Articles

Plusieurs signaux ont été envoyés ces derniers jours qui laissent à penser que l’on se diriger vers un report ou un assouplissement du calendrier de la réforme territoriale :

  • La défaite aux sénatoriales pourrait inciter le Gouvernement a tempéré ses ardeurs (et celles des Préfets) sur la question de la recomposition du paysage intercommunal, qui dans beaucoup d’endroits ne se fait pas sans heurts et sans frictions,
  • L’intervention de Philippe Richert, Ministre en charge des collectivités dans le journal l’Alsace (à lire ici) qui indique que de la souplesse pourra être introduite dans les schémas départementaux de coopération intercommunale proposée, et que le calendrier pourra être revu,
  • L’AdCF et l’AMF demandent un report de la date butoir du 31 décembre 2012 pour l’application du regroupement des communes selon le schéma départemental alors que les élections municipales auront lieu en mars 2014 (lire l’article de Localtis) .Ces deux associations appellent le gouvernement à accorder de la souplesse sans remettre en cause l’échéance du 31 décembre prochain. Elles demandent que les prochains schémas ne retiennent que les projets les plus consensuels, les autres étant renvoyés à 2015,
  • En enfin, le nouveau Président du Sénat, Jean-Pierre Bel, qui demande à François Fillon le report de la réforme territoriale (lire l’article du Monde)

Il semble probable que les pouvoirs temporaires du Préfet pour mettre en oeuvre la carte intercommunale soient « tempérés » afin d’aboutir à un consensus le plus large possible avant les élections présidentielles, quitte à reporter l’application effective des SDCI à une date postérieure aux élections municipales.

D’ici là, l’élection présidentielle de 2012 s’approche et engendre beaucoup d’incertitudes sur la mise en oeuvre effective de la loi.

L’AMF a pris l’initiative le 28 juin, de tenir une réunion exceptionnelle avec l’ensemble des présidents d’associations départementales de maires et des rapporteurs de commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI), pour faire le bilan sur l’élaboration des schémas.

Philippe Richert, ministre des Collectivités territoriales, a participé à la clôture de cette rencontre où lui ont été présentées l’appréciation des participants sur l’élaboration des schémas et les principales difficultés rencontrées.

  • Premier constat : le consensus global sur les objectifs de la loi concernant l’intercommunalité et la nécessité de rationaliser la carte, avec des schémas qui, pour beaucoup d’entre eux, privilégient les fusions aux démembrements de communautés.
  • Deuxième constat : l’hétérogénéité des propositions des préfets en fonction de l’état initial de l’intercommunalité et du contexte politique du département. Dans l’ensemble les propositions sont adaptées au contexte géographique et démographique local. Toutefois, certaines d’entre elles sont maximalistes, créant des « communautés XXL» qui nuisent à la mutualisation, d’autres, au contraire, manquent d’ambition et ne participent pas à un renforcement des principales agglomérations que ce soit en milieu urbain ou rural.
  • Troisième constat : la question des compétences se révèle aussi importante que celle des périmètres avec parfois un risque de remunicipalisation de compétences, aujourd’hui mutualisées. C’est notamment vrai pour la compétence scolaire en cas de fusion d’une communauté ayant cette compétence avec une autre n’en étant pas dotée. C’est aussi vrai pour la compétence PLU d’une petite communauté fusionnant avec une agglomération qui n’a pas pris cette compétence ou dans d’autres domaines tels que l’action sociale, la petite enfance, l’eau…
  • Quatrième constat : la concomitance de la réforme territoriale et de la réforme fiscale rend difficile, à ce jour, l’étude d’impact financier et fiscal des propositions. Par ailleurs, les conséquences en matière patrimoniale et en matière de personnels devront être traitées.
  • Cinquième constat : du point de vue de la gouvernance, il existe parfois un blocage dû au fait que lorsque deux communautés fusionnent ou lorsqu’une communauté de commune se transforme en communauté d’agglomération en étendant son périmètre, le plafonnement du nombre de conseillers communautaires et de vice-présidents s’applique immédiatement.

Tirant le bilan de cet échange, mais aussi du ressenti des élus qu’il a rencontrés lors de ses déplacements ces dernières semaines, Jacques Pélissard a indiqué au ministre que, dans les départements où une réelle concertation s’était établie, l’exercice difficile d’élaboration des schémas avait eu le mérite de favoriser une réflexion conjointe et indispensable des élus et de l’Etat sur une vraie rationalisation des périmètres intercommunaux. A cet égard, il a demandé que l’ensemble des communes et EPCI soit consulté pour avis.

Le président de l’AMF s’est, par ailleurs, fait l’interprète de l’inquiétude des élus sur les incidences qu’aura l’évolution de la carte intercommunale sur les dotations de l’Etat. En effet, avec 20 ou 25 nouvelles communautés d’agglomération, 2 ou 3 nouvelles communautés urbaines, de nombreuses d’extensions de périmètres, et des fusions dont la dotation est fortement incitative, la part consacrée à l’intercommunalité au sein de la DGF va fortement augmenter. Elle s’imputera donc soit sur les dotations de péréquation, soit sur la dotation forfaitaire des communes.Aussi, dès la fin de la procédure d’approbation des schémas, il est impératif que l’Etat donne aux associations d’élus des simulations sur ces incidences qui seront loin d’être neutres pour les communes.Jacques Pélissard a également fait un certain nombre de propositions d’évolutions législatives qui sont apparues nécessaires à l’occasion des échanges :

  • la fixation, par la loi, d’une clause de revoyure obligatoire avant décembre 2015. Cela permettrait aux schémas de distinguer ce qui peut se faire très vite et ce qui mérite un peu de temps pour la maturation des projets complexes en termes de compétences;
  • la possibilité pour les préfets, lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative, d’inscrire dans les schémas la création de syndicats, principalement dans le domaine scolaire, ceux-ci devant continuer à bénéficier de la DETR ;
  • l’application, seulement à compter du renouvellement général des conseils municipaux, des règles relatives à la composition du conseil communautaire et du bureau, en cas de fusion de communautés ou transformation-extension.

L’AMF souhaite que ces propositions fassent l’objet d’amendements lors du débat sur le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et à la démocratie locale prévu cet automne au Sénat et se félicite de l’esprit d’ouverture manifesté par le ministre.

L’ADCF a dressé un premier bilan des projets de SDCI présentés fin avril par les Préfets, et livre une analyse synthétique des 60 documents étudiés. Selon les projections de l’AdCF, le taux de réduction des syndicats qui résulterait de l’application des projets préfectoraux serait de l’ordre de 40 à 45% (certaines suppressions ou fusions n’étant que suggérées).

« Si l’on consolide l’ensemble des projets de schémas, l’ambition de l’Etat affichée en début de procédure (dans l’attente des avis individuels des collectivités puis des travaux d’amendement de la CDCI) est d’une tonalité assez volontariste même si d’importantes disparités se font jour d’un département à l’autre.

Dans plusieurs départements, ne sont poursuivis en effet que les seuls objectifs de rattacher les dernières communes isolées et de répondre au critère démographique des 5000 habitants. Dans certains, les projets ou avant-projets s’avèrent prudents, ne proposant aucune fusion ni rectification majeure de périmètre. Dans beaucoup d’autres en revanche, des options volontaristes sont énoncées avec pour effet de modifier la quasi-totalité des périmètres communautaires. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le préfet du Var propose par exemple une carte ultime constituée de seulement 6 communautés (en place des 15 actuelles). Le projet du Vaucluse tendrait vers 7 communautés, les Bouches-du-Rhône vers 7, celui des Alpes-Maritimes vers 6 (avec la création de la métropole niçoise). Le nombre de communautés passerait de 45 à 21 en Gironde, de 25 à 14 dans la Drôme, de 41 à 27 dans l’Orne, de 53 à 24 en Dordogne… Le Loir-et-Cher passerait de 22 à 12 communautés. Le Gard de 31 à 16. Les Hautes-Pyrénées de 37 à 20. En Corse-du-Sud, la carte finale comprendrait 9 communautés. »

Accéder à la note de synthèse sur les SDCI de l’ADCF

Les Commissions Départementales de Coopération Intercommunale (CDCI) sont les organismes représentatifs des collectivités locales, et ont historiquement 2 rôles :

1/ Emettre un avis sur les projets de création ou de fusion d’EPCI, et

2/ Contribuer à l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), qui existaient avant la réforme des collectivités territoriales, mais dans une version moins contraignante.

Article rédigé pour Le cercle des Echos : lien direct

La loi portant réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 porte l’objectif d’une refonte du paysage communal et intercommunal français.

Pour mémoire, la France compte plus de 36.000 communes, soit plus à elle seule que toutes les communes de l’Europe des 12 réunis (Europe de l’Ouest et la Grève hors les pays). Ces mêmes communes se sont regroupées en intercommunalités, en syndicats, en pays, etc… multipliant les structures. Que l’on ne s’y trompe pas : cela ne veut pas dire que ces structures sont inutiles ou fantômes, bien au contraire, mais qu’elles sont chacune « spécialisées » sur des domaines particuliers. Et qu’il pourrait être plus optimal de regrouper ses structures pour réaliser des économies d’échelles. Une même commune peut appartenir à 4 ou 5 structures : intercommunalité, syndicat de communes, pays.

 

L’objectif affiché par cette réforme est de réduire le nombre des groupements de communes de manière drastique, de compléter la couverture intégrale du territoire en intercommunalités à fiscalité propre (c’est-à-dire des communautés qui perçoivent des produits fiscaux, par opposition aux syndicats qui se financent par des contributions des communes membres), et de rationaliser le périmètre des EPCI(1) à fiscalité propre. Cela fait maintenant quelques années que le sujet de l’éparpillement intercommunal est lancé, mais cette fois, l’objectif est affiché, les moyens sont donnés. La méthode est drastique. En effet, ce sont les Préfets qui auront la haute main sur la redéfinition de la carte intercommunale département par département, dans un calendrier très serré. En outre, les élus regroupés en commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) ne pourront que difficilement s’opposer aux choix du Préfet : il faut pour cela qu’une majorité des 2/3 de la CDCI vote en ce sens ! Un vrai défi. Autant dire que la carte intercommunale sera sensiblement remaniée par le Préfet.

Petit rappel du calendrier :

Définition du schéma départemental de coopération intercommunale :

§  Janvier à Mars 2011 : Les Préfets ont pour mission de définir un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI), véritable carte présentant l’objectif à atteindre en matière de groupements de communes, construite afin de respecter les objectifs fixés par la loi : rationalisation des périmètres, réduction drastique du nombre de syndicats, achèvement de la couverture par intégration des communes isolées à un groupement.

§  Avril 2011 : le Préfet présentera de manière non officielle le schéma à la Commission départementale de coopération intercommunale, instance composée d’élus des communes et des EPCI (80% de l’instance), du département, de la région et des syndicats (20%).

§  D’ici l’été 2011 : Les communes et EPCI du département ont 3 mois à compter de la notification du schéma par le Préfet pour rendre leur avis. A défaut, il est considéré comme favorable. Leurs avis sont consultatifs.

§  Avant la fin 2011 : Une fois les avis des communes et EPCI recueillis, le Préfet transmettra officiellement le schéma accompagné des avis à la commission départementale. Celle-ci dispose de 4 mois pour rendre son avis. La CDCI a un pouvoir de révision, bien que réduit. En effet, elle peut modifier le projet de schéma présenté par le Préfet dès lors que 2/3 de ses membres se prononcent en ce sens.

§  Au plus tard le 31 décembre 2011, le schéma départemental de coopération intercommunale, après avis de la CDCI, devra être arrêté par le Préfet. Il aura alors force de loi.

Mise en application du schéma :

§  Janvier 2010 au 1er juin 2013 : A compter de la publication du schéma (SDCI), et au plus tard le 1er janvier 2012, le Préfet obtient des « super pouvoirs » pour une durée de 17 mois,  jusqu’au 1er juin 2013. Il pourra :

o   prendre l’initiative de mettre en œuvre les projets prévus par le SDCI. Il devra alors consulter les communes et groupements concernés, mais leur avis n’est que consultatif,

o   décider la mise en œuvre des projets prévus au schéma. Si une majorité des communes ou de groupements s’est opposé au projet du Préfet, alors la CDCI pourra à une majorité des 2/3 proposer un projet alternatif.

En clair, le Préfet aura tous pouvoirs (ou presque) pour faire aboutir le schéma intercommunal : fusion d’EPCI, dissolution de syndicats ou d’EPCI, intégration forcé ou non de communes, et création d’EPCI.

Ainsi, le Préfet a toutes les cartes en main pour redéfinir la carte intercommunale. Il est évidemment de son intérêt qu’un dialogue s’installe avec la CDCI afin d’obtenir un schéma accepté par le plus grand nombre. Il serait très inconfortable pour lui d’être désavoué par une majorité des 2/3 de la CDCI ! Mais tout de même, le Préfet a la haute main sur la définition de la carte intercommunale ! Il aura le pouvoir de faire et de défaire les intercommunalités.

 

Ce calendrier apparaît déjà assez serré, mais peut être le sera-t-il encore plus … En effet, élection présidentielle oblige, que se passera-t-il après mai 2012 ? S’il y a un changement à la tête de l’Etat, le schéma s’appliquera-t-il toujours ? Les paris sont ouverts : les Préfets vont user de leurs pouvoirs exceptionnels dès début 2012. Nul ne sait ce qui se passera ensuite.

Les élus ont intérêts à s’approprier rapidement cette problématique et à agir. On sent déjà poindre des regroupements et fusion d’EPCI avant le vote du schéma départemental de coopération intercommunal. Pour se regrouper et choisir ses partenaires plutôt que de se les faire imposer par le Préfet.

 

 


(1)     EPCI à fiscalité propre : Etablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il s’agit des communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, communautés d’agglomération nouvelles et de syndicats d’agglomérations nouvelles. Ils peuvent percevoir une partie de la fiscalité locale : taxe d’habitation, taxes foncières, fiscalité professionnelle.

Par opposition aux syndicats de communes et aux syndicats mixtes, dont les recettes reposent sur des contributions des communes et EPCI membres.

Le décret sur les Commissions Départementales de Coopération Intercommunales est paru.

Le renouvellement des représentants du conseil général dans chaque CDCI aura lieu dans un délai de 3 semaines à compter du 27 mars 2011, soit jusqu’au 17 avril 2011. D’ici là, la composition des CDCI sera donc « provisoire », mais les CDCI devront malgré tout travailler sur le schéma départemental de coopération intercommunal (SDCI) avec le Préfet (à l’exception des départements de la petite couronne parisienne). Le shéma départemental SDCI devra lui être adopté avant le 31/12/2011, ce qui compte tenu des délais maximum de réponse de chacun (7 mois au total), contraint les Préfets à présenter les SDCI aux CDCI en avril 2011.

Pour mémoire, les CDCI seront composées à hauteur de 40% de représentants des communes, 40% des EPCI, 10% du conseil général, 5% du conseil régional et 5% des syndicats mixtes.

Le décret prévoit aussi des spécificités pour la représentation des communes situées en zone de montagne, et les modalités d’élection (articles 4 à 8).

Lien vers le décret