Articles

Le Premier Ministre a annoncé le 16 avril 2014 un plan d’économies de 50 milliards d’euros et des mesures associées. Ce plan se traduirait pour les collectivités locales par une réduction de 11 milliards d’euros de leurs dotations. Trois autres mesures ont été concomitamment annoncées qui doivent inciter aux économies :

  • Une nouvelle étape de la réforme territoriale : les incitations aux fusions des communes, intercommunalités, départements et régions. Pour les intercommunalités, un nouveau seuil minimal de 10 000 habitant semble validé via une nouvelle étape de regroupement. Celle-i est déjà prévue par la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010. Les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) qui définissent la carte des intercommunalités par département, doit être réexaminée en 2015.
  • La suppression de la clause de compétence générale,
  • La réduction des syndicats intercommunaux.

Les modalités de la réduction de 11 milliards d’euros ne sont pas encore définies, notamment de l’articulation avec le Pacte de confiance signé en juillet dernier et qui prévoyait déjà une réduction de 3 milliards d’euros en 2015. Quelle sera l’articulation de cette nouvelle réduction des dotations avec le Pacte de confiance et de responsabilité ?

Ainsi, cette réduction de 11 milliards € est-elle la poursuite et l’amplification des mesures du pacte (qui ne prévoyait de réductions que pour 2014 et 2015), ou s’agit-il de mesures supplémentaires ?

La différence est d’importance, car les mesures du Pacte, à savoir 3 milliards € en 2015 sur la DGF, conduirait en cas de reconduction à une réduction des dotations de 9 milliards €. Dès lors, passer de 9 à 11 milliards constituerait un pas supplémentaire. Mais dans l’optique où ces mesures d’économies devraient s’entendre en plus de celles du pacte, alors l’économie totale demandée aux collectivités serait de 20 milliards  € entre 2015 et 2017 (9 + 11).

D’autre part, si l’objectif affiché de la réduction des dotations est d’inciter à la réduction de la dépense publique locale, l’effet inverse pourrait être obtenu si les collectivités choisissaient de ne pas réduire leurs dépenses de fonctionnement, mais de réduire leur capacité d’autofinancement, sans toucher aux programmes d’investissements. In fine, cela aboutirait à une hausse de leur endettement (lire aussi cet article).

Enfin, soulignons que si la réduction des dotations s’entend de la réduction de la dotation globale de fonctionnement (DGF), alors les collectivités devront opérer des réajustements sur leur section de fonctionnement, et donc sur les services publics rendus. Un moindre mal consisterait à obtenir une réduction de dotations d’investissement (FCTVA, DGE), qui pourrait être compensé par une réduction des investissements programmés.

La réduction contrainte de 11 milliards d’euros annoncée par le Premier Ministre de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a pour but affiché de forcer les collectivités à réduire leurs dépenses. Et pas n’importe lesquelles.

En effet, le budget des collectivités est organisé en deux sections : les investissements d’un côté et le fonctionnement de l’autre, chaque section devant être équilibrée en recettes et en dépenses. Le surplus de recettes de fonctionnement (fiscalité, DGF,…) sur les dépenses de fonctionnement (personnels, services publics, fluides,…) constitue l’autofinancement, qui sert à rembourser la dette et à financer les investissements.

La dotation globale de fonctionnement (DGF) est une recette de fonctionnement. Elle devra donc prioritairement être compensée par des dépenses de fonctionnement afin de maintenir l’équilibre entre les dépenses et les recettes de la section de fonctionnement. Et les dépenses de fonctionnement, ce sont les services publics, les fluides, entretiens, charges courantes, subventions versées au monde associatif, charges de personnel,etc… Leur réduction pour 2015 nécessitera des actions à effet quasi immédiat qui pourront être : révision des services publics à la population, révision des contrats divers (logiciels,…), réduction des subventions au monde associatif, arrêts de contrats de travail du personnel non titulaire,…

L’autre option de réduction des dépenses sera, pour les collectivités qui ont des marges de manœuvre, de laisser se réduire l’autofinancement, et de réduire les investissements. Toutefois, contrairement aux dépenses de fonctionnement, ce ne sera pas un rapport de 1 pour 1 (1 euro de dépense en moins pour 1 euro de DGF en moins) mais un rapport d’environ 1 à 10 (10 euro de dépenses d’investissement en moins pour 1 euro de DGF en moins)! La seule manière de rétablir l’autofinancement, sans agir sur les recettes ou dépenses de fonctionnement, est d’agir sur le niveau de la dette. S’endetter moins. Mais un investissement financé par un emprunt de 1 million € génère environ 100 000€ d’annuité financées par l’autofinancement (1/10).
On voit donc que la chute des investissements publics devrait être sévère pour maintenir les équilibres financiers équivalents.

La troisième option sera, pour les collectivités qui le peuvent, c’est à dire plutôt celles du bloc local (communes et communautés) de laisser se réduire leur autofinancement sans chercher à le maintenir, et de réduire les dépenses d’investissement. Leurs marges de manoeuvre et leurs capacités d’investissement seront alors amputées durablement.

[citation alignement=”left”]Les collectivités locales sont plutôt en bonne santé financière. Face à la réduction de leurs recettes, elles pourraient être tentées de laisser filer la dette[/citation] Enfin, la dernière option, sera de laisser se réduire leur autofinancement, et d’augmenter … l’emprunt. Pour financer un niveau d’investissement équivalent, pour financer les programmes engagées sous les mandatures précédentes, pour financer les investissements “contraints” (renouvellement, voirie,…), il pourra être nécessaire alors d’emprunter plus. Et donc d’augmenter le déficit public1. Cette situation ne sera pas forcément tenable sur le moyen-long terme ais d’ici là …

Face à la réduction de leurs dotations, les collectivités pourraient compenser en “laissant filer” leur dette. D’autant qu’en moyenne, le bloc local (commune et communauté) est plutôt en bonne santé financière : la capacité moyenne de désendettement est de 5 années alors qu’on estime généralement qu’à partir de 11-12 ans, la situation devient délicate.

Et si la réduction de la dotation globale de fonctionnement conduisait à une hausse de l’endettement et donc une hausse du déficit public ? La simple réduction des recettes des collectivités ne permet pas de s’assurer d’un désendettement généralisé.

 

(1) : Le déficit public est l’accroissement de la dette. Qu’une collectivité soit excellente situation financière ou non, si elle emprunt plus qu’elle ne rembourse, elle est en situation de déficit public. Voir l’explication ici.