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La modification des modalités de calcul des critères de péréquation, potentiels fiscaux, financiers, efforts fiscaux, entrera bien en vigueur au 1er janvier 2022.

Si la rédaction issue de la LF 2021 permet d’intégrer le nouveau panier fiscal des communes et EPCI, un point nous interpelle pour le mode de calcul des potentiels fiscaux et financiers des communes, et n’est pas modifié par la rédaction de la loi de finances pour 2021.

En effet, pour la prise en compte de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans le potentiel fiscal et financier, l’article L.2334-4 du code général des collectivités territoriales issue de la loi de finances pour 2021 (donc celui qui entrera en application au 01/01/2022), précise au point I que sont pris en compte les deux produits suivants :

Premier produit FB

« 1° bis Le produit déterminé par l’application aux bases communales d’imposition de taxe foncière sur les propriétés bâties de la somme des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 multipliée par le coefficient correcteur mentionné au B du IV de l’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ; ».

Ainsi, le produit de foncier bâti pour le potentiel fiscal est valorisé à hauteur de la somme taux communal et taux départemental reçu en compensation de la suppression de la taxe d’habitation, pondéré par le coefficient correcteur qui vise à ce que le « nouveau » produit de foncier bâti ne soit pas inférieur au produit de taxe d’habitation sur les résidences principales supprimé pour la commune.

Le produit de foncier bâti et d’ex – produit de taxe d’habitation est donc valorisé directement dans le potentiel fiscal, au taux communal, alors que précédemment, taxe d’habitation et taxe sur le foncier bâti étaient valorisés aux taux moyen national.

Second produit FB

1° ter Le produit déterminé par l’application aux bases communales d’imposition de taxe foncière sur les propriétés bâties de la différence entre le taux moyen national communal[1] d’imposition de cette taxe et la somme des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 ; »

Deuxièmement, le premier produit est « corrigé » de la différence entre le taux moyen national de foncier bâti et le « nouveau » taux communal de foncier bâti (avec l’ex-taux départemental). Cette procédure vise à pallier le fait que dans le premier terme, c’est le taux communal qui est pris en compte.

Mais le second produit mesure l’écart entre le taux moyen national de foncier bâti (communal et ex départemental) et le taux « facial » communal (avec l’ex -taux départemental). Or, la commune perçoit un produit et un niveau de richesse pondéré par le coefficient correcteur.

La logique du calcul proposé est claire : le second produit vise à ajouter au premier, l’écart entre le taux moyen national et le « nouveau » taux communal 2020. Toutefois, en n’appliquant pas le coefficient correcteur (ni communal ni moyen national), on introduit un biais et une différence par rapport aux potentiels fiscaux et financiers 2020. Car en moyenne au niveau national, le coefficient correcteur n’est pas égal à 1 : le produit de foncier bâti départemental n’a pas représenté strictement le produit de taxe d’habitation communal supprimé.

Le mode de calcul du potentiel fiscal « foncier bâti » est au terme de ces deux :

Premier produit : Bases brutes communales de Foncier bâti N-1 x (Taux communal Foncier bâti 2020 + Taux départemental de Foncier bâti 2020) x coefficient correcteur

+ Second produit : Bases brutes communales de Foncier bâti N-1 x (Taux moyen national Foncier bâti N-1 – Taux communal Foncier bâti 2020 + Taux départemental de Foncier bâti 2020)

Soit, écrit autrement :

Bases brutes communales FB N-1 x [ Taux moyen national Foncier Bâti N-1 + (Taux communal Foncier bâti 2020 + Taux départemental Foncier bâti 2020) x (coefficient correcteur – 1) ]

Le taux moyen national de Foncier bâti est corrigé du supplément ou de la minoration au titre du coefficient correcteur appliqué au taux communal. En moyenne, on a donc le taux moyen national. Mais il eut fallu corriger aussi le taux moyen national du niveau du coefficient correcteur moyen national.

Nos simulations témoignent que les écarts à la moyenne des potentiels fiscaux et financiers de l’ensemble des communes sont impactés avec des variations souvent sensibles. Pour les EPCI, les variations des écarts à la moyenne des potentiels fiscaux sont bien plus modestes.

Notons toutefois, qu’un mécanisme de correction est prévu, afin de lisser dans le temps les effets de cette suppression : les potentiels financiers et fiscaux 2022 seront corrigés d’une fraction permettant de neutraliser les effets de la suppression de la taxe d’habitation (et de la réduction de moitié des valeurs locatives des locaux industriels). Cette fraction sera intégrée en totalité dans les potentiels fiscaux et financiers pour 2022, puis en réduction les années suivantes : 90% en 2023, 80% en 2024, puis -20% par an, jusqu’à une absence de fraction de correction à partir de 2028.

Le mode de calcul précis de ces fractions de corrections, qui doivent neutraliser pour 2022, les écarts, doit être précisé par un décret. Nous ne savons pas pour l’heure comment ils seront calculés.

Espérons qu’au cours de l’année 2022, et malgré l’élection présidentielle, des ajustements puissent être apportés. L’année 2022 permettra au moins de voir précisément l’ampleur de ces fractions de corrections.


[1] L’article 47 de la loi de finances pour 2022 est venue supprimer cette mention, ce qui implique que les taux additionnels de foncier bâti seront à prendre en compte dans le calcul.

L’article 6 de la loi de finances pour 2020 attribue aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), une fraction (quote-part) de la TVA nationale en remplacement de leur taxe d’habitation supprimée. Vous pouvez voir dans cet article l’évolution de la TVA ces 20 dernières années. Pour mémoire, cette fraction de TVA est calculée comme le rapport entre le produit de TH additionnel supprimé (majoré de la moyenne des rôles supplémentaires sur 3 ans et des compensations fiscales), et le produit national de la TVA. Tous les EPCI bénéficieront donc d’une quote-part du produit national de TVA. Cette fraction sera figée et s’appliquera chaque année au produit de TVA N-1 pour calculer l’attribution de TVA N de chaque EPCI.

Ceci implique dès lors que le produit de TVA attribué à chaque EPCI évoluera de manière identique à tous les autres EPCI : toutes les TVA attribuées progresseront comme le produit national de TVA. C’est d’ailleurs un des arguments présentés par le Gouvernement en faveur d’un tel système, plutôt qu’une assiette locale ou qu’une part de foncier bâti. Ce serait une certaine solidarité nationale, dans la mesure où la TVA attribuée progresserait pour tous les EPCI de manière identique, que le territoire soit bien doté en entreprises ou non, qu’il soit rural ou urbain, etc…

Le point V.B.6 LF2020 octroie même, contrairement aux communes, une garantie en cas de baisse du produit de la TVA :

Si le produit de la taxe sur la valeur ajoutée attribué pour une année donnée représente un montant inférieur pour l’année considérée à la somme définie au 1o du 1 du présent B [Note: le produit de TH supprimé], la différence fait l’objet d’une attribution à due concurrence d’une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée revenant à l’Etat.

Loi de finances 2020, article 26, V.B.6

Ainsi, les ressources des EPCI seraient protégées en cas de diminution de la TVA, puisque l’Etat garanti à chacun que la TVA attribuée ne soit pas inférieure à sa taxe d’habitation supprimée. Vraiment ?

Tout d’abord, il faut remarquer que la rédaction est bien celle d’une garantie individuelle, propre à chaque EPCI. D’une part car la référence à la TH supprimée est celle où l’on calcule la fraction de TVA de chaque EPCI, et d’autre part car la suite de la citation est : “Néanmoins, pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés,….”. Si certains sont concernés, c’est bien que d’autres ne le sont pas (cette suite présente les dispositions en cas de changement de périmètre des EPCI).

Reprenons : la TVA attribuée à chaque EPCI est une quote-part de la TVA nationale ; toutes les TVA attribuées progresseront donc du même taux de croissance (positif ou négatif), c’est à dire celui du produit national de TVA.

Dans quel cas de figure la TVA attribuée à un EPCI peut-elle devenir inférieure au produit de sa TH supprimé ? Comme la quote-part de TVA de chaque EPCI sera figée (calculée en 2021 au regard de la TH 2020), la seule possibilité pour que cette fraction de TVA diminue est que le taux de croissance soit négatif, c’est à dire que le produit de TVA national lui-même diminue. Or toutes les produits intercommunaux de TVA évoluant comme la TVA nationale, le seul cas où la garantie pourrait être amenée à s’activer est celui où le produit national de TVA de l’année N diminue pour devenir inférieur à son niveau 2020, et donc où toutes les TVA attribuées sont inférieures à leur niveau initial de 2021, c’est à dire qu’il faut garantir/compenser tous les EPCI en même temps.

C’est une garantie individuelle qui ne peut s’activer que collectivement. Or on peut s’interroger sur la capacité de l’Etat à compenser la baisse de la TVA nationale pour tous les EPCI et en plus à subir la baisse de sa propre part de TVA, dans un contexte de réduction du déficit public ! En d’autres mots, le jour où cette garantie pourrait s’appliquer, le législateur risque de s’empresser de la supprimer pour ne pas faire porter au budget de l’Etat un fardeau excessif au regard de l’objectif de déficit public.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) vont bénéficier en remplacement de la taxe d’habitation sur les résidences principales, d’une fraction du produit national de la taxe sur la valeur ajoutée.

Lors de son congrès 2019 à Nice, l’ADCF a milité pour le rétablissement d’un lien avec le territoire, notamment via l’obtention d’une partie du foncier bâti départemental. Toutefois, le Gouvernement a présenté l’octroi d’une fraction de la TVA comme un outil de solidarité : ce produit fiscal de substitution à la TH progressera de manière identique pour toutes les intercommunalités, que celles-ci soient ou non bien dotées en contribuables professionnels. En effet, chaque intercommunalité bénéficiera d’une quote-part de la TVA nationale, dont le produit 2021 permettra d’assurer la compensation à l’euro près du produit de taxe d’habitation supprimé. Mais quelle évolution attendre pour les années suivantes ?

La taxe sur la valeur ajoutée est un impôt assis sur la consommation : il peut fortement progresser en cas de croissance économique, mais il peut aussi diminuer si le cycle économique n’est pas favorable.

La TVA a progressé en moyenne de +2,6% par an sur les 20 dernières années

Si la taxe d’habitation bénéficiait d’une évolution relativement régulière, notamment par la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives, quid de l’évolution de la TVA ? Sur quelle base partir dans vos projections financières ?

A partir du rapport de juillet 2015 sur la TVA du Conseil des Prélèvements Obligatoires, et des séries longues diffusées par l’INSEE (série 1995-2018, du 22/05/2019), nous avons compilé les produits nationaux de TVA sur la période 1995-2018.

En moyenne, entre 1995 et 2018, le produit de TVA a progressé de +2,8% par an. Et le produit de TVA n’a diminué qu’une seule fois sur cette période, en 2009 de -5,4% (pour revenir à un niveau proche de 2006).

TVA série longue - EXFILO
TVA série longue – EXFILO

Sur la période 1995-2018, le taux normal de TVA a varié (passant de 20,6% en 1995 à 19,60% en 2000, puis 20% en 2014) : c’est d’ailleurs une question : que se passerait-il si l’Etat augmentait ou diminuait un des taux de TVA ? En l’état, les EPCI sont bénéficiaires d’une fraction de la TVA, celle-ci pouvant évoluer suivant la consommation (base d’imposition) ou le taux.

Ces dernières années, en particulier depuis 2017, le produit de la TVA est en forte croissance : +4,8% en 2017, +4,3% en 2018

Moyenne annuelleTaux de croissance TVA
1995-20182,8%
1998-20182,6%
2008-20182,1%
2014-20183,3%

La mission Finances Locales de la Conférence Nationale des Territoires (CNT) a rendu en janvier une note de problématique sur les enjeux d’une refonte de la fiscalité locale (à lire ici).

La mission a étudié 3 familles de ressources susceptibles de remplacer la taxe d’habitation afin d’assurer le maintien des ressources des collectivités locales :

  • Le recours aux dotations, c’est à dire le remplacement de la TH par une dotation versée par l’Etat. Or l’on sait ce qu’il est advenu des dotations versées par l’Etat en remplacement d’impositions locales, elles finissent toutes par être diminuée au fil des ans, la garantie de compensation à l’euro près n’est en fait tenu que sur une courte période. La mission souligne en outre la difficulté liée à l’autonomie financière des collectivités locales, car le remplacement de la TH par une dotation conduirait à abaisser sensiblement le ratio d’autonomie du bloc local (communes et communautés).
  • L’attribution de fractions d’impôts nationaux : il s’agit ici du remplacement de la TH par une fraction d’impôt national sans pouvoir de taux local (TVA, IR). Si la mission souligne le fort potentiel de croissance des impôts nationaux (en période de croissance s’entend), il souligne cependant la perte de lien local : les bases ne seraient alors plus localisées. En cas de croissance du produit global national, tout le monde bénéficierait de la même croissance.
  • L’aménagement d’imposition existantes : il s’agit ici de réaffecter des impositions existantes, comme par exemple le transfert de l’imposition au foncier bâti des départements vers le bloc local (communes et EPCI). Est aussi évoqué le “fléchage” vers les communes et EPCI de l’IR foncier, l’imposition des locations immobilières, acquittées par les propriétaires bailleurs au titre des loyers qu’ils perçoivent. La localisation serait effectuée sur la base des adresses des logements loués et non de l’adresse du bailleur. La difficulté réside néanmoins dans le transfert de ressources aux départements, qui en l’absence de taxe foncière, perdraient tout pouvoir de taux.

Deux points sont évoqués dans la note de problématique et méritent notre attention :

  1. La mission écarte d’emblée toute nouvelle imposition (création d’un nouvel impôt en remplacement de la TH) ou majoration d’impositions existantes, car celles-ci seraient difficilement compatible avec l’objectif d’allègement fiscal liée à la suppression de la taxe d’habitation.
  2. La mission rappelle que les collectivités locales ont encore un pouvoir de taux sur la taxe d’habitation en 2018, 2019 et 2020 (les hausses de taux étant acquittés par les contribuables, dégrevés ou non), et souligne que ces hausses de taux de TH ne seraient pas prises en charge par l’Etat. Les hausses du taux de TH votées après 2017 seraient donc perdues en cas de suppression de la TH, le produit compensatoire de la TH étant calculé par rapport aux taux 2017 :

Pour éviter que les contribuables dégrevés n’aient à assumer le coût de ces éventuelles hausses, le gouvernement réfléchit cependant à un mécanisme de « gel des taux » a posteriori. Le gel des taux a déjà été pratiqué lors de la réforme de la taxe professionnelle, ainsi que dans le cadre du plafonnement des cotisations en fonction du revenu et a été jugé conforme à la constitution par le conseil constitutionnel.

Au cas d’espèce, il est envisagé que l’État reprenne a posteriori, en 2021, aux collectivités concernées le montant correspondant au différentiel de taux ayant entraîné sur la période transitoire (2018-2020) un surcroît de contribution pour des contribuables bénéficiant du dégrèvement. L’objectif d’un tel « ticket modérateur » est qu’aucun résidu de TH ne reste à la charge des 80 % de contribuables dégrevés en 2020 car, outre le coût politique, le coût financier pour l’État risque d’être significatif, notamment si les hausses de taux aboutissent à des cotisations inférieures à 12 € (dans cette situation, l’imposition est automatiquement prise en charge par l’État).”

L’instance décisionnelle du Comité des finances locales (CFL) a approuvé à l’unanimité les propositions effectuées par son groupe de travail sur la refonte de la fiscalité locale. Ce groupe de travail, instauré il y a environ deux mois, a fait des propositions de refonte de la fiscalité locale ce 6 février 2018.

Le CFL préconise une affectation au bloc communal de la totalité de la taxe foncière bâtie et d’une partie de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’affectation intégrale de la taxe foncière bâtie au bloc communal se traduit par le transfert de la part départementale de cette taxe aux communes et intercommunalités à fiscalité propre.

En compensation, les départements bénéficieraient d’une partie de la contribution sociale généralisée (CSG).

 

Pas de compensation au travers des dotations de l’Etat

Le groupe de travail du Comité des Finances Locales a refusé toute possibilité de compensation de la suppression de la taxe d’habitation par des dotations de l’Etat. Ces dernières ne sont pas signe d’un regain d’autonomie financière des collectivités territoriales. De plus, pouvant être diminuées avec le temps, elles peuvent être sources d’incertitudes sur le long terme, comme l’ont montré les compensation pour la suppression de la part salaires de 2003, et plus récemment la Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) dont la baisse est maintenant enclenchée.

 

Supprimer la TH et la remplacer par le transfert de la TFB départementale et une quote-part de TVA

La suppression de la taxe d’habitation à l’horizon 2020 est susceptible de générer à la fois une perte de l’autonomie financière des collectivités locales mais également un manque à gagner pour les blocs communaux estimé à près de 26 milliards d’euros exonérations comprises par la Direction Générale des Finances publiques (il s’agit du produit de la taxe d’habitation).

Le transfert au bloc local de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (FB) permettrait de compenser 16 milliards d’euros, et il resterait alors 10 milliards d’euros de manque à gagner, qui seraient compensés par l’affectation au bloc communal d’une part de la TVA.

Le CFL a abandonné le principe de territorialisation (localisation) des impôts au bénéfices des communes et de leurs groupements. En effet, territorialiser la TVA, c’est à dire calculer la TVA au niveau de chaque établissement et donc l’affecter à un territoire, reviendrait à attribuer 40% de la TVA nationale aux collectivités locales d’Île-de-France. Le CFL propose donc que la TVA reste calculée nationalement, et que chaque collectivité bénéficie d’une quote-part de ce gâteau national. La méthode de détermination de ces quote-parts reste encore à déterminer.

Par ailleurs, même si des impôts sont transférés au bloc local, ceci ne compensera pas forcément collectivité par collectivité, la perte de produit fiscal de la taxe d’habitation, et un mécanisme complémentaire de garantie des ressources (prélèvement sur les collectivités qui recevraient plus, reversement aux collectivités qui recevrait moins) sera probablement à mettre en place.

 

Pour les Départements, en compensation de la perte de leur taxe sur le foncier bâti, le CFL propose à nouveau de leur affecter une part de la CSG, avec une possibilité que les taux de CSG soient modulables. Le président du CFL a également évoqué la possibilité d’un taux additionnel de CSG. Le transfert de la CSG est une mesure qui avait déjà été proposée par le CFL lors de la séance du 16 juillet 2014.

 

Qu’en sera-t-il pour le pouvoir de vote des taux ?

La suppression de la taxe d’habitation entraînera indéniablement une perte de l’autonomie financière des collectivités locales. Le transfert de la part départementale de taxe foncière bâtie permettant au bloc communal de maintenir un pouvoir de vote des taux de cette taxe, la compensation par une part de TVA ne donne aucune autonomie financière aux collectivités locales sur cette taxe. Le principe de territorialisation ne s’appliquant pas pour la TVA, cette part n’évoluera qu’en fonction de l’évolution nationale de la TVA. Si cette dernière augmente de 5%, la part de TVA de chaque commune et chaque EPCI augmenterait alors aussi de 5%.

L’exonération de 80% des contribuables de la taxe d’habitation à horizon 2020 engagée dans le projet de loi de finances pour 2018, n’est pas une mesure toujours bien comprise. En effet, dans l’esprit de beaucoup, il s’agit d’une quasi suppression pour les contribuables concernés, c’est à dire qu’à horizon 2020, 80% des contribuables ne paieront plus la taxe d’habitation (moyenne nationale pouvant fortement varier localement).

Or le projet de loi de finances pour 2018 en cours de discussion, ne met pas en oeuvre la suppression ou l’exonération, mais le dégrèvement. Qu’est-ce que le dégrèvement ? C’est l’Etat qui prend en charge la cotisation du contribuable concerné dans une certaine limite. En l’occurrence, pour la mesure Macron, l’Etat prend en charge la cotisation des contribuables concernés à concurrence du taux de taxe d’habitation voté en 2017.

Ainsi, les contribuables dégrevés ne paieront plus leurs cotisations … sauf si le taux de taxe d’habitation de leur commune et de leur communauté augmente par rapport à 2017 (de manière consolidée). Il ne s’agit pas d’une suppression, si les communes et EPCI augmentent leur taux de taxe d’habitation par rapport à 2020, il y aura bien une cotisation supplémentaire à payer.

Face à une potentielle incompréhension explosive entre le Gouvernement et les contribuables électeurs, qui s’apercevraient en 2020 qu’ils continueront à payer de la taxe d’habitation, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un mécanisme de plafonnement du taux de taxe d’habitation.

 

Deux réflexions à ce stade :

  1. Le plafonnement du taux de la taxe d’habitation va forcément être introduit pour éviter un effet d’aubaine important, et rendu possible en l’état actuel du projet de loi de finances pour 2018 : en effet, puisque les contribuables (80% d’entre eux) vont bénéficier d’une réduction importante de leur cotisation, les communes et intercommunalités pourraient être tentées d’augmenter de manière importante leur taux de taxe d’habitation, pour augmenter leur produit fiscal à moindre coût. Cette hausse serait supportée par les contribuables, qui dans le même temps bénéficieront d’une importante baisse de cotisation, qui pourra rendre la hausse des taux indolore.
  2. La taxe d’habitation est un impôt avec “un pied dans la tombe”. Avec cette réforme, quelle légitimité et quelle égalité pour un impôt qui ne concernerait que 20% des contribuables ? D’autant plus si le Gouvernement plafonne le taux …

Parmi les mesures phares du programme du Président Macron figure en tête d’affiche la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables. Cette mesure interpelle fortement les collectivités locales dans la mesure où l’expérience a toujours montré que lorsque l’Etat réduit ou supprime une imposition locale (part salaires de la taxe professionnelle en 1999, mise en place d’exonérations fiscales), si la compensation de l’Etat vers les collectivités locales s’est bien faite à l’euro près au moment de la suppression et les quelques années suivantes, les compensations ont ensuite débuté une dégressivité. C’est ainsi que les compensations versées par l’Etat aux collectivités sont réduites d’année en année, entraînant une perte que doivent financer les collectivités.

La “suppression” de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables serait différente dans l’approche, dans la mesure où il ne s’agirait pas d’une exonération mais d’un dégrèvement. Ainsi, concrètement, c’est l’Etat qui prendrait à sa charge les cotisations des 80% de contribuables bénéficiant du dégrèvement. Pour les collectivités, en apparence, ce serait un jeu à somme nulle … en apparence seulement !

Ainsi, le programme d’En Marche indique :

1- Une probable perte du pouvoir de taux des collectivités locales sur 80% des contribuables de taxe d’habitation

  • “D’ici 2020, 4 Français sur 5 ne paieront plus la taxe d’habitation sur leur résidence principale. À partir de 2018, la taxe sera allégée en trois paliers jusqu’à un dégrèvement total en 2020 pour les foyers concernés.
  • “L’autonomie fiscale et les ressources des collectivités seront entièrement préservées : l’Etat paiera la taxe d’habitation à la place des ménages et à l’euro près. Ce dégrèvement se fera sur la base des taux 2016. Les bases seront actualisées en fonction notamment de l’évolution de la population.

source : Programme En Marche, Partie Fiscalité et prélèvements obligatoires (lien)

Il s’agirait donc de l’extension du mécanisme actuel de dégrèvement de la taxe d’habitation, qui concerne actuellement quelques 40% des contribuables. Un point cependant interpelle : “4 Français sur 5 ne paieront plus la taxe d’habitation sur leur résidence principale“. Or dans le système actuel, les collectivités locales ont encore un pouvoir de taux sur la taxe d’habitation, c’est à dire qu’elles peuvent librement choisir d’augmenter (1), le taux de la taxe d’habitation, l’Etat acquittant la cotisation à hauteur d’un taux d’imposition figé, et le contribuable dégrevé acquittant lui la part de cotisation liée à l’augmentation du taux d’imposition(2). Donc dans le système actuel de dégrèvement, les contribuables peuvent encore continuer à payer des cotisations.

Le programme d’En Marche annonce à la fois une absence de toute cotisation de taxe d’habitation pour 4 français sur 5, et le fait que l’Etat compensera le dégrèvement à hauteur du taux d’imposition 2016. Cela semble impliquer que les collectivités locales vont perdre leur pouvoir de taux sur les contribuables dégrevés ! Ce risque semble d’autant plus probable qu’il serait difficile de faire autrement, puisque ce serait sinon fournir aux collectivités un moyen simple d’augmenter leurs ressources fiscales sans faire payer les contribuables.

 

2- Une mesure payée par les collectivités locales elles-mêmes ?

Le programme du candidat indique aussi :

  • Partie Fiscalité et prélèvement obligatoires : “10 milliards d’euros seront consacrés à cette réforme. C’est intégré dans notre cadrage budgétaire : nous y consacrerons une partie des économies. Aucune hausse d’impôt n’interviendra en compensation.
  • Partie Finances publiques, à propos de l’effort d’économies à porter : “En contrepartie, les collectivités devront faire leur part : elles seront amenées à maîtriser leurs dépenses, pour une économie annuelle de 2 milliards par an ; cette trajectoire sera fixée dès le début de la législature.

source : Programme En Marche, Partie Finances publiques (lien)

Ainsi, la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables coûterait à l’Etat près de 10 milliards d’euros, avec une mise en place étalée sur 3 ans (soit 3,33Mds€/an), et l’effort d’économies demandé par l’Etat aux collectivités locales serait lui de 10 milliards d’euros étalé sur 5 ans (soit 2Mds€/an).

La suppression de la taxe d’habitation coûterait 10 milliards d’euros, et l’effort d’économies demandé aux collectivités serait de 10 milliards d’euros. De là à conclure que les collectivités locales devront se payer elles-mêmes la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables, il n’y a qu’un pas. Le projet de loi de finances pour 2018 nous apportera les réponses.

 

(1) En cas de baisse du taux, la cotisation diminue et le contribuable n’a pas de risque à voir augmenter sa cotisation.

(2) Pour les contribuables dégrevés sous conditions de ressources. Les contribuables dégrevés de plus de 65 ans et les bénéficiaires du RSA sont dégrevés à 100% (article 1414 A, code général des impôts).