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  1. Une enveloppe unique, quelle que soit la catégorie de l’EPCI (communauté de communes, d’agglomération, urbaine, métropole). La mise en place d’une dotation unique bénéficie clairement aux communautés de communes qui avaient jusque-là des dotations à l’habitant inférieures : les CC à fiscalité additionnelle passeraient d’une dotation moyenne de 8€/hab en 2018 à 10,4€/hab en 2019 et 14,3€/hab en 2023 ; les CC à FPU passeraient d’une dotation moyenne de 14€/hab en 2018 à 15,3€/hab en 2019, et 19,2€/hab en 2023
  2. Un complément de 5€ par habitant contre-péréquateur. le complément est attribué à tous les EPCI qui n’ont pas eu en 2018 une dotation par habitant atteignant ce niveau. Or qui s’est trouvé dans ce cas de figure ? 2/3 des EPCI dont la dotation d’intercommunalité n’a pas atteint ce niveau sont des intercommunalités dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne. Une bonne partie est aussi constitué de communauté de communes à fiscalité additionnelle (à faible dotation donc) et à fort prélèvement au titre de la contribution au redressement des finances publiques. Or le législateur avait toujours privilégié jusque-là les catégories les plus fiscalement intégrées, celles en fiscalité professionnelle unique.
  3. Une mutualisation de la contribution au redressement des finances publiques. La contribution au redressement des finances publiques (CRFP), qui se traduisait par un prélèvement su la dotation d’intercommunalité en fonction des recettes de fonctionnement, est intégrée dans l’enveloppe nationale et vient donc la diminuer. Au niveau national, la CRFP représentait 55% de la dotation d’intercommunalité : prélever la CRFP sur l’enveloppe nationale revient à affecter à tous les EPCI cette quote-part de 55%. Les EPCI dont la CRFP représentait plus de 55% de leur dotation d’intercommunalité sont avantagés : or il s’agit souvent d’intercommunalités à fortes ressources (richesse fiscale notamment) ou à faible dotations (et faible intégration fiscale comme les communautés de communes à fiscalité additionnelle)
  4. Une “course” au CIF pour les communautés d’agglomérations, communautés urbaines et métropoles. Les CA-CU-MET bénéficient d’une garantie de stabilité de leur dotation d’intercommunalité si leur CIF est au moins égal à 35%. En 2019, c’est 60% des CA, 10 CU sur 11 et 21 métropole sur 22, qui ont un CIF supérieur à 35%. Inévitablement, les communautés qui n’atteignent pas encore ce CIF de 0,35 vont prendre des mesures (prises de compétences, pacte financier, réduction d’AC ou DSC) pour atteindre ce seuil. Or comment les dotations des communautés de communes pourront-elles progresser, sans abondements extérieurs, si les dotations des CA-CU-MET sont figées ?
  5. Une progression des dotations limitée à +10%/an. Pour une dotation d’intercommunalité atteignant 500k€, comme souvent pour les communautés de communes, cela représente une augmentation annuelle de 50k€/an (plus les années suivantes), un enjeu intéressant mais très étalé dans le temps
  6. Une réduction de l’importance du CIF pour les communautés de communes. Leur dotation va dans la très grande majorité, progresser “naturellement” du fait de la réforme, par conséquent le CIF perdra de son importance : une fois que l’on a une dotation qui progresse mais est plafonnée à +10%/an, quel intérêt de faire croître son CIF puisque cela n’aura pas d’effet visible à court-moyen terme sur la dotation d’intercommunalité ?
  7. La prise en compte des redevances assainissement (2020) et eau (2026) dans le CIF des CC.

La réforme de la dotation globale de fonctionnement, inscrite à l’article 79 du projet de loi de finances pour 2019 présenté par le Gouvernement le 24 septembre dernier, contient une mesure d’ampleur qui avance masquée. En effet, les variations de dotations d’intercommunalité liées à la réforme sont principalement dues à deux effets.

Une enveloppe unique quelle que soit la catégorie de l’EPCI

Tout d’abord, la constitution d’une enveloppe unique de répartition, quelle que soit la catégorie de l’EPCI, conduit à ce que les communautés de communes, à fiscalité additionnelle (CCFA) principalement mais aussi à fiscalité professionnelle unique (CCFPU), soient les grandes gagnantes de la réforme proposée. Et pour cause : les CCFA passeraient d’une dotation moyenne à l’habitant de 8,0€ en 2018 (après minoration) à 10,7€ en 2019 et 14,3€ en 2023 ! La progression est à peine moins importante pour les CCFPU qui passeraient d’une dotation 2018 (après minoration) de 14,0€ par habitant à 15,6€ par habitant en 2019 puis 19,2€ par habitant en 2023. Et ces progressions continueraient les années suivantes. Mécaniquement, les catégories d’EPCI qui bénéficiaient de dotations à l’habitant plus fortes sont pénalisées par la réforme, notamment les métropoles et communautés urbaines. Ces dernières ne sont « sauvées » que grâce à une garantie de stabilisation de la dotation lorsque le CIF est supérieur à 40%, qui permet de stabiliser les dotations des communautés urbaines hormis Grand Paris Seine Oise et Grand Poitiers, dont les dotations diminueraient de 5% par an pendant longtemps.

Mais une mutualisation de la contribution au redressement des Finances Publiques

Mais un autre effet influe de manière importante la répartition : il n’y a plus de contribution individualisée au redressement des finances publiques (CRFP) ! En effet, la dotation d’intercommunalité 2019 se base sur la dotation 2018 après minoration, et les articles relatifs à la minoration sont supprimés. Quelles conséquences ? De manière très simple, cela revient à considérer que tous les EPCI subissent dorénavant la même quote-part de minoration sur leur DGF, quelles que soient leurs ressources. Au niveau national en 2018, la CRFP représentait 55% de la dotation d’intercommunalité. Prélever la minoration sur l’enveloppe nationale revient à appliquer à tous les EPCI cette quote-part de 55%. Donc les EPCI dont la minoration représentait plus que ces 55% de leur dotation d’intercommunalité sont avantagés. Un sacré recul par rapport au principe initial de prélèvement en fonction de la richesse ! De ce fait, nombre de communautés bien dotées fiscalement, sont de grandes gagnantes à la réforme !

Et un complément des 5€/hab contre-péréquateur

Enfin, le complément de dotation, pour les EPCI qui ont eu en 2018 une dotation inférieure à 5€ par habitant, joue un rôle contre-péréquateur. Quels sont les EPCI bénéficiaires ? Ceux-dont la minoration était particulièrement importante au regard de leur dotation d’intercommunalité, c’est-à-dire pour les 2/3 d’entre eux, des EPCI dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne. Leur attribuer une dotation répond probablement à un intérêt « technique » (sans cela, avec le mécanisme d’écrêtement existant à +10%, ces EPCI n’auraient jamais de dotation, puisqu’une augmentation de 10% d’une dotation nulle ou très faible, ne fait pas grand-chose), mais donne un mauvais signal quant à l’objectif péréquateur de cette réforme.

Les enjeux de la réforme de la dotation d’intercommunalité au projet de loi de finances pour 2019 présenté par le Gouvernement le 24 septembre 2018

L’article 79 du projet de loi de finances pour 2019 lance le chantier de la réforme de la dotation d’intercommunalité, applicable au 1er janvier 2019. Plusieurs changements d’importance interviennent :

  • Fin de la bonification de la DGF des communautés de communes à fiscalité professionnelle unique, qui obligeait celles-ci à prendre un nombre de compétences toujours plus important afin de maintenir l’éligibilité à cette dotation,
  • Une valeur de point unique quelle que soit la catégorie de l’EPCI : cela veut dire que les EPCI seront comparés entre eux, non pas directement mais au travers de l’écart à la moyenne de leur catégorie. En effet, le critère du potentiel fiscal, est encore apprécié au regard de la moyenne de la catégorie de l’EPCI,
  • L’introduction dans la dotation de péréquation du critère du revenu par habitant,
  • Incorporation de la minoration de la DGF (contribution au redressement des finances publiques) au sein de la dotation d’intercommunalité : le nouveau montant réparti de la dotation d’intercommunalité se base sur le montant 2018 après minoration. Ceci implique que les EPCI qui avaient une minoration qui représentait plus de 55% de leur dotation d’intercommunalité (avant minoration, moyenne nationale) sont favorisés puisqu’avec la réforme tout le monde sera impacté égalitairement. Ce sont principalement les communautés de communes à fiscalité additionnelle et les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique (sans bonification) qui seront les grandes bénéficiaires de cette mesure : en effet, la minoration représente en moyenne respectivement 78% et 62% de leur dotation d’intercommunalité 2018 !
  • Un “complément” de dotation afin de permettre à tout EPCI d’avoir un minimum de 5€ par habitant. Si un EPCI a une dotation inférieure à 5€ par habitant, c’est soit qu’il est particulièrement bien doté en bases fiscales, soit qu’il a une minoration importante. Et ce sont là aussi les communautés de communes à fiscalité additionnelle et les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique sans bonification qui en sont les grandes bénéficiaires. A noter malgré tout que le prélèvement sur les douzièmes mensuels est maintenu.
  • Le CIF est plafonné à 0,6 pour le calcul de la DGF, et il est majoré de 20% pour les métropoles : ce plafonnement peut s’entendre dans la mesure où l’importance du CIF ne reflète pas que l’intégration fiscale à proprement parler. En effet, les territoires à fortes bases/fiscalité professionnels et faibles bases/fiscalité ménages, sont naturellement favorisés en FPU puisque la part de fiscalité professionnelle est supérieure à celle des ménages. L’effet de levier d’un transfert de compétences sur le CIF est alors plus important que dans le cas faibles fiscalité professionnel/forte fiscalité ménages.

 

Quelles conséquences ? Nous avons simulé l’impact de la réforme de la dotation d’intercommunalité, avec les critères de répartition 2018, pour les 1266 EPCI existants au 1er janvier 2018. Il en ressort que :

  • Puisque l’on unifie la dotation par habitant, les communautés de communes à fiscalité additionnelle sont les grandes gagnantes de cette réforme : leur dotation moyenne passerait ainsi de 8€/hab en 2018 à 10,7€/hab en 2019 (soit +34% dès 2019 en moyenne),
  • Les communautés de communes FPU auraient une dotation en progression, à un rythme nettement moins sensible que les CCFA : elles passeraient en moyenne de 14€/hab en 2018 à 15,6€/hab en 2019,
  • La dotation d’intercommunalité des communautés d’agglomération progresserait modestement : de 22,4€/hab en 2018, elle passerait à 23,0€/hab en 2019,
  • La catégorie des métropoles et communautés urbaines auraient une stabilité dans leur ensemble (28,1€/hab en 2018 à 28,2€/hab en 2019) entre 2018 et 2019, avec toutefois une diminution pour les communautés urbaines : elles perdraient 0,7€/hab de dotation en 2019. Il faut noter que sur les communautés urbaines, ce sont surtout les CU Grand Paris Seine Oise, et Grand Poitiers qui seraient perdantes, avec une dotation à l’habitant qui diminuerait de -5%/an sur la période 2019/2023, et les CU Grand Reims et Caen la Mer auraient une diminution les premières années, de -6€/hab en 2019 tout de même. En effet, ces 4 communautés urbaines ont un coefficient d’intégration fiscale inférieur à 0,4, niveau minimal pour bénéficier de la garantie CIF. Les 7 autres CU ont un CIF supérieur à 0,4 et bénéficient donc d’une dotation stable en euros par habitant,
  • La progression de la dotation d’intercommunalité 2019 serait “boostée” par l’attribution ponctuelle d’un complément de 5€ par habitant pour les EPCI à faible dotation d’intercommunalité (après minoration).

Réforme DGF 2019 montants - EXFILO

Réforme DGF 2019 montants – EXFILO

Au total 156 EPCI auraient une dotation d’intercommunalité plus faible en 2019 qu’en 2018 :

  • Une communauté de communes à fiscalité additionnelle serait perdante, la CC Aure-Louron,
  • 156 EPCI seraient “perdants” en 2019 (et les années suivantes, ce chiffre augmentant légèrement), il s’agit principalement de communautés d’agglomération et de communautés de Communes à FPU. Leur décompte en fonction de l’importance de la réduction de leur dotation en euros par habitant est présenté ci-dessous :

Réforme DGF 2019 - EXFILO

Réforme DGF 2019 – EXFILO

Le projet de réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) inscrit dans la loi de finances pour 2016 (article 150) conduisait à fusionner les deux enveloppes actuelles de la DGF des EPCI, à savoir la dotation d’intercommunalité et la dotation de compensation (ex-compensation de la part salaires de la taxe professionnelle). Cette nouvelle enveloppe unique de la dotation d’intercommunalité est ensuite répartie selon des critères usuels : coefficient d’intégration fiscale, population et potentiel fiscal.

François Hollande annoncé le 2 juin, lors de son passage au congrès de l’Association des maires de France (AMF), le report de la réforme de la DGF au 1er janvier 2018. La réforme va donc être en grande partie récrite et sera inscrite dans un texte de loi spécifique.

Ainsi, si le projet de réforme prévu pour 2016 avait été maintenu, la fusion des composantes de la DGF aurait conduit à répartir en fonction de critères l’ancienne dotation d’intercommunalité et l’ancienne dotation de compensation. De ce fait, les EPCI qui avaient une dotation de compensation faible ou nulle avant la réforme, auraient vu leur DGF augmenter de manière significative.

En effet, sur les 2145 établissements publics de coopération intercommunale existants en 2014, plus de 88 % d’entre eux auraient vu leur DGF augmenter après la réforme. Parmi ceux-ci, les communautés de communes à fiscalité additionnelle(CCFA) auraient été particulièrement gagnantes puisque sur les 855 EPCI de cette catégorie en 2014, seul un aurait vu sa DGF diminuer du fait de la réforme. Il s’agit de la Communauté des communes du Mirebalais qui du fait de son fort potentiel fiscal (près de 210 euros par habitant) aurait connu une baisse de sa DGF.

Ainsi, la réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement conduisait à revoir les « richesses » historiques de DGF, expliquées par des situations de forte ressource fiscale de la taxe professionnelle.

Les EPCI à faible dotation de compensation par habitant avant la réforme auraient donc été de ce fait majoritairement gagnants : leur DGF après réforme aurait été supérieure à celle avant réforme. Nos simulations montrent que le « décrochage » s’opère vers 50€ par habitant de dotation de compensation. C’est le niveau à partir duquel les EPCI auraient commencé à ne plus être tous gagnants à la réforme.

 A l’inverse, les EPCI qui disposent d’une dotation de compensation par habitant élevée (à partir de 75€ par habitant de dotation de compensation) sont très majoritairement perdants.

Notons toutefois que de manière exceptionnelle, certains EPCI à faible dotation de compensation peuvent figurer parmi les perdants de la réforme On peut citer l’exemple de deux CCFPU ; la CC de Soulaines et la CC de la Viadene. Ces deux EPCI vont voir leur DGF diminuer avec la réforme alors qu’elles ont une dotation de compensation faible. La CC de Soulaines a une dotation de compensation par habitant qui s’élève à 15,47€ et celle de la CC de Viadène approche les 19€ par habitant. Malgré cette faible dotation de compensation, ces deux CCFPU n’auraient pas été parmi les gagnantes de la réforme du fait de leur fort potentiel fiscal (444 € par habitant pour la CC de Soulaines et 521 € pour la CC de Viadene).

De la même manière, quelques rares intercommunalités à forte dotation de compensation à l’habitant auraient tout de même été gagnantes à la réforme, du fait de critères de répartition favorables (CIF fort ou potentiel fiscal faible). Ainsi, la Communauté urbaine de Nancy  du fait de son fort CIF (0,61) aurait vu sa DGF augmenter du fait de la réforme, bien qu’elle dispose d’une dotation de compensation élevée.