonomie financière. L’arrêt du double versement en 2010 a l’effet inverse.

 

Elément crucial, le rapport précise que la compensation relais a été prise en compte comme une ressource propre dans les calculs des ratios d’autonomie financière. Dans ces conditions, on comprend mieux la progression du ratio en 2010.

Quelle est la pertinence du ratio d’autonomie financière si des dotations de compensations figées sont prises en compte dans les ressources propres des collectivités ? Pourquoi dans ce cas ne pas inclure les compensations fiscales dans les ressources propres ?