Le projet de loi de finances pour 2012 du 28 septembre 2011 comporte à l’article 55 une révision sensible du mode de calcul du potentiel fiscal des communes et des EPCI. La définition du potentiel fiscal est corrigée afin de prendre en compte leurs nouvelles ressources.

Ainsi, pour les communes qui ne sont pas en fiscalité professionnelle unique ou fiscalité professionnelle de zone, le potentiel fiscal sera composé du potentiel fiscal 4 taxes « ancienne formule » (le produit des bases par le taux moyen national, le tout majoré de la dotation de compensation), en prenant en compte les bases de CFE en remplacement de la TP. Cette somme sera ensuite majorée du produit perçu par la commune au titre des nouvelles ressources : taxe additionnelle sur le foncier non bâti, CVAE, IFER, TASCOM, FNGIR, DCRTP (ces deux derniers pouvant être positifs ou négatifs).

Les collectivités n’ayant pas de pouvoirs de taux sur les nouvelles ressources (hors CFE), la prise en compte directe du produit perçu par la collectivité ne biaise pas le calcul du potentiel fiscal. Cela revient au même résultat que de diviser le produit par le taux moyen national pour obtenir un équivalent « base », et de le multiplier à nouveau par le taux moyen national. Rien que de très banal donc.

Concernant les communes en fiscalité professionnelle unique ou fiscalité professionnelle de zone, la nouvelle rédaction est plus périlleuse.

Rappelons-nous tout d’abord que jusqu’à présent, le principe était le suivant : le potentiel fiscal des communes en FPU ou FPZ était calculé comme la somme de leur produit transféré à la date de leur adhésion (leur AC « fiscale »), auquel on ajoutait la croissance du produit de l’EPCI depuis sa création, répartie au prorata de la population.

L’article 55 du projet de loi de finances pour 2012 introduit un changement méthodologique important : le potentiel fiscal des communes en FPU/FPZ sera égal à leur attribution de compensation majorée d’une quote-part de la différence entre les ressources de l’EPCI et le montant des attributions de compensation. Cette quote-part sera égale au poids de la population de la commune dans la population totale de l’EPCI.

Nouveau PF4T = AC de la commune + (Ressources de l’EPCI – ∑ AC) x %population de la commune

On pourrait penser de prime abord que le terme de la différence entre les ressources de l’EPCI et les attributions de compensation revient à répartir la croissance des ressources de l’EPCI au prorata de la population, comme c’était le cas jusqu’à présent.

Mais ce serait oublier que les attributions de compensations (AC) des communes en fiscalité professionnelle unique sont composées de deux parts : les AC « fiscales » qui correspondent aux ressources que la commune a transféré à son EPCI, et les AC « charges » qui correspondent à l’évaluation des transferts de charges liés aux transferts de compétences, et qui viennent en minoration des AC fiscales. Et dans la rédaction actuelle de l’article 55 du projet de loi de finances pour 2012, les deux parts[1] seraient dorénavant prises en compte dans le potentiel fiscal 4 taxes.

Quelles implications pour cette nouvelle définition ? Elles sont nombreuses :

  1. Tout d’abord, les transferts de charges auront une implication directe dans le calcul du potentiel fiscal et financier, et donc dans le montant des dotations de péréquation des communes (DSU, DSR, DNP). En effet, les transferts de charges conduisent à une réduction des attributions de compensation (le plus souvent). Or l’attribution de compensation est directement prise en compte dans le nouveau mode de calcul du potentiel fiscal.
  2. Tout transfert de compétences entraînera des recalculs des potentiels fiscaux de toutes les communes membres de l’EPCI quand bien même ces dernières n’auraient rien transféré. En effet la différence entre les ressources de l’EPCI et la somme des AC est prise en compte dans le potentiel fiscal des communes membres de l’EPCI.
  • L’article 55 du PLF2012 introduit une prime au transfert de charges : lors d’un transfert de compétences, les communes qui ne transfèrent pas de charges, ou qui transfèrent moins que les autres, seront pénalisées sur leur potentiel fiscal puisqu’elles auront peu ou pas de réduction de leur AC (1er terme du nouveau calcul du potentiel fiscal), et que la différence entre les ressources de l’EPCI et les nouvelles AC (second terme du nouveau calcul du potentiel fiscal) s’accroîtra. Cette part supplémentaire correspond à la réduction des AC, c’est-à-dire de la charge transférée des autres communes.

Exemple : Soit une commune qui transfère un équipement culturel ou sportif à son EPCI. Pour simplifier l’exemple, considérons qu’elle est la seule commune de son EPCI à avoir ce type d’équipement, ou il s’agit du seul équipement déclaré d’intérêt communautaire.

Son nouveau potentiel fiscal sera égal à :

PF4T après transfert      = AC après transfert + {Ressources de l’EPCI – ∑ AC après transfert} x %population communale

= AC avant transfert – Evaluation de la charge nette + {Ressources de l’EPCI – ∑ (AC avant transfert – Evaluation de la charge nette)} x %population communale

= AC avant transfert – Evaluation de la charge nette + {Ressources de l’EPCI – ∑ AC avant transfert + Evaluation de la charge nette} x %population communale

= AC avant transfert – Evaluation de la charge nette + {Ressources de l’EPCI – ∑ AC avant transfert} x %population communale + Evaluation de la charge nette x %population communale

= AC avant transfert + {Ressources de l’EPCI – ∑ AC avant transfert} x %population communale – (1- %population communale) x Evaluation de la charge nette.

PF4T après transfert      = PF4T avant transfert – (1- %population communale) x Evaluation de la charge nette.

=> PF4T après transfert < PF4T avant transfert

Ainsi, comme on le voit, une commune qui transfère une charge nette à son EPCI, bénéficie de ce fait d’une réduction de son potentiel fiscal 4 taxes toutes choses égales par ailleurs, à hauteur de la quote-part affecté aux autres communes (au prorata de leur population).

Pour les autres communes, le potentiel fiscal 4 taxes sera égal à :

PF4T après transfert      = AC après transfert + {Ressources de l’EPCI – ∑ (AC avant transfert – Evaluation de la charge nette)} x %population communale

= AC avant transfert + {Ressources de l’EPCI – ∑ AC avant transfert} x %population communale + Evaluation de la charge nette x %population communale.

PF4T après transfert      = PF4T avant transfert + Evaluation de la charge nette x %population communale.

=> PF4T après transfert > PF4T avant transfert

N’ayant pas transféré de charges, leurs attributions de compensations ne sont pas réduites. Par contre, un transfert de charges ayant été effectué par une autre commune, le montant total des AC versé par l’EPCI a lui diminué. Dès lors, les autres communes récupèrent dans leurs potentiels fiscaux, une part plus importante de la différence entre les ressources de l’EPCI et les attributions de compensations versées.

  1. Méthodologiquement, le potentiel fiscal des communes membres d’un EPCI à FPU ne fait plus que mesurer la richesse potentielle d’une commune ou de son groupement. Il serait maintenant impacté par les compétences exercées par l’EPCI, par le niveau des attributions de compensation qu’il reverse à ses communes membres, c’est-à-dire par le niveau d’intégration fiscale de l’EPCI.

Le potentiel fiscal « nouvelle formule » des communes en FPU deviendrait donc un mix entre le potentiel fiscal « classique » et la mesure de l’intégration fiscale au sein du groupement (par le biais des AC). A quand une commune qui perdrait l’éligibilité à la Dotation Nationale de Péréquation parce que la ville-centre a transféré son zénith à l’intercommunalité ?

Il nous semble que la nouvelle définition des attributions de compensation ne devrait prendre en compte que les AC fiscales. La nouvelle rédaction pourrait être la suivante : 4° de l’article 55 du PLF2012 : « Les attributions de compensation mentionnées au 1° et au 2° sont celles définies au 2° du V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, ainsi qu’aux 3 et 4 du III de l’article 1609 quinquies C du même code ».

Pierre-Olivier Hofer,

Consultant en finances locales, cabinet EXFILO.


[1] Le 4° de l’article 55 du PLF2012 se réfère bien au V de l’article 1609 nonies C qui détaille le mode de calcul des AC « fiscales » et précise en dernier alinéa que « L’attribution de compensation est recalculée, dans les conditions prévues au IV, lors de chaque transfert de charge. ». Ce sont donc bien les AC globales qui sont à prendre en compte.

Ils sont définis par l’OCDE au regard de 3 critères : Il s’agit des versements effectifs (critère 1) opérés par tous les agents économiques au secteur des  administrations  publiques (critère 2),  sous  réserve,  d’une  part,  que  ceux-ci  résultent  non d’une décision (critère 3) de l’agent économique qui les acquitte mais d’un processus collectif de décision  concernant  les modalités  et  le montant  des  débours  à  effectuer,  et  d’autre part, qu’ils ne comportent pas de contrepartie directe. Ceci conduit à en exclure certains impôts en particulier les prélèvements sociaux.

Toutefois, ces critères conduisent à des biais parfois important. Ainsi, dans les pays où les prestations sociales publiques ne sont pas suffisantes pour couvrir les besoins des agents, des prestations sociales facultatives notamment privées sont proposées par les entreprises à leurs salariés. Or la prévoyance collective facultative n’est pas incluse dans la liste des prélèvements obligatoires, même si elle constitue une charge pour les entreprises dont il est difficile de se passer pour attirer de la main-d’œuvre. En outre, ces régimes de prévoyance facultative sont souscrits par une grande part des employés.

Ainsi, comme le souligne le Conseil des Prélèvements Obligatoires[1], « au Danemark  et  en  Suède,  pays  où  les prélèvements  sociaux  sont parmi  les  plus  lourds,  les  régimes  de  retraite complémentaires  facultatifs  couvrent  la  très  grande  majorité  des salariés, tandis que les cotisations chômage sont également facultatives. ». Les régimes de retraite complémentaire et de cotisation chômage facultatifs, ne sont pas pris en compte dans les prélèvements obligatoires, car facultatifs.

Le déficit public n’est pas un phénomène nouveau, et n’est pas « apparu » avec la crise financière de 2007-2008. La France s’est enfoncée sans discontinuer dans le déficit public depuis une quinzaine d’années. Toutefois, avec la crise économique actuelle, les mesures de relance de l’activité économique par les pouvoirs publics, et le « grand emprunt » national, le déficit public français atteint des proportions inégalées. La crise économique de 1992-1993 avait contribué à faire plonger le déficit public français à -6,4% du PIB (71,6 milliards d’euros). Selon les dernières projections de décembre 2009, issues du projet de loi de finances pour 2010, le déficit public pour l’année 2009 pourrait atteindre plus de 140 milliards d’euros, soit 8,5% du PIB (après 66 milliards d’euros en 2008, soit 3,4% du PIB). Pour 2010, les projections du Gouvernement conduiraient à un déficit public de 116 milliards d’euros, soit -8,2% du PIB. C’est un accroissement sans précédent.

Le programme de stabilité de la France, qui sera remis à la Commission Européenne pour la fin avril, détaille les conditions du retour à l’équilibre des finances publiques. Le scénario de retour progressif à l’équiibre est construit sur une hypothèse de croissance de 2,25% en 2012, et de 2,5% en 2013 et 2014. Une hypothèse qui semble plutôt optimiste au vu de la situation économique nationale et internationale. Le déficit public sera ramené à 3% du PIB à l’horizon 2013.

Concernant les administrations locales, il est précisé dans le rapport que l’on devrait assister à un retour progressif à l’équilibre, compte tenu du potentiel de progression de leurs recettes (gel en valeur des dotations et hausse limitée des impôts locaux du fait de l’approche des élections), par la maîtrise de la dépense publique.

 

Page 9 : « Après une légère dégradation du solde des administrations publiques locales en 2011, s’expliquant notamment par le redémarrage de l’investissement local après deux années de diminution, le programme est construit sur l’hypothèse que les collectivités locales réduisent progressivement leur déficit pour revenir à l’équilibre en fin de programme. Dans un contexte de progression modérée de leurs recettes, en lien avec le gel en valeur des dotations versées par l’État (hors FCTVA) et une hausse limitée du taux des impôts directs locaux, cet ajustement passerait par une poursuite de l’effort de maîtrise de la dépense observé en 2010. »

Page 15: « Le programme s’appuie sur l’hypothèse que les collectivités locales visent un retour progressif à l’équilibre de leur capacité de financement sur la période du programme. Cette amélioration passerait principalement par un ralentissement marqué de la dépense locale sur la période, auquel plusieurs éléments devraient concourir.

[…] Les collectivités locales devraient poursuivre l’effort de maîtrise des dépenses courantes observé en 2010. Ce ralentissement des dépenses courantes sera accompagné par l’État, via le gel des concours financiers aux collectivités (hors fonds de compensation de la TVA et le meilleur encadrement des normes règlementaires qui s’imposent à elles. La réforme des collectivités territoriales, en contribuant à la rationalisation de la dépense locale, va également dans ce sens. »

Page 18 : « Par ailleurs, compte tenu de la tenue d’élections locales en 2014, le programme est construit sur l’hypothèse d’une hausse modérée des taux d’imposition locaux […] »

 

Nul besoin de fixer des normes de dépenses pour contraindre les collectivités locales à effacer leur déficit public, il suffit d’assécher la croissance de leurs recettes…

Il convient de préciser par ailleurs la différence entre la notion de déficit public et d’équilibre des finances publiques. A lire dans le prochain sujet

Accéder au programme de stabilité de la France 2011-2014 sur le site de Les échos.fr

Accéder aux programmes de stabilité des années précédentes.