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La réforme de la dotation d’intercommunalité (lire les articles explicatifs ici et ) modifie le principe de majoration de dotations en fonction de l’intégration des intercommunalités. Ce principe conduisait à majorer la dotation d’intercommunalité selon les catégories d’EPCI, de communautés de communes à fiscalité additionnelle à communauté urbaine.

La réforme de la dotation d’intercommunalité supprime les distinctions de dotations liées aux catégorie : Ainsi, il n’existe plus de gains de DGF lié au changement de catégorie, qui pouvait motiver ou encourager à changer de catégorie.

Mais la question est posée : reste-il un intérêt pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle à passer en fiscalité professionnelle unique ?

Le fait n’est tout de même pas complètement nouveau : cela faisait deux ans, que les gains de DGF liés aux passage en fiscalité professionnelle unique des communautés de communes avaient été sérieusement réduits.

Si l’on regarde la dotation d’intercommunalité, il n’y en a plus, hormis la comparaison de ses critères (potentiel fiscal et revenu) à la moyenne des communautés de sa catégorie.

En réalité, l’intérêt de la fiscalité professionnelle unique est double :

  • Favoriser le développement de l’intercommunalité et de services sur le territoire, en affectant à l’échelon intercommunal la croissance future des ressources fiscales sur les professionnels ;
  • Faciliter les transferts de compétences.

Le second point est particulièrement vrai pour des compétences “lourdes”, c’est à dire dont les charges transférées sont importantes. En effet, en fiscalité additionnelle, chaque commune qui transfère une compétence et des charges, se défait purement et simplement des dépenses correspondantes, et les économise. La Communauté de Communes à fiscalité additionnelle devra les financer par la fiscalité, c’est à dire par l’augmentation de ses taux d’imposition, sur l’ensemble du territoire. Ceci peut poser assez rapidement des difficultés politiques et fiscales : si ce système est finalement abouti en matière de mutualisation fiscale, il conduit à une inflation fiscale, car d’une part les taux augmentent y compris sur les communes qui n’ont rien transféré (et qui ne pourront donc pas diminuer leurs taux en compensation), et d’autre part, les diminutions de taux des communes qui transfèrent sont rarement effectués à due concurrence.

La fiscalité professionnelle unique, en opérant des retenues sur les budgets des communes à hauteur de la charge transférée, évite cette problématique : l’EPCI, en récupérant une compétence, aura les ressources nécessaires pour financer la compétence à service équivalent sans avoir besoin d’augmenter les taux d’imposition, les contribuables auront une cotisation inchangée, et aucune commune ne fait d’ “économies” du seul fait du transfert.

En matière de financement de compétences transférées, l’intercommunalité est caractérisée par l’existence de deux régimes fiscaux foncièrement différents, la fiscalité additionnelle et la fiscalité professionnelle unique.

Harmoniser le financement des compétences transférées - EXFILO

Harmoniser le financement des compétences transférées – EXFILO

La fusion d’EPCI à fiscalité propre (communauté de communes, d’agglomération, urbaine, syndicats à contribution fiscalisée) provoque un effet qui est méconnu, sur les dotations de péréquation communales : dotation de solidarité urbaine (DSU), dotation de solidarité rurale (DSR) et dotation nationale de péréquation (DNP). Cet effet peut être décuplé si la fusion se conjugue à un passage à la fiscalité

En effet, les critères d’éligibilité et de répartition de ces dotations, le potentiel fiscal et financier, l’effort fiscal, sont calculés en fonction des taux et bases de la commune, mais aussi de son EPCI. En outre, le potentiel fiscal et financier est aussi calculé différemment suivant le régime fiscal de l’EPCI.

[citation alignement=”left”]Passage en FPU, unification des taux additionnels, nouveau périmètre de l’EPCI, autant de facteurs qui jouent sur le potentiel fiscal et financier des communes[/citation]
Dès lors, qui dit changement d’EPCI, de périmètre de l’EPCI, fusion d’EPCI, changement de régime fiscal, dit variations des dotations communales (à la hausse ou à la baisse).

 

 

Quatre cas peuvent se produire :

1/ La commune était auparavant à fiscalité additionnelle et le nouvel EPCI issu de la fusion est à fiscalité additionnelle. Ce cas est le plus simple.

  • Ici, le potentiel fiscal et financier tient compte des produits communaux et intercommunaux “territorialisés”, c’est à dire localisés sur le territoire de la commune. Il n’y aura donc pas d’effets avant / après la fusion, la commune ayant les mêmes produits territorialisés.
  • L’effort fiscal est calculé à partir des taux communaux et des taux intercommunaux. L’unification des taux additionnels conduira mécaniquement à une modification de l’effort fiscal des communes. Ceci restera sans impact sur les dotations communales si l’effort fiscal est supérieur à 1,2 (l’effort fiscal pris en compte dans le calcul des dotations est plafonné à 1,2). Par contre, les communes qui ont un effort fiscal proche de la moyenne ou proche du seuil de 85% de la moyenne risquent de perdre l’éligibilité à la dotation nationale de péréquation si elles en bénéficiaient.

2/ La commune était à fiscalité additionnelle et le nouvel EPCIissu de la fusion est à fiscalité professionnelle unique. Ce cas est celui qui génèrera le plus d’impact sur les dotations communales.

  • Le potentiel fiscal et financier ne se calcule pas de la même manière suivant que l’EPCI est à fiscalité professionnelle unique (FPU) ou à fiscalité additionnelle (FA). En effet, dans le cas de la FA, les produits intercommunaux sont territorialisés alors qu‘en FPU, les produits intercommunaux sont répartis entre les communes au prorata de la population. Ainsi, une commune à fortes bases mais faible population va bénéficier avec le passage en FPU d’une baisse de son potentiel fiscal et financier, et donc une hausse de ses dotations de péréquation. A contrario, les autres communes de son groupement risquent de récupérer dans leur potentiel fiscal et financier les bases de la première commune. Le passage en FPU conduit à une nouvelle répartition de la richesse fiscale, non plus en fonction de la localisation de cette richesse, mais en fonction de la population.
  • L’effort fiscal sera lui aussi impacté par l’unification des taux additionnels, de la même manière que pour la fiscalité additionnelle.

3/ La commune était auparavant en fiscalité professionnelle unique et le nouvel EPCI issu de la fusion est en fiscalité additionnelle.Ce cas devrait être peu fréquent.

  • Le potentiel fiscal et financier de la commune passerait d’une richesse intercommunale répartie à la population à une richesse intercommunalité localisée sur son territoire.
  • Effort fiscal : impact de l’unification des taux additionnels.

4/ La commune était auparavant en fiscalité professionnelle unique et le nouvel EPCI issu de la fusion est en fiscalité professionnelle unique

  • Le potentiel fiscal et financier de la commune sera impacté, non par le changement de calcul, mais par le changement de périmètre de l’EPCI. En effet, le poids de la commune dans la population intercommunale va varier, de même que la richesse fiscale intercommunal à répartir entre les communes membres.
  • L’effort fiscal sera impacté par l’unification des taux additionnels.

Ces impacts de la fusion ne seront pas immédiatement visible. En effet, les critères et les dotations DGF sont calculés à partir de données de l’année précédente (le potentiel fiscal est calculé à partir des bases brutes N-1). Quelles conséquences ?

Prenons le cas d’une commune qui était membre en 2013 en fiscalité additionnelle, et qui rejoint (par fusion, adhésion) un EPCI à FPU en 2014

2014 : le potentiel fiscal et financier de la commune continuera à être calculé selon les principes applicables à la fiscalité additionnelle ! Pas de changement. La richesse intercommunale est donc territorialisée.

2015 : Prise en compte du passage en fiscalité professionnelle unique. Le potentiel fiscal et financier de la commune est pour la première fois calculé selon le principes de la FPU, c’est à dire une richesse intercommunale répartie à la population !

 

Ces effets à retardement de la fusion des EPCI pourront utilement être pris en compte dans le cadre d’un pacte financier et fiscal, afin que la solidarité du territoire joue en faveur des communes qui perdraient l’éligibilité à une dotation du fait de la fusion. Vous pouvez sortir vos calculettes.

Le projet de loi de finances pour 2014, présenté le 25 septembre 2013 en Conseil des Ministres, fixe le montant de la dotation globale de fonctionnement pour 2014 à 40,1 Mds€, soit une réduction de 1,5 Mds€ par rapport à 2013 au titre du partage de l’effort de redressement des comptes de l’Etat.

L’article 72 du projet de loi de finances pour 2014 répartit la diminution de ces 1,5 Mds€ entre les différents échelons de collectivités : communes, intercommunalité, départements et régions.

[citation alignement=”left”]La baisse de la DGF sera répartie au prorata des recettes de fonctionnement [/citation]La DGF des communes diminuera ainsi de 588 millions €, soit 39% du total, et 70% de la baisse affectée au “bloc local” (communes et communautés). Cette baisse s’appliquera sur la dotation forfaitaire, et le cas échéant pour le solde, sur les compensations fiscales, ou à défaut sur ses douzièmes mensuels. Le législateur a probablement voulu “préserver” la dotation d’intercommunalité, qui elle ne progressera pas en 2014, contrairement aux dotations de péréquation des communes (dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale, dotation nationale de péréquation).

La baisse sera répartie au prorata des recettes réelles de fonctionnement de chaque commune dans le total. Il s’agira probablement des recettes réelles de fonctionnement figurant au compte administratif 2012.

Il est donc possible d’estimer le prélèvement de chaque commune sur sa dotation forfaitaire : le montant total des recettes de fonctionnement des communes s’élevait en 2011 à 77 milliards € (2012 n’est pas encore connu).

Ainsi, une règle de trois permet de calculer que la dotation forfaitaire de chaque commune sera amputée de 0,76€ (soixante-seize centimes) pour chaque 100€ (cent euros) de recettes réelles de fonctionnement (0,588Mds/77Mds). Pour une commune dont le montant total des recettes réelles de fonctionnement 2012 s’élève à 1M€, le prélèvement approximatif de dotation forfaitaire sera de 1M€/100 x 0,76 = 7 600€.

 

La DGF des EPCI diminuera elle de 252 millions€, soit 16,8% du total de la baisse, et 30% de la baisse affectée au “bloc local”. Elle portera sur la dotation d’intercommunalité, et le cas échéant pour le solde, sur les compensations de fiscalité locale, ou à défaut sur ses douzièmes mensuels. La réforme territoriale débouchant au 1er janvier 2014 sur de nombreuses fusions, créations, dissolution et changement de régime fiscal d’EPCI, il n’est pas possible pour l’instant de connaître le montant total des recettes réelles de fonctionnement des EPCI.

 

Par contre, nous pouvons remarquer que ce système de répartition de la baisse de DGF désavantage les EPCI et les communes à fiscalité professionnelle unique. En effet, les EPCI à fiscalité professionnelle unique ont mécaniquement de plus fortes recettes réelles de fonctionnement que les EPCI à fiscalité additionnelle, puisqu’ils reçoivent la totalité de la fiscalité professionnelle sur leur territoire. Cependant, ils ne la conservent pas et la reversent aux communes au travers des attributions de compensation. Les recettes réelles de fonctionnement d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique sont donc artificiellement gonflées. En outre, en prenant en compte les recettes réelles de fonctionnement, le législateur prend en compte les attributions de compensation reçues par l’EPCI (cas des AC dites « négatives » qui constituent une dépense pour la commune et une recette pour son EPCI), mais pas les attributions de compensation versées par l’EPCI à ses communes. [citation alignement=”left”]Les attributions de compensation, qui viennent d’une seule et même recette fiscale, la FPU, sont comptées 2 fois[/citation]

De même pour les communes en fiscalité professionnelle unique. L’attribution de compensation peut constituer soit une recette, soit une dépense. Dans ce dernier cas, les recettes réelles de fonctionnement de la commune sont artificiellement gonflées puisqu’elle en reverse une partie (les AC) à son EPCI.

 

Quel problème cela pose-t-il ? Pour les communes et les EPCI en fiscalité professionnelle unique, les attributions de compensation, une des recettes réelles de fonctionnement, sont prises en compte 2 fois ! Une fois pour l’EPCI à FPU et une fois pour la commune membre. Pourtant, il ne s’agit que d’un transfert d’une collectivité à une autre (à un établissement pour être précis) d’une seule et même recette fiscale (la FPU qui finance les attributions de compensation).

Prenons l’exemple d’une commune A dont les recettes sont de 1000 et qui reçoit de son EPCI B une AC de 100. Le montant total de ses recettes réelles de fonctionnement est de 1100. Ceci comprend bien les attributions de compensation reçue de l’EPCI B.

Son EPCI B lui, aura des recettes de 10 000, et versera une attribution de compensation de 100. Ses recettes réelles de fonctionnement seront de 10 000. Dès lors, pour le calcul de la baisse de la DGF à répartir entre EPCI, la DGCL affectera une baisse de la DGF de l’EPCI B en fonction de ses 10 000 de recettes réelles de fonctionnement. Or ceci comprend les recettes qu’il reçoit mais reverse à sa commune membre A. Et qui sont déjà comptabilisées dans les recettes réelles de fonctionnement de la commune A.

Ainsi, dans cet exemple, les attributions de compensation, c’est à dire la même et unique recette fiscale, sera comptabilisée 2 fois (une fois chez la commune qui la reçoit, et une fois chez l’EPCI qui perçoit la recette qu’il reverse).

La FPU pénalisée par le projet de loi de finances pour 2014 - EXFILO

La FPU pénalisée par le projet de loi de finances pour 2014 – EXFILO

Un système plus juste eut été de répartir en fonction du solde recettes réelles de fonctionnement – attributions de compensation versées. En effet, puisque l’on tient compte des attributions de compensation reçues, pourquoi ne pas tenir compte des attributions de compensation versées ?

Ainsi, à situation identique, la baisse de la DGF des communes et communautés, répartie en fonction au prorata des recettes réelles de fonctionnement, affectera plus fortement les communes et communautés en fiscalité professionnelle unique que celles et ceux en fiscalité additionnelle.

D’autre part, le transfert de compétence d’une commune vers son EPCI aura dorénavant un double effet : amélioration du coefficient d’intégration fiscale de la Communauté, et moindre prélèvement sur la DGF du bloc local (puisque l’AC va diminuer).

 

[boite_telechargement]Projet de loi de finances pour 2014 du 25 septembre 2013[/boite_telechargement]

La question des modalités de calcul des attributions de compensation d’une commune qui était en fiscalité professionnelle unique (FPU) et qui change d’intercommunalité pour rejoindre un autre EPCI à FPU nous est régulièrement posée.
Si le législateur a clairement définit les modalités de calcul des attributions de compensation lors de l’institution du régime de la fiscalité professionnelle unique (à l’occasion d’une création ou fusion d’EPCI ou d’un changement de régime fiscal), il reste évasif sur le cas des adhésions de communes qui étaient déjà membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique.
Lorsque les deux EPCI n’ont pas le même périmètre de compétences, quel coût net des compétences transférées voire restituées peut ou doit être évalué et imputé sur les attributions de compensation ?
Nous analyserons d’abord les textes et la jurisprudence des attributions de compensation. Ces éléments permettront de répondre aux interrogations sur les modalités d’évaluation des transferts de compétences.

 

I. LA NEUTRALITE BUDGETAIRE

Le principe sous-jacent à la fiscalité professionnelle unique (ex-taxe professionnelle unique) est celui de la neutralité budgétaire du changement de régime fiscal la première année d’application. Ceci signifie qu’une commune ou son EPCI ne doit être ni perdant ni gagnant la première année d’application.
L’attribution de compensation, qui est au cœur de ce système, permet de garantir :

  • aux communes membres qu’elles auront les moyens suffisants pour continuer à financer les charges issues des compétences qu’elles ont conservées,
  • à l’EPCI à fiscalité professionnelle unique qu’il a les ressources nécessaires pour financer les charges liées aux compétences transférées par les communes.

Par la suite, à l’occasion de chaque modification du périmètre des compétences exercées par l’EPCI, le même souci de neutralité budgétaire doit prévaloir, afin que les communes aient les mêmes ressources qu’auparavant pour financer les compétences qu’elles ont conservées.

 

2. L’ARTICLE 1609 NONIES C ET LE DEVENIR DES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION EN CAS DE CHANGEMENT D’EPCI

Les modalités de calcul des attributions de compensation ainsi que du coût net des compétences transférées sont décrites respectivement au V et au IV de l’article 1609 nonies C du code général des impôts.

[citation alignement=”left”] La fiscalité dans les attributions de compensation est garantie, elle n’est pas réévaluée[/citation]
L’attribution de compensation (AC) est égale à la différence entre les produits fiscaux transférées et les charges (des compétences, nettes des recettes propres à ces compétences) transférées. Pour des raisons pratiques, nous distinguerons les « attributions de compensations fiscales », qui correspondent à la contrepartie des ressources transférées, des « attributions de compensation charges » qui correspondent à l’évaluation du coût net des compétences transférées.

AC = AC fiscales – AC Charges

Jusqu’à la loi de finances rectificative pour 2012, le législateur n’avait pas déterminé de manière explicite le devenir des attributions de compensation en cas de changement d’EPCI. Mais la rédaction et les conditions de révision prévues à l’article 1609 nonies C nous permettent de déduire le champ des possibles.

 

2.1. LES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATIONS « FISCALES »

CGI, Article 1609 nonies C, V-2° :
« L’attribution de compensation est égale à la somme des produits mentionnés aux I et I bis et du produit de la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, perçus par la commune l’année précédant celle de la première application du présent article, diminuée du coût net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV. »

Il est clairement précisé que les produits fiscaux évalués dans les attributions de compensation sont égaux à ceux perçus par la commune l’année précédant celle de la première application du présent article, autrement dit du passage en fiscalité professionnelle unique de chacune des 4 communes concernées.
Dès lors, à l’occasion de l’adhésion de communes qui étaient antérieurement membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique, il n’est pas possible d’actualiser les ressources fiscales qui sont apportées par les communes entrantes l’année précédant celle de leur adhésion. Les AC fiscales sont donc indépendantes de l’EPCI d’appartenance des communes et leur sont « garanties », quand bien même l’EPCI auquel elles appartiennent aurait changé.

En réponse à une question posée par M. Auban, Sénateur, le Ministère de l’Intérieur est venu préciser la doctrine administrative sur ce sujet. Le sénateur a posé la question de savoir sur quelle base calculer les attributions de compensation.

Réponse du Ministère de l’Intérieur
« Aux termes de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) soumis au régime fiscal de la taxe professionnelle unique versent à leurs communes membres une attribution de compensation. Celle-ci a pour objet d’assurer la neutralité budgétaire pour les communes membres la première année d’application de ce régime fiscal afin qu’elles puissent continuer à assumer la charge des compétences qu’elles conservent. Elle est calculée par référence au produit de taxe professionnelle perçu par chaque commune l’année précédant l’institution du taux de taxe professionnelle communautaire sur son territoire. La circonstance que l’EPCI auquel appartiennent les communes a changé est indifférente de ce point de vue. En effet, l’attribution de compensation que les communes ont reçue jusqu’à l’adhésion au nouvel EPCI a d’ores et déjà permis à ces communes de financer les charges qu’elles conservaient. Le montant de l’attribution de compensation que doit verser l’EPCI dont les communes sont désormais membres doit donc être déterminé par rapport au dernier montant d’attribution de compensation reçu de l’ancien EPCI. Ce montant est ensuite corrigé le cas échéant selon les compétences respectives exercées par les deux EPCI. […]»

Cette doctrine prévoit que lorsqu’une commune quitte un EPCI à fiscalité professionnelle unique pour rejoindre un autre EPCI ayant le même régime fiscal, l’EPCI d’accueil lui verse le même montant d’attributions de compensation, corrigé le cas échéant selon les compétences respectives exercées par les deux EPCI.

 

2.2. LES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION « CHARGES » : LA REDACTION AVANT LA LFR 2012

L’attribution de compensation doit être « diminuée du coût net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV ».
Le dernier alinéa du 2° du V de l’article 1609 nonies C du CGI précise en outre que « l’attribution de compensation est recalculée, dans les conditions prévues au IV, lors de chaque transfert de charge. ». Il ressort de cet alinéa qu’à chaque transfert de charges, c’est-à-dire à chaque extension du périmètre des compétences exercées par l’EPCI , l’attribution de compensation doit être recalculée.

La question qui se pose alors est la suivante : Le retrait d’une commune d’un EPCI pour adhérer à un autre EPCI est-il constitutif d’un transfert de compétences ?

Si la rédaction au 31 décembre 2012 de l’article 1609 nonies du code général des impôts laisse place à l’interprétation, la pratique et la doctrine administrative conduisent à répondre par la négative.
En effet, dans sa réponse à une question parlementaire de 2003 précitée, le Ministère de l’Intérieur indique que « le montant de l’attribution de compensation que doit verser l’EPCI dont les communes sont désormais membres doit donc être déterminé par rapport au dernier montant d’attribution de compensation reçu de l’ancien EPCI. Ce montant est ensuite corrigé le cas échéant selon les compétences respectives exercées par les deux EPCI. ».

[citation alignement=”right”]Il faut recalculer la partie Transferts de charges des attributions de compensation si les compétences sont différentes[/citation]
Cette réponse implique que si les compétences de deux EPCI sont strictement identiques, alors il n’y a pas lieu à corriger le montant des attributions de compensation. Par conséquent, lorsque les compétences de l’EPCI d’origine et de l’EPCI de destination sont identiques, la commune continuera à recevoir le même montant d’attributions de compensation. Les évaluations des transferts de charges menées par l’EPCI d’origine sont alors reprises par l’EPCI de destination.
Par un arrêt du 7 juillet 2011 , la cour administrative d’appel de Marseille a jugé, à cet égard, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à un recalcul complet des attributions de compensation lorsqu’une commune membre d’un EPCI à FPU se retire pour rejoindre un autre EPCI à FPU, dès lors que les charges transférées et les échanges de fiscalité ont été exactement calculés lors du passage au régime de fiscalité professionnelle unique.

3. L’INTERET COMMUNAUTAIRE

Ainsi, à compétences équivalentes, les attributions de compensation versées par l’EPCI d’origine doivent être maintenues par l’EPCI de destination.

La loi laisse une grande liberté quant à la définition des compétences transférées. Ainsi, l’article L.5214-16 se borne à énumérer des groupes de compétences (pour les communautés de communes), dont le contenu est librement déterminé par les communes.
Ainsi, même si deux communautés exercent les mêmes compétences ou groupes de compétences, la définition de l’intérêt communautaire, qui précise la frontière entre actions communales et actions intercommunales au sein d’une compétence, n’est pas forcément identique. Dès lors, l’exercice de la compétence est différent, et l’évaluation des compétences transférées qui a été menée par chacune des deux communautés ne couvre pas dans notre exemple le même périmètre, quand bien même les deux communautés exerceraient la même compétence.

A titre d’exemple, prenons le cas de la compétence Voirie. Prenons l’hypothèse que la communauté A est compétente sur l’intégralité de la voirie communale, et que la communauté B est compétente uniquement pour les voies communales hors centre-bourg. Dès lors, l’évaluation des charges transférées qui aura été menée par leur CLECT respectives ne couvre pas le même périmètre. Si des communes de la communauté B rejoignaient la communauté A, il conviendrait de procéder à une nouvelle évaluation de la compétence Voirie, car il y aurait bien un nouveau transfert de compétence : les voies communales du centre bourg devraient être transférées à la Communauté A alors qu’elles étaient de compétences communales. Par contre, il ne s’agirait pas de procéder à l’évaluation de la totalité de la compétence Voirie, mais seulement de la partie de la compétence Voirie qui était resté de compétence communale (ici les voies centre-bourg).

Ainsi, pour savoir s’il y a lieu de procéder à des évaluations, il faut nécessairement comparer les intérêts communautaires des compétences intercommunales dans les 2 EPCI (celui d’origine et celui de destination des communes). Les différences doivent donner lieu à restitution de compétences ou à un nouveau transfert, et dans ces deux cas, à de nouvelles évaluation.

Il ressort donc que l’équation de calcul des retenues sur attributions de compensation au titre de charges transférées est, pour chacune des 4 communes concernées, la suivante :
AC Charges Nouvel EPCI = AC Charges Ancien EPCI
– Evaluation du coût net transféré des compétences exercées par l’ancien EPCI mais non exercées par le nouvel EPCI (et donc restituées aux communes)
+ Evaluation du coût net transférés des compétences non exercées par l’ancien EPCI mais exercées par le nouvel EPCI (il s’agit alors d’un nouveau transfert)

L’exercice de chaque compétence dépend de la définition de l’intérêt communautaire.

 

4. LES COMPLEMENTS AU V DE L’ARTICLE 1609 NONIES APPORTES PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2012

La réforme territoriale et les nombreuses fusions, transformations d’EPCI, ainsi que retrait ou adhésion de communes, ont mis en exergue l’absence de clarté de l’article 1609 nonies C du CGI. La loi de finances rectificative pour 2012 est venue pallier à ce manque (article 40), dans le cas des fusions d’EPCI, ainsi que dans le cas des adhésions de communes à un EPCI à fiscalité professionnelle unique.

Nouvelle rédaction de l’article 1609 nonies C du CGI, V-5°-B :

« Lorsque, dans le cadre d’une modification de périmètre, de l’adhésion individuelle d’une commune ou d’une transformation dans les conditions prévues aux articles L. 5211‑41‑1 et L. 5214‑26 du même code, un établissement public de coopération intercommunale est soumis au régime prévu au présent article et qu’il est fait application des dispositions de l’article 1638 quater du présent code [Modalités d’harmonisation des taux en cas de rattachement d’une commune à un EPCI à FPU], l’attribution de compensation versée ou perçue à compter de l’année où les opérations précitées ont produit pour la première fois leurs effets au plan fiscal est égale à :
a. pour les communes qui étaient antérieurement membres d’un établissement public de coopération intercommunale soumis au présent article : à l’attribution de compensation que versait ou percevait cet établissement public de coopération intercommunale l’année précédant celle où les opérations précitées ont produit pour la première fois leurs effets au plan fiscal, sous réserve des dispositions de l’avant-dernier alinéa du 2° du présent V. Il peut être dérogé aux dispositions du présent a., uniquement la première année d’existence du nouvel établissement public de coopération intercommunale, en cas de révision librement décidée par délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée prévue au premier alinéa du II de l’article L. 5211‑5 du code général des collectivités territoriales. Cette révision ne peut pas avoir pour effet de minorer ou de majorer l’attribution de compensation de plus de 5 % de son montant.
b. pour les communes qui étaient antérieurement membres d’un établissement public de coopération intercommunale ne faisant pas application des dispositions du présent article : au montant calculé conformément au 2°.
Lorsque l’adhésion d’une commune s’accompagne d’un transfert ou d’une restitution de compétences, cette attribution de compensation est respectivement diminuée ou majorée du montant net des charges transférées calculé dans les conditions définies au IV. »

Cette nouvelle rédaction en vigueur au 1er janvier 2013, transpose dans la loi l’ancienne doctrine administrative.

L’évaluation des transferts de charges s’inscrit dans la logique fondamentale du régime de la fiscalité professionnelle unique. De l’évaluation dépend en effet la détermination de l’attribution de compensation versée aux communes. Le respect des principes de neutralisation financière des transferts dépend donc également de la procédure d’évaluation mise en œuvre.

A la création d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) faisant application de la fiscalité professionnelle unique, les communes ont transféré à la communauté une partie de leurs ressources fiscales, ainsi que certaines dépenses. En contrepartie, la communauté reverse à ces communes une attribution de compensation égale au solde recettes – dépenses transférées.

Attribution de compensation  =  Produits fiscaux transférés – Coût net des charges transférées

Les communes continuent donc de financer indirectement les charges qu’elles ont transférées, mais à leurs valeurs « historiques ». L’augmentation du produit de fiscalité professionnelle après la date du transfert doit ainsi permettre de financer l’accroissement des charges transférées et les charges nouvelles.

L’enjeu financier de l’évaluation des transferts de charges est de donner les moyens au groupement d’assumer les compétences qui sont les siennes au regard des conditions dans lesquelles elles étaient antérieurement assumées dans les communes. D’une évaluation « juste » dépendent les équilibres financiers futurs de la communauté et des communes membres.

Le principal risque réside dans le danger de la sous-évaluation des transferts de charges. En cas de sous-évaluation, la communauté ne dispose pas des moyens de financer intégralement les charges qui lui sont transférées via la réduction de l’attribution de compensation. Cette réduction est en effet trop faible et les attributions de compensation versées aux communes sont trop élevées. Dans ce cas, la communauté devra trouver un moyen d’équilibrer son budget.

Ce rééquilibrage peut s’opérer de deux manières :

  • Par la réduction des charges : c’est alors la dotation de solidarité communautaire (DSC) ou les fonds de concours, ou toute autre variable qui joue le rôle de variable d’ajustement ;
  • Par l’augmentation des ressources : dans le respect des règles de liaison des taux, la communauté devra augmenter le taux de CFE et/ou instituer une fiscalité mixte. Dans ce cas, la DSC n’est pas réduite et la sous-évaluation des transferts permet aux budgets communaux de financer de nouvelles charges. Sur le plan de la pression fiscale, la situation est donc « inflationniste ».

A l’inverse, en cas de surévaluation, les budgets communaux sont déséquilibrés : le montant de la retenue sur attributions de compensation (perte de recette pour les AC positives, dépense plus forte pour les AC négatives) ne sont pas compensées par des dépenses qui ne sont plus à financer (puisque transférées à l’intercommunalité).