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La grande majorité des Collectivités locales, Communes et intercommunalités, Département et Région financent en partie leurs investissements en ayant recours à l’emprunt.

Le choix de privilégier une part de financement par la dette est d’autant plus attrayant que les taux d’intérêts proposés par les établissements bancaires se situent à des niveaux historiquement faibles. Une augmentation de l’encours de la dette, communale ou communautaire, n’est donc pas nécessairement la traduction de difficultés budgétaires que rencontrerait la Collectivité.

Existe-t-il pour autant un « bon » niveau d’endettement ou une limite qu’il ne faudrait pas franchir ?

Les données individuelles publiées par la Direction Générale des Collectivités Locales intègrent l’encours de la dette de chaque collectivité, puis établissent un ratio d’endettement par habitant qui est ensuite comparé à la moyenne des collectivités de même strate de population.

Ce ratio néanmoins, s’il a son utilité, ne constitue pas l’alpha et l’oméga de l’analyse financière de la collectivité. C’est la capacité de désendettement qui est le ratio privilégié par le Cabinet Conseil EXFILO, comme par la plupart des analystes.

Plutôt que le montant en euros de la dette ramené au nombre d’habitants, il s’agit alors de déterminer le nombre d’années nécessaires à la Collectivité pour rembourser la totalité de la dette, si elle y consacrait la totalité de son épargne brute. Autrement dit, plus que le montant en valeur absolue de l’encours de dette, l’analyse s’intéressera à la capacité de la Collectivité à y faire face.

Illustration :

Les Communes A et B comptent un nombre d’habitant identique. La dette de la Commune A est supérieure à celle de la Commune B, de près de 50%. Le ratio Encours de dette / population est logiquement dégradé pour la Commune A comparé à la Commune B.

Pour autant, au vu de l’épargne brute disponible, la situation de la Commune A est meilleure que celle de la Commune B. En effet, la Commune A dispose d’une meilleure capacité à prendre en charge sa dette que la Commune B, au regard de son épargne brute budgétaire.

Le ratio de la capacité de désendettement renseigne de façon plus précise l’analyste sur la situation de la Collectivité. Et au-delà de la valeur à l’instant t de ce ratio, c’est à son évolution dans le temps qu’il devra être porté attention. Une dégradation continue sur une période pluriannuelle est tout autant significative que le respect d’un seuil de 10 ou 15 ans.

La réponse du Ministre de l’Action et des Comptes publics en date du 25/09/2018 à une réponse parlementaire du 12/12/2017 (lien), est l’occasion de rappeler les spécificités du calcul de la capacité d’autofinancement pour la contractualisation des collectivités avec l’Etat sur l’évolution de leurs dépenses.

En effet, parmi les objectifs figure l’amélioration du ratio de la capacité de désendettement. La capacité de désendettement (voir notre autre article) se calcule par le rapport entre l’encours de dette et la capacité d’autofinancement (CAF).

La capacité d’autofinancement s’entend habituellement de la différence entre les recettes réelles de fonctionnement et les dépenses réelles de fonctionnement, hors amortissements, hors produits de cessions (et écriture de sorties d’actifs), et hors travaux en régie.

Or le décret 2018-309 du 27/04/2018 qui détaille le mode de calcul de la capacité d’autofinancement ne conduit pas à déduire du calcul les travaux en régie. Pour mémoire, les travaux en régie sont des dépenses de fonctionnement (fluides, matériels, personnels,…) utilisés par la collectivité pour intervenir sur son propre patrimoine. En passant par un prestataire privé, la collectivité aurait pu les inscrire en investissement. L’écriture des travaux en régie revient à constater une recette (opération d’ordre) au compte 72, qui vient neutraliser les dépenses correspondantes, et constater une dépense en investissement au compte 21 ou 23 correspondant (opération d’ordre). Si les équilibres globaux ne sont pas modifiés par cette écriture, elle permet de ne pas faire peser sur l’équilibre de la section de fonctionnement, les travaux en régie. Et elle conduit donc à sortir les travaux en régie de la capacité d’autofinancement (en la majorant).

Par conséquent, le mode de calcul de la CAF est différent entre le calcul usuel, qui figure dans les rapports d’analyse financière et dans les ratios de comparaison, et celui utilisé pour la contractualisation, dans un sens défavorable aux collectivités.

Définitions issues du décret 2018-309 :

Encours de dette : “solde créditeur constaté dans les comptes d’emprunts et de dettes assimilées, à l’exception des intérêts courus et des primes de remboursement des obligations

Dépenses réelles de fonctionnement : “total des charges nettes de l’exercice entraînant des mouvements réels au sein de la section de fonctionnement des collectivités ou établissements concernés. Elles correspondent aux opérations budgétaires comptabilisées dans les comptes de classe 6, à l’exception des opérations d’ordre budgétaire, et excluent en totalité les valeurs comptables des immobilisations cédées, les différences (positives) transférées en investissement et les dotations aux amortissements et provisions.

L’épargne brute est un des soldes intermédiaires de gestion le plus utilisé car le plus pertinent pour apprécier la santé financière d’une collectivité locale. Il correspond au solde des opérations réelles de la section de fonctionnement (recettes réelles de fonctionnement – dépenses réelles de fonctionnement y compris les intérêts de la dette). L’épargne brute constitue la ressource interne dont dispose la collectivité pour financer ses investissements de l’exercice. Elle s’assimile à la ” Capacité d’autofinancement ” (CAF) utilisée en comptabilité privée.

Elle constitue un double indicateur :

  1. un indicateur de l’ “aisance” de la section de fonctionnement, dans la mesure où  son niveau correspond à un “excédent” de recettes réelles de fonctionnement sur les dépenses réelles de fonctionnement. Cet excédent est indispensable pour financer les investissements et rembourser la dette existante.
  2. Un indicateur de la capacité de la collectivité à investir ou à couvrir le remboursement des emprunts existants.

En effet, l’épargne brute correspond au flux dégagé par la collectivité sur ses dépenses de fonctionnement pour rembourser la dette et/ou investir. La préservation d’un niveau “satisfaisant” d’épargne brute doit donc être le fondement de toute analyse financière prospective, car il s’agit à la fois d’une contrainte de santé financière (la collectivité doit dégager chaque année des ressources suffisantes pour couvrir ses dépenses courantes et rembourser sa dette) et légale (l’épargne brute ne doit pas être négative(1)).

L’épargne brute conditionne la capacité d’investissement de la collectivité. Les investissements peuvent être financés par des ressources propres (épargne brute) et par des ressources externes (subventions, dotations et emprunts). Ainsi, par le recours à l’emprunt, l’épargne brute permet un effet de levier important : 100 d’épargne brute permettent de financer 100 d’annuités de dette, et donc d’emprunter 1 000. C’est un effet de levier de 1 à 10.

Ainsi, un effort sur la section de fonctionnement permettant de dégager 100 d’épargne brute supplémentaire, permet par le recours à l’emprunt de financer 1000 d’investissements supplémentaires. A l’inverse, une réduction de 100 de l’épargne brute contraint à une réduction de 1000 des investissements.

 

Cet indicateur est utilisé dans 2 ratios clés de la santé financière d’une collectivité :

  • Le taux d’épargne brute (épargne brute / recettes réelles de fonctionnement) : ce ratio indique la part des recettes de fonctionnement qui peuvent être consacrées pour investir ou rembourser de la dette (ayant servi à investir). Il s’agit de la part des recettes de fonctionnement qui ne sont pas absorbées par les dépenses récurrentes de fonctionnement. Il est généralement admis qu’un ratio de 8% à 15% est satisfaisant. Ce ratio doit être apprécié en tendance et par rapport à d’autres collectivités similaires.
  • La capacité de désendettement (encours de dette / épargne brute) : Ce ratio est un indicateur de solvabilité. La collectivité est-elle en capacité de rembourser sa dette ? Ce ratio indique le nombre d’années qu’il serait nécessaire à la collectivité pour rembourser l’intégralité de son encours de dette, en supposant qu’elle y consacre toutes ses ressources disponibles. Ce ratio doit être comparé à la durée moyenne de vie des emprunts. Ainsi, si le ratio de désendettement est de 15 ans, alors que la durée moyenne de vie des emprunts est de 13 ans, ceci signifie que la collectivité a les moyens pour rembourser sa dette en 15 ans, mais que celle-ci devra être remboursée en 13 ans. Dans cet exemple, la collectivité doit donc améliorer son épargne brute afin d’atteindre un ratio au moins identique à la durée de vie moyenne de la dette. Il est généralement admis qu’un ratio de désendettement de 10 à 12 ans est acceptable, et qu’au-delà de 15 ans la situation devient dangereuse.

 

(1) L’épargne brute peut être temporairement négative dans la limite où les résultats de fonctionnement reportés (des années précédentes) couvrent ce déficit. Ceci ne constitue qu’une possibilité transitoire (les résultats diminuant).